La République de Macédoine du Nord reconnaît la souveraineté du Maroc sur le Sahara    Ouahbigate : le Parti marocain libéral pourfend l'impunité fiscale, politique et institutionnelle sous Aziz Akhannouch    «Le Monde» accusé de collusion rédactionnelle avec Mehdi Hijaouy, impliqué dans de graves délits    Un nouveau service digital signé RAM et Al Barid Bank à l'aéroport de Casablanca    Alerte SharePoint : Microsoft sonne l'alarme face à des cyberattaques ciblées    Dongfeng mise sur le Maroc : une vision électrique et accessible de la mobilité    Les défis et l'avenir de l'Europe : une vision stratégique    Fissure dans le bloc sud-africain    Agriculture: La BAD approuve un financement de 100 millions d'euros au Maroc    Gaz et hélium à Guercif : Predator passe aux tests sur MOU-3    Ouahbi brise le silence sur la Moudawana et tacle Benkirane    Revue de presse de ce lundi 21 juillet 2025    Gaza : troisième phase de la campagne marocaine d'aide humanitaire    Tanger Med : 25 kilos de cocaïne interceptés dans un conteneur frigorifique    Les prévisions du lundi 21 juillet    Maroc : Après les fuites de Jabaroot, Benkirane exige la démission du ministre de la Justice    Officiel : Neil El Aynaoui rejoint l'AS Roma    Polisario: Los opositores denuncian el veto de Brahim Ghali para un congreso extraordinario    Argentina invites economic leaders to join trade mission in Casablanca    Polisario leadership rift deepens as Brahim Ghali blocks extraordinary congress    Argentine : Une mission commerciale attendue au Maroc    Polisario : Les opposants dénoncent le véto de Brahim Ghali pour un congrès extraordinaire    Produit haineux de Boukharrouba , Chengriha et Tebboune, le « Nouvel homme algérien »    Chypre: Erdogan insiste sur une solution à deux Etats pour l'île divisée    Le régime algérien incendie délibérément la Kabylie, encore une fois    MadfooatCom conclut un accord stratégique avec Attijariwafa Bank pour déployer des solutions de paiement électronique    Basket/Division Excellence hommes : L'AS Salé rejoint le FUS Rabat en finale    Les autorités marocaines contiennent un incendie forestier aux abords de Tétouan    Superman de nouveau en tête du box-office nord-américain    C'est officiel : Neil El Aynaoui rejoint l'AS Roma avec un contrat jusqu'en 2030    Basket / Finale .Première division : Aujourd'hui , ''CODM - Rabita'' pour le sacre dès 18h00 à Salé    Basket / DEX(h) : Le FUS surclasse le MAS pour une place en finale des play-offs    Des milliers de Marocains dans les rues de Rabat en soutien à Gaza    Deux puissants séismes au large de l'Extrême-orient russe, alerte au tsunami    Justice, corruption et polémique : Ouahbi se confie en exclusivité à Hespress    Brahim Díaz à Malaga pour la 2ème édition de son campus « Mentalidad Brahim »    Foot: La sélection marocaine des joueurs locaux s'impose face au Burkina Faso    Gaza : Troisième phase de la campagne marocaine d'aide humanitaire    Accident mortel à Casablanca : La Justice dément le vol d'organes de la victime    MAGAZINE - Souheil Ben Barka : fluide planséquence    Diaspo #398 : De la Belgique au Maroc, Sarra El Massaoudi célèbre Nos Héritages migratoires    Le temps qu'il fera ce dimanche 20 juillet 2025    CAN de rugby à XV (Ouganda-2025) : le Maroc termine à la 6è place    Cinéma : Voici les projets admis à l'avance sur recettes au titre de la 2e session de 2025    Cinéma: La Commission d'aide dévoile sa liste    Le Maroc et l'UNESCO annoncent une nouvelle alliance pour promouvoir le développement en Afrique par l'éducation, la science et la culture    Pose de la première pierre du projet de valorisation du site archéologique de Sejilmassa    Festival : Jazzablanca, un final éclatant de stars et de jeunes talents    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Maroc : Quand internet devient le refuge des jeunes séropositifs [Interview]
Publié dans Yabiladi le 14 - 06 - 2019

Le sociologue Bouchaib Majdoul constate que les jeunes séropositifs marocains trouvent sur internet une attention et un soutien dont ils estiment ne pas bénéficier au sein de la société marocaine, où le sida est encore perçu comme une maladie taboue.
Bouchaib Majdoul est l'auteur d'une enquête intitulée «Jeunes séropositifs marocains et internet : la force d'un lien faible», publiée dans l'ouvrage collectif «L'Internet au Maroc. Militantismes, sociabilités et solidarités numériques» (L'Harmattan, mars 2019), dirigé par l'ethnologue Souad Azizi.
Que vient pallier Internet auprès des jeunes séropositifs marocains que vous avez rencontrés ? Que trouvent-ils sur la Toile qu'ils ne trouvent pas ailleurs, auprès des professionnels de santé par exemple ?
Les jeunes séropositifs que j'ai rencontrés et qui ont accès à internet sont nombreux à dire que les informations qu'ils obtiennent auprès des professionnels de santé ne sont pas tout à fait fiables. Ce qu'ils recherchent sur internet, c'est une information fiable qui vient de l'extérieur sur le parcours thérapeutique, les expériences vécues, les traitements… C'est une raison de plus de partager, via Internet, des informations avec d'autres séropositifs, surtout pour les personnes qualifiées de «malade expert», c'est-à-dire des individus qui vivent depuis longtemps avec la maladie, qui ont acquis une certaine expérience de vie avec elle.
C'est pourtant surprenant de faire davantage confiance aux informations trouvées sur Internet, où la fiabilité des sources n'est pas toujours garantie, qu'auprès d'un personnel de santé qualifié…
Oui effectivement, mais la communauté séropositive en ligne est perçue par les séropositifs comme beaucoup plus fiable que les professionnels de santé. Je vous donne un exemple : les progrès thérapeutiques sur le VIH en Europe montrent qu'une personne séropositive sous traitement peut avoir des relations sexuelles non protégées sans risque de contamination. Au Maroc, cette information n'est pas délivrée par les professionnels de santé au risque d'une surcontamination et d'encourager les personnes à avoir des rapports non protégés. Il y a aussi des médicaments qui sont mis sur le marché en Europe et aux Etats-Unis mais pas au Maroc.
Sur Internet, les jeunes séropositifs marocains trouvent un soutien moral et ont la possibilité de nouer des liens de sociabilité qui peuvent parfois aller jusqu'au mariage. Pour une femme ou un homme séropositif, la seule possibilité de se marier, c'est effectivement de trouver une personne elle-même séropositive. Il faut dire aussi que la grande majorité des séropositifs, surtout pour les femmes et les filles, sont rejetés par les familles. Ce rejet provoque un éclatement des liens forts*.
Pour pallier cette situation de vulnérabilité, la personne va alors chercher un soutien dans un autre périmètre : les amis des amis, les connaissances via internet… Ces liens qu'on juge faibles* se révèlent parfois d'une grande force pour eux. Bien souvent, l'accès à des informations fiables sur le VIH émane de liens dits faibles. J'ai emprunté ce concept de liens forts/faibles au sociologue américain Mark Granovetter qui a mené une étude auprès de chercheurs d'emploi aux Etats-Unis, intitulée «The Strength of Weak Ties» («La force des liens faibles», 1983). Elle a montré que plus de 80% d'entre eux avaient trouvé un emploi grâce à ces liens faibles. C'est dans ce sens que je dis qu'Internet peut représenter un lien fort pour ces personnes vulnérables.
Comment s'organise la communauté séropositive marocaine en ligne ?
Il n'y a pas de site dédié exclusivement aux séropositifs. Beaucoup transitent donc vers ce que j'appelle les «séro-net» à l'étranger, où ils communiquent en français, en anglais ou en espagnol, mais rarement en arabe. Ceci dit, il y a très peu de jeunes séropositifs qui ont les compétences linguistiques ou économiques (avoir un ordinateur, accès à Internet…) nécessaires.
Les autres le font autrement, notamment dans les locaux de l'Association de lutte contre le sida (ALCS) où ils peuvent rencontrer d'autres séropositifs, partager leurs expériences, organiser des groupes de parole… Le seul programme multimédia «Bila7araje» («sans tabou» en français), créé par l'ALCS, vise essentiellement la prévention contre les infections sexuellement transmissibles. Ce que les séropositifs veulent, c'est un lieu exclusif pour eux où ils peuvent communiquer sans problèmes ; sans jugements, sans injures ni discrimination ou rejet.
La société marocaine invisibilise les séropositifs, dont la maladie est encore perçue comme honteuse, mais Internet ne renforce-t-il pas ce sentiment d'invisibilité ?
Il y a certes des personnes qui choisissent de rester dans l'invisibilité, mais il y en a d'autres qui profitent d'internet pour se forger une identité virtuelle, qui n'est pas réelle. Ils postent notamment sur la toile des vidéos à visage découvert, comme pour dire aux autres «nous sommes des personnes normales, comme vous. La seule différence c'est que nous sommes malades du sida». C'est aussi une façon de déconstruire les représentations de la maladie, souvent associée aux homosexuels, aux prostituées ou aux personnes toxicomanes, et perçue comme venant de l'autre, de l'étranger.
Internet est aussi mobilisé par les personnes atteintes du VIH dans leur processus de «normalisation» de la maladie, et représente un canal de destruction du modèle explicatif du sida, écrivez-vous. Qu'entendez-vous par là ?
D'abord, chaque maladie a un modèle explicatif : l'étiologie, le moment et la manière dont sont apparus les symptômes, l'évolution du trouble, la physiopathologie et le traitement. Généralement, le sida au Maroc est imputé à la modernité qui a elle-même généré une liberté sexuelle. D'autre part, comme je l'ai déjà dit, c'est aussi une maladie qui est circonscrite à «l'autre», aux homosexuels et aux prostituées dont on considère qu'ils sont responsables de sa propagation, et dont le seul remède ne peut être que l'abstinence ou la fidélité. Sans prétention de généralisation, c'est tout de même un peu le modèle explicatif qui est véhiculé sur le sida ici au Maroc.
Et malheureusement, beaucoup de chercheurs en sciences sociales sont tombés dans le piège de circonscrire la maladie à une catégorie de personnes, si on ajoute aussi les soldats, les prisonniers, les chauffeurs routiers, les marins… Sur internet, ces jeunes séropositifs cherchent justement à déconstruire ce modèle explicatif : la maladie n'est donc pas le résultat de la modernité et de la liberté des mœurs qui l'accompagne – la preuve c'est que le VIH est beaucoup plus répandu en Afrique –, ni de «l'autre», encore moins l'apanage des homosexuels et des prostituées. Toute personne peut être sujette à l'infection.
(*) Dans son enquête, Bouchaib Majdoul souligne la distinction entre «liens faibles» et «liens forts». Ainsi, les premiers désignent «une gamme de relations partant du collègue de travail à la connaissance éloignée, en passant par les membres de la famille étendue, les voisins, les amis ''réguliers'', les amis d'amis, les partenaires d'activité et l'ensemble des relations similaires. Des liens perçus comme facultatifs et négligeables du point de vue personnel et social». Les seconds couvrent au contraire «un nombre plus ou moins défini de relations sociales, telles que celles qui lient des conjoints, des amis proches, ou les membres de la famille rapprochée. Des liens perçus comme étant le ciment central dans la vie de l'individu».


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.