Les Marocains sont-ils égaux face à la maladie ? C'est le genre de question qui taraude depuis belle lurette l'esprit de nombreux citoyens. Le constat après 55 ans d'indépendance est terrible, inquiétant et révoltant face à l'inefficacité totale à prendre en charge les différents problèmes de santé dont pâtissent à ce jour nos concitoyens surtout ceux qui sont démunis, les pauvres, les chômeurs, les laissés-pour-compte, les personnes âgées en situation de précarité, ceux qui résident dans des zones difficiles d'accès, là où existe un désert médical. Il est vrai que la réponse à cette question n'est pas chose aisée tant il est vrai que c'est là un problème à multiples facettes qui s'imbriquent les une aux autres, qui interagissent entre elles et qui finissent par exacerber une situation sanitaire qualifiée de morbide. Aujourd'hui notre système de santé est décrié par beaucoup de monde. Nombreux sont les citoyens qui le jugent insatisfaisant car il ne répond pas bien à leurs réels besoins de santé. Il est vrai que ceux qui pâtissent le plus de ces problèmes de santé sont les malades démunis, les pauvres, celles et ceux qui n'ont d'autres choix pour se faire soigner que de s'adresser aux structures sanitaires publiques avec tout ce que cela suppose comme difficultés, lenteur, risques, agissements contraires, pour au final se voir accorder des soins ou une prise en charge approximative. Les riches, ceux qui ont de quoi payer peuvent se permettre les meilleurs soins, les cliniques huppées, les grands spécialistes et même des soins à l'étranger qui sont payés en devises. A l'évidence, nous ne sommes pas tous égaux face aux maladies et aux risques sanitaires. Il ne s'agit pas seulement d'une ligne de partage entre les plus pauvres et les autres, mais d'inégalités qui traversent l'ensemble de la société. Il ne s'agit pas non plus avant tout d'accès aux soins. Les inégalités de santé trouvent leur origine dans des domaines extrêmement variés, comme le quartier d'habitation, l'emploi, les conditions de travail, les ressources. Paradoxalement, les progrès de la médecine et le développement des démarches de prévention créent également des inégalités. 20% de la population la plus riche consomme 56% des soins alors que 20% de la population la plus pauvre n'en consomme que 3% (rapport de 1 sur 19), une forte participation des ménages au financement des soins (54%), une iniquité dans l'offre et une iniquité dans l'accès aux soins entre les régions d'une part et d'autre part, entre le milieu rural et le milieu urbain, 31% de la population rurale est à plus de 10 km d'un centre de santé, un déficit qualitatif et quantitatif en professionnels de la santé, à ce sujet, l'OMS situe le Maroc parmi les 57 pays du monde qui connaissent une pénurie aigue en médecins : 5,4 médecins pour 10 000 habitants «12 pour 10000 en Tunisie, 13 pour 10 000 en Algérie». Il est vrai qu'un ministre ne peut pas tout faire, tout entreprendre, c'est encore plus vrai quand ce ministre a une autre formation qui le prédisposait à un brillant avenir en tant qu'avocat, ou ingénieur et comme dit l'adage : «une hirondelle ne fait pas le printemps». Le drame dans cette histoire, c'est lorsque le ministre de la Santé s'entoure d'organe consultatif de responsables régionaux ou de directeurs d'hôpitaux qui brillent par leur incapacité à formuler des solutions concrètes. On devine aisément le résultat. Inégalités sociales face à la maladie Interroger les inégalités sociales à travers le prisme de situations sanitaires c'est aussi se donner les moyens de démystifier, de déraciner cette sorte de fatalité attenante aux situations de chacun et bien souvent du plus malheureux et où le plus grand nombre s'accorde à dire c'est la vie. Les systèmes qu'ils soient politiques, sociaux, économiques ou culturels doivent être questionnés car ils participent bien souvent à l'inertie en matière d'amélioration de la santé et à la perpétuation des disparités. Il ne fait aucun doute que plusieurs causes participent soit directement ou indirectement dans ces inégalités sociales face à la maladie dont les plus pauvres sont les premiers à en pâtir. Les indicateurs de santé signent et persistent donc à nous montrer que les disparités en matière de santé existent plus que jamais. La mortalité des enfants de moins de cinq ans est de 36 pour 1000 naissances contre 16 pour 1000 dans les pays industrialisés. De même, les différences de taux de mortalité maternelle nous indiquent que les femmes ne bénéficient pas des mêmes chances pour survivre à un événement heureux, la naissance, qui doit plutôt appeler la joie que la mort : le taux de mortalité maternelle pour les femmes qui était de 227 / 100.000 naissances vivantes et aujourd'hui de 132 / 100.000 NV. Au-delà de ces chiffres qui témoignent d'une réalité amère qui place notre pays parmi ceux du dernier peloton, il y a lieu de rappeler que c'est à l'intérieur de notre pays, au niveau des zones enclavées, des contrées lointaines, du milieu périurbain que se déroulent souvent des drames humains inhérents aux inégalités, aux disparités, aux iniquités, c'est là que ces disparités sont plus choquantes et forts pénalisantes. Alors il faut arrêter de nous raconter des salades au moment où des citoyens sont privés de minimum. Aujourd'hui plus qu'en tout autre temps ces disparités, ces inégalités sociales face à la maladie doivent être au cœur de la réflexion sur les droits de la personne. A ce titre, elles représentent un combat de tous et de tous les instants. Les déterminants de la santé Parler de ces inégalités sociales nous invitent à en citer les plus importants qui sont des déterminants qui pèsent lourds et qui représentent l'une des principales causes des inégalités en santé, c'est à dire des écarts injustes, choquants et pénalisants que l'on enregistre surtout au niveau des régions défavorisées où l'eau est rationnée, les routes défectueuses, les écoles souvent fermées, des régions qui ne disposent pas de tous les moyens humains, matériels, des structures adaptées, des médicaments pour pouvoir garantir aux populations les soins nécessaires à leur santé. Grâce aux différents reportages réalisés par les chaînes de télévisions tant au niveau des montagnes de l'Atlas où des citoyens Marocains se meurent de froid en hiver, et où n'existe aucune structure sanitaire capable de remédier aux souffrances physiques de ces oubliés du système de santé, les causes de ces inégalités sont de mieux en mieux cernées, ce qui a incité les responsables du département de la santé à réagir surtout après la visite effectuée par sa majesté le roi Mohammed VI à ces contrées délaissées Nos hommes politiques ont pris le relais et, au-delà, l'ensemble de la société a aussi eu son mot à dire dans un élan de solidarité où des associations, des caravanes médicales se sont tous mobilisées et ont agi en conséquence pour réduire un tant soit peu les inégalités et les iniquités dont souffrent ces citoyens. Aujourd'hui, il s'agit de faire prendre conscience à tous des réels enjeux que font peser sur la santé des individus ces disparités, de rendre davantage présent dans les débats et les décisions, non seulement dans le secteur de la santé, mais bien au-delà, dans tous les secteurs de la société la nécessité d'agir afin de répondre aux inquiétudes grandissantes concernant la persistance et l'aggravation des inégalités. Il s'agit d'améliorer les conditions de vie des individus, de lutter contre les inégalités dans la répartition des ressources. Nécessité d'un programme national de santé On ne peut nier tous les efforts qui ont été réalisés, on ne peut pas non plus passer sous silence toutes les réalisations auxquelles est parvenu le ministère de la santé pour mettre à la disposition de nos concitoyens des structures adaptées, des soins acceptables, des professionnels qualifiés. Mais il faut aussi reconnaître que nous avançons très lentement et parfois même nous stagnons, et comme chacun peut le deviner, qui n'avance point recule. Les instances internationales nous jugent sévèrement à ce sujet. Les rapports annuels de l'OMS jugent sévèrement la réactivité du système national de santé, considéré comme faible. Ce qui classe le Maroc dans la queue du peloton des pays à économie similaire. Aujourd'hui, il est grand temps de revoir notre copie, de nous regarder bien en face et de dire les choses très simplement : notre système de santé est malade, il lui faut de bons médecins à son chevet. Le diagnostic est fait depuis belle lurette, le défi des années à venir exige une réorganisation et une nouvelle adaptation de la politique de la santé, le programme national de santé devra apporter des réponses adéquates aux problèmes des dix années à venir (2012-2022). Nous avons besoin d'un itinéraire clair, il faut en finir avec les erreurs du passé qui ont lourdement pénalisé le secteur de la santé. Nous avons besoin de savoir à l'avance ce que nous allons réaliser sur les dix ans à venir, une politique claire, des objectifs précis, des stratégies adaptables, réalisables et réalistes. Il faut en finir une bonne fois pour toute avec les éternels recommencements qui veulent que chaque ministre qui arrive au département de la santé rase d'un revers de la main tout ce qui a été entrepris par son prédécesseur et recommence tout à zéro, travaillant avec des hommes à lui et chassant les autres, mettant en place sa stratégie, ses visions, ses préoccupations ou son appartenance politique à développer pour tenter à sa manière d'améliorer le niveau sanitaire de notre pays, marquant de son sceau son passage au niveau du ministère de la santé …