Le journaliste-écrivain Abdelaziz Mourid s'est éteint, mardi 9 avril 2013 à Casablanca, à l'âge de 63 ans. Mourid, qui était fort marqué par ses dix années de détention, a rendu l'âme à son créateur, dans une clinique à Casablanca, des suites d'une longue maladie. Natif de Casablanca, Abdelaziz Mourid, membre actif de l'extrême gauche (fondateur du Mouvement du 23 mars), fut arrêté en 1974 puis condamné à 22 ans de prison. Il y passa 10 ans et sera libéré en 1984. Ex-détenu de la prison de Kenitra, cette expérience carcérale, Abdelazizi Mouride va la raconter en 2001 d'une façon originale et touchante: sous forme d'une BD intitulée «On affame bien les rats». Avant de rejoindre le Groupe Maroc soir, en 1987, il publia, en 2005, "Le Coiffeur", une autre bande dessinée évoquant le Casablanca des années 1960 avec pour cadre le salon d'un coiffeur et pour toile de fond les luttes politiques. Une bande dessinée, conçue et amorcée en prison, à travers laquelle, le défunt racontait son «sinistre passé de cobaye des tortures». Il appelait cela "une expérience humaine". L'humour et la dérision sont des armes terribles pour conjurer l'insoutenable. Abdelaziz est pudique, écrivait Amal Samie. « Il ne fait pas de son terrible voyage un étalage complaisant de sa lutte contre l'iniquité. Il a lutté comme tant d'autres. Il faut parler de ces années terribles pour qu'on ne vive plus jamais d'années terribles ". " Dans la pénombre de sa cellule de Derb Moulay Cherif (à Casablanca), Mouride a croqué son histoire. Jour après jour. Planche après planche. Il dessine tout : les simulacres de procès, l'isolement, les humiliations, la torture, la grève de la faim... l'ignominie des années les plus sinistres qu'a connus le Maroc. " (Extrait d'un article de Yann Barte) Un jour, le défunt découvrit «Le pain nu» de Mohammed Choukri. Le texte le marque fortement, il voit dans cet ouvrage «une parabole, qui raconte mon histoire, celle de mon pays. L'histoire d'une renaissance après la chute». Ce n'est qu'en 2006 qu'il commence à travailler l'adaptation du texte dépouillé de Mohammed Choukri. En dessinateur, Abdelaziz Mourid tenta de glisser dans la peau du personnage ; il déconstruit le texte pour l'adapter, à trevars «des couleurs sombres qui collent à l'œuvre». Lorsqu'il intégra le premier Groupe de presse au Maroc en 1987, Abdelaziz Mourid était devenu le chroniqueur littéraire attitré du journal «Le Matin du Sahara». Responsable de la rubrique «Culture», le défunt suivait de très près l'actualité littéraire, en commettant des notes de lectures de livres. Ses héros de «Guerre et paix» de Tolstoï ou du «Père Goriot» de Balzac jaillissaient de ses chroniques, mais aussi de ses toiles de peinture, pour raconter le clair-obscur d'une vie hantée par la violence et l'incompréhension. Mourid s'en va. Il quitte en silence ce bas monde sans prévenir. En cette douloureuse circonstance, nous présentons nos condoléances les plus attristées à son épouse fatima Zahra, à son unique enfant Jad et à l'ensemble des membres de la famille.