Amman organise une mission économique à Rabat pour approfondir les relations commerciales avec le Maroc    inwi Challenge. L'innovation éducative récompensée    L'ONHYM du Maroc participera au Forum Energie Etats-Unis-Afrique    Le FC Nantes signe l'expérimenté attaquant marocain Youssef El Arabi    Alerta meteorológica en Marruecos: Ola de calor de hasta 47°C esta semana    Canada : Le YouTuber marocain Hicham Jerando condamné pour diffamation    Maroc : les dépenses sociales atteindront 39 milliards de dirhams en 2025    Le Maroc remet aux autorités écossaises un grand trafiquant impliqué dans un vaste réseau de stupéfiants    Coopération : Casablanca et Toulouse relancent leur partenariat    5e Réunion ministérielle UE-Voisinage Sud : Bourita plaide pour une Méditerranée stratégique et solidaire    Crédits et dépôts : la dynamique bancaire confirme sa résilience    Perspectives économiques : des voyants au vert mais un déficit qui plonge    Khalid Zaim : «Notre principal défi réside dans la commercialisation»    14 juillet à Fès : quand l'histoire et la culture tissent les liens franco-marocains    Le Kenya sans visa : nouvelle politique pour les Africains    Le Sénégal accélère sa transformation économique    Burkina Faso. La reprise économique s'accélère en 2024    Cours des devises du mercredi 16 juillet 2025    Accidents de la circulation : 24 morts et 2.944 blessés en périmètre urbain durant la semaine dernière    Découverte au Niger : une météorite martienne fait sensation aux enchères    Bijagos, trésor naturel de Guinée-Bissau, entre dans le cercle prestigieux de l'UNESCO    Les dépenses du chantier de la protection sociale devraient atteindre 39 MMDH en 2025    Coopération aérienne maroco-française : Clôture d'un exercice conjoint illustrant l'harmonie opérationnelle entre les forces aériennes    Quand l'Algérie redessine la CAN à la gomme    Chambre des représentants: Adoption du projet de loi portant création de la « Fondation Maroc 2030 »    Mondial 2026 : lancement du programme de billetterie le 10 septembre    Plaidoyer international pour les Marocains expulsés d'Algérie : «50 ans et après : Non à l'oubli !»    Le président du CESE reçoit une délégation de l'organisation de libération de la Palestine    Sahara marocain. Le parti MK et Zuma font bouger les lignes en Afrique du Sud    Cause palestinienne : Al-Tamimi salue le soutien indéfectible du Maroc    La visite de Jacob Zuma à Rabat : un signe de changement stratégique dans la position de l'Afrique du Sud sur la question du Sahara marocain    L'affaire Nacer El Djen : quand le pouvoir algérien dévore ses généraux    Trump relance l'épreuve de force commerciale, l'UE affûte sa riposte    La reactivación del Comité de Liberación de Ceuta y Melilla llega al Parlamento español    La relance du Comité de libération de Ceuta et Melilla arrive au Parlement espagnol    Consécration : Abdelhak Najib honoré à Kigali pour la paix et le dialogue des cultures    Préparatifs CAN 2025 : dernier virage pour les travaux    Michoc devient supporter officiel de la Fédération Royale Marocaine de Football    Décès de Muhammadu Buhari : le Roi Mohammed VI adresse un message de condoléances au président du Nigeria    Crash d'Air India: L'Inde ordonne une inspection d'urgence des interrupteurs de carburant des Boeing    CAN féminine de football : le Maroc affronte le Mali en quart de finale    Cañizares : "Hakimi mérite le Ballon d'or 20 fois plus que Dembélé"    L'UNESCO inscrit les tombeaux impériaux de Xixia au patrimoine mondial... La Chine poursuit la valorisation de son héritage civilisationnel    Festival des Plages 2025 : Maroc Telecom donne le coup d'envoi    Inscription des tombes impériales de la dynastie Xia de l'Ouest sur la liste du patrimoine mondial de l'UNESCO    Maroc Telecom lance la 21eédition du Festival des Plages    Lou Yixiao émerveille le public avec une tenue inspirée des femmes Hui'an de l'époque républicaine chinoise : Quand la magie du passé rencontre l'élégance contemporaine    Jazzablanca 2025 : A citywide celebration of jazz, beyond the stage    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Pop philo, quand tu nous tiens!
Publié dans Albayane le 25 - 10 - 2020

Qu'est-ce que la pop philosophie ? Comment peut-on la pratiquer ? Comment fait-elle sens aujourd'hui ? L'ouvrage de Francis Métivier Pop Philo Stories (Armand Colin, 2020) montre avec profondeur et humour que la philosophie ne renvoie pas seulement à des idées abstraites et figées dans le temps mais à des expériences vécues, à des pratiques et à un rapport spécifique au monde.
Plutôt que de parler de Pop philosophie, Francis Métivier a décidé de la pratiquer à travers les différentes stories qui jalonnent son livre – des stories analogues peut-être aux plateaux évoqués par Gilles Deleuze, qui a initié le terme «Pop philosophie», et Félix Guattari au cours des années 80: «Ces stories ont pour but, à la fois, de renouveler le questionnement philosophique au regard de notre actualité culturelle et sociale et, dans l'autre sens, d'interroger les tendances d'aujourd'hui par les yeux et les concepts des philosophes, d'examiner les fondements philosophiques de nos objets et pratiques contemporaines» (p. 7).
L'ouvrage commence très fort. Dans la première story consacrée à l'art, Kant tombe amoureux de Lady Gaga qui bronze au bord de la piscine après s'être fait critiquée par Socrate au sujet de son art. Toutefois celle-ci lui préfère Schopenhauer qui la comprend et la décrit beaucoup mieux que l'auteur de la Critique de la raison pure. Ensuite, Hegel, Bachelard et Sartre s'affrontent à Top Chef autour du «temps» et de la «conscience» et finissent par se balancer à la figure de la croustade de crustacés ou de la tête de veau (je vous laisse imaginer ce que cela peut donner avec la barbe de Bachelard). Dans ce livre, on peut aussi pédaler avec Nietzsche ou courir avec Spinoza, écouter Kierkegaard et Freud autour du burn out, lire Marx dans le contexte des Gilets Jaunes, démolir les théories du complot avec Popper, Kant et Socrate.
La force du livre de Francis Métivier est de s'adresser à une multiplicité de public sans lâcher la rigueur philosophique. Le livre peut intéresser des professeurs de philosophie, des élèves de terminales (on y retrouve des notions du bac), des gens qui apprécient la philo et ont envie de s'y mettre, sans forcément être des experts. Le ton accessible et humoristique de l'ouvrage est sans doute la meilleure clé pour s'y plonger et réfléchir avec tous ces auteurs sur notre monde contemporain, sur ce qui se passe sous nos yeux.
Nous avons eu deux stories coup de cœur en refermant le livre de Francis Métivier. La première s'intitule «Le bonheur et la liberté : Perdons-nous notre liberté quand nous sommes accros aux séries ?». Le passage où Emilie Clarke, actrice dans Game of Thrones, déclare son enthousiasme à Gille Deleuze après avoir lu ses deux livres sur le cinéma est de toute beauté. Selon elle, il aurait donné à l'humain une liberté nouvelle dont il ne mesure pas la portée : «Toute créativité inédite n'est-elle pas chez l'artiste la preuve d'une liberté nouvelle de l'imaginaire et de la conscience ? Et cette liberté nouvelle ne retentit-elle pas dans l'esprit du spectateur et même dans sa vie?» (p. 31). En lisant ce passage, nous avons beaucoup pensé au film de Woody Allen Un jour de pluie à New-York et à tous les plans d'immanence qu'il met en avant. Si l'on utilise cette démarche à bon escient, être libre au sens de faire ce qui nous plait peut-être une forme d'éthique dont il faudrait mesurer l'implication! Ce n'est pas Isaiah Berlin qui dirait le contraire!
L'autre story coup de cœur s'intitule «Le langage : un texto plein de fautes en dit-il plus qu'un long poème bien écrit ?». A l'occasion de son douzième anniversaire, les parents Wittgenstein offre à leur fille un téléphone portable. Lors de l'échange que le père a avec sa fille, la problématique est posée: le smartphone est-il un outil d'uniformisation et de standardisation de l'esprit, voire de crétinerie, ou bien, compte tenu du fait que tout le monde en ait un, il s'agit d'un intéressant vecteur de socialisation, voire d'une nouvelle forme d'intelligence ? L'histoire se poursuit en trois parties. Lorsque Ludwig Wittgenstein amène sa fille à une conférence de Hegel, il entend qu'à première vue le téléphone portable incarnerait la pauvreté de l'esprit parce qu'il écrit en abrégé, assume les fautes d'orthographe et – pourrait-on rajouter – communique même avec l'absence de mot puisque l'on peut répondre avec des pouces ou des smileys.
Toutefois, en allant voir ensuite Jankélévitch qui donne un concert au sein duquel il reste immobile devant un piano pour montrer que l'important n'est pas ce que l'on «entend» mais ce que l'on «comprend» (p. 170), Wittgenstein s'aperçoit que la thèse de Hegel ne tient pas la route. Le silence peut en effet faire comprendre beaucoup plus de choses que les mots, aussi parfaits soient-ils. Au final, lorsqu'ils se retrouvent au restaurant avec sa fille, après la conférence et le concert, Wittgenstein lui parle de ses Leçons sur l'esthétique et conclut qu'un texto avec des emojys, même s'il contient des fautes d'orthographe, peut-être beaucoup plus expressif qu'un long poème très bien écrit. Il n'y a pas forcément besoin de mot pour exprimer une pensée, le dessin y arrive tout aussi bien.
Dans un contexte aussi compliqué que le nôtre, ce courant d'air pur dans des pièces sentant parfois le renfermé est plus que salutaire et rappelle qu'avant d'être une forme de pensée logique et cohérente la philosophie est un mode de vie, une expérience à vivre au sein de notre monde contemporain.
*professeur de philosophie au lycée Descartes de Rabat


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.