Soldats marocains à la Guerre de Corée Par Abdelghani Aouifia – MAP En entrant à Pusan, une ville portuaire sud-coréenne sur la mer de l'Est, un sentiment de sérénité et de quiétude vous saisit. Les étendues de plages blanches à perte de vue et les temples majestueux qui parsèment les montagnes avoisinantes confèrent à la cité une paix qui rompt avec le rythme effréné de Séoul, la capitale laissée à environ 330 KM au nord. Vitrine de la technologie de pointe avec ses marques mondiales (LG, Samsung, Hyundai), sa jeunesse dynamique et sa vague de culture Pop qui déferle sur la planète terre, la Corée du Sud est aussi une nation avec une histoire riche et fascinante. Une histoire forgée dans la peine, le sacrifice et surtout la gloire. C'est une nation qui a su panser les plaies profondes de la sanglante guerre de 1950-53, grâce à un effort de reconstruction fondé autour d'un projet de renaissance dont l'éducation et l'enseignement sont la pièce maitresse. A Pusan, une ville de 3,5 millions d'habitants, l'histoire récente de la Corée du Sud trouve sa parfaite illustration. La ville, restée impénétrable face aux attaques féroces des redoutables forces du nord durant la guerre, abrite le Cimetière du mémorial des Nations-Unies. L'unique au monde. Le site fut aménagé en janvier 1951 pour enterrer des combattants venus de nombreux pays pour contribuer, sous la bannière de l'Onu, à la libération de la Corée du Sud, où les valeurs du monde libre étaient ébranlées par l'invasion du nord. Avec les 2.300 soldats qui y sont inhumés, le Cimetière se dresse comme un rappel de cet épisode difficile de l'histoire de ce pays, affectueusement surnommé le pays du Matin Calme, en référence à la beauté de ses montagnes, ses eaux limpides et sa tranquillité splendide. Parmi les 2.300 tombes soigneusement rangées dans ce Cimetière de 14 hectares reposent les restes de deux soldats marocains dont le sang a coulé sur le sol d'un pays lointain en défense des idéaux de liberté. Ils sont aujourd'hui témoins d'une amitié entre deux peuples, certes séparés par la géographie, mais unis par les liens d'une fraternité qui ne s'est jamais démentie depuis près de 60 ans, quand les relations diplomatiques ont été établies entre Rabat et Séoul. Les recherches poussées menées par l'ambassade du Maroc à Séoul auprès des institutions coréennes ainsi que les documents fournis par le bureau du Cimetière onusien révèlent que Mohamed Benkaddour Lasri et Julien Djian sont deux soldats de nationalité marocaine, venus combattre en Corée du Sud sous la bannière de l'ONU. Selon ces documents, Mohamed Benkaddour Lasri, né en 1915, est mort des suites de blessures subies lors de combats sur la colline 1037 dans la région de Munchi, à environ 200 km au nord de Wonju (sud-ouest de la Corée du Sud). Caporal-Chef, portant le matricule 318, Benkaddour Lasri est inhumé dans la sépulture numéro 571, au cimetière de Pusan. Julien Djian, né le 19 février 1928 à Marrakech, est quant à lui décédé le 04 juillet 1953, soit 23 jours seulement avant l'armistice proclamée le 27 juillet 1953. Selon les documents du bureau du Cimetière onusien, il fut grièvement blessé à la tête, à la poitrine, au bras et à la jambe lors de bombardements contre le district de Cheorwon, relevant de la province de Gangwon, près de la frontière avec la Corée du Nord. Pour les responsables du Cimetière, ces deux soldats, à l'instar de leurs collègues morts pour la défense des valeurs de liberté et de paix, représentent un symbole éternel de fraternité. « C'est pour dire que nous n'allons jamais oublier leur sacrifice pour la Corée du Sud. Nous souhaiterions dire au peuple marocain que nous n'allons jamais oublier la contribution des soldats marocains. Le peuple coréen sera toujours reconnaissant au Maroc pour le sang marocain qui a coulé sur son sol », indique à la MAP Mme Eun-Jung Park, directrice des affaires publiques au Cimetière onusien. « Les pays, comme le Maroc, dont des ressortissants ont sacrifié leur vie pour la libération de la Corée du Sud, sont considérés comme des frères de sang », poursuit la responsable, soulignant qu'il s'agit d'une relation qui dépasse l'amitié pour montrer la profondeur et la force de cette relation. Elle a fait observer que la contribution des soldats marocains mérite d'être mise en relief à l'occasion de la célébration tout au long de l'année 2022 du 60è anniversaire de l'établissement des relations diplomatiques entre le Maroc et la Corée du Sud. Revenant sur la place du Cimetière dans l'histoire contemporaine de la Corée du Sud, Mme Park a relevé qu'il s'agit d'un symbole de coopération et de solidarité internationale. «Le cimetière abrite les dépouilles de soldats venus de plusieurs régions du monde pour combattre en Corée du Sud, un pays qu'ils ne connaissaient pas. Leur seul but était de défendre les idéaux de paix, de liberté et de droits de l'homme », a-t-elle dit. Ce site à forte charge émotionnelle et historique représente aussi « toutes les valeurs et les principes qui guident l'action des Nations-unies pour la consolidation de la paix et de la sécurité dans le monde », souligne-t-elle, relevant que le cimetière est porteur d'un autre message tout aussi important à l'adresse des générations montantes que les guerres ne sèment que la destruction et n'engendrent que les pertes et les souffrances. «Nous essayons de préserver la mémoire des soldats tombés sur les champs de bataille en Corée du Sud pour promouvoir, parmi les jeunes, les valeurs de paix, de fraternité et de liberté», conclut-t-elle.