Président de l'Association marocaine des professionnels de la finance participative La réforme du cadre juridique des OPCVM marque un tournant majeur pour le marché financier marocain. Dans cet entretien, Saïd Amaghdir, président de l'Association marocaine des professionnels de la finance participative, décrypte les principaux apports de la loi 03.25, de l'introduction des OPCVM participatifs à l'élargissement de l'univers d'investissement, en passant par les compartiments, les fonds en devises et le renforcement des exigences de transparence et de gouvernance. Comment qualifieriez-vous la réforme introduite par la loi 03.25 relative aux OPCVM ? Il s'agit d'un texte issu d'une réécriture complète de la loi. Le nouveau dispositif est désormais structuré en titres, eux-mêmes divisés en parties thématiques précises, couvrant notamment les dispositions générales, la constitution des OPCVM, les règles prudentielles, la transparence, ainsi que le contrôle et les sanctions. Le langage a été modernisé et adapté au cadre légal actuel, en tenant compte des évolutions du marché financier marocain et de la réglementation internationale, notamment en matière d'IFRS, de Bâle III et de finance participative ou islamique. Quelles sont les principales nouveautés introduites par cette loi en matière de catégories d'OPCVM ? La nouvelle loi intègre une nouvelle rubrique, ou plus exactement une nouvelle catégorie d'OPCVM. On compte, désormais, six catégories. Auparavant, il existait cinq catégories, à savoir les fonds actions, obligataires, diversifiés, monétaires et contractuels. Une sixième catégorie a été ajoutée avec l'introduction des OPCVM participatifs, notamment à travers l'article 55, dont le cadre est détaillé à partir de l'article 61. La loi introduit également la notion de compartiments. Qu'est-ce que cela change concrètement ? La loi instaure un régime détaillé des compartiments. Concrètement, cela signifie que, sur un même fonds, il est désormais possible d'avoir plusieurs compartiments correspondant à différents types de clientèle. Avant, chaque catégorie de clientèle nécessitait la création d'un fonds distinct. Désormais, un seul fonds peut regrouper plusieurs compartiments, ce qui permet un gain d'efficacité considérable. Au lieu de multiplier les fonds, on peut créer un fonds unique avec quatre ou cinq compartiments, ce qui équivaut, en pratique, à quatre ou cinq fonds selon l'ancien modèle. Qu'en est-il des fonds en devises, qui suscitent un intérêt croissant ? Les fonds en devises constituent un point important de la réforme. Ils s'adressent aux investisseurs qui souhaitent souscrire en devises, avec des investissements réalisés dans des actifs étrangers libellés en devises. Lors du rachat, les investisseurs récupèrent leurs devises sans être exposés au risque de change. C'est un élément clé, car il permet de capter une manne importante de devises détenues par des investisseurs désireux d'investir sans supporter le risque de change. La loi introduit aussi les fonds indiciels cotés. Quel impact peuvent-ils avoir sur le marché ? La loi introduit une nouvelle catégorie de fonds, à savoir les ETF en bourse. Ces OPCVM cotés sont appelés à transformer profondément le marché marocain. Ils permettront notamment aux sociétés de gestion indépendantes, qui ne disposent pas de réseaux de distribution, de créer des fonds cotés en bourse et de les commercialiser à l'échelle nationale via la Bourse de Casablanca. Cela constitue un levier de croissance majeur pour ce type d'acteurs. L'univers d'investissement des OPCVM a-t-il été élargi ? Oui, la loi apporte des évolutions importantes sur les procédures et élargit l'univers d'investissement des OPCVM avec l'ajout de nouveaux actifs. Parmi eux figurent notamment les sukuk, les autres OPCI, les OPCC, les instruments financiers dérivés ainsi que les dépôts participatifs, qui sont désormais intégrés à l'univers d'investissement des OPCVM. Quelles avancées la loi prévoit-elle en matière de transparence et de gouvernance ? La loi renforce les obligations d'information continue, la publication de la valeur liquidative, des rapports juridiques et la transparence globale. Elle instaure une responsabilité partagée entre la société de gestion, le dépositaire et le commissaire aux comptes, et encadre strictement les conventions, notamment en ce qui concerne leur durée et leurs montants. Quel cadre est prévu spécifiquement pour les OPCVM participatifs ? La loi intègre un cadre complet pour les OPCVM participatifs, avec l'avis du Conseil supérieur des oulémas. Elle introduit également, de manière implicite, des exigences liées à la durabilité et à la diversification, à l'instar de ce qui existe pour les fonds participatifs. Au final, comment résumer la portée globale de cette réforme ? De manière globale, cette réforme marque une modernisation importante du cadre juridique des OPCVM. Elle s'inscrit dans un alignement clair avec les standards internationaux, notamment les directives européennes et françaises. Elle renforce la supervision à travers l'élargissement des pouvoirs de contrôle de l'AMMC, introduit des innovations juridiques, intègre la finance participative et les instruments dérivés, et améliore la protection de l'épargnant, en particulier en matière de liquidité, de valorisation et de gouvernance. Sanae Raqui / Les Inspirations ECO