Dans le cadre de la Loi de Finances 2026, le régime fiscal applicable aux salariés des entreprises disposant du statut Casablanca Finance City a été profondément remanié. Le nouveau dispositif, qui entre en vigueur le 1er janvier 2026, prolonge l'incitation fiscale phare, un taux d'imposition fixe de 20%, tout en clarifiant les modalités, les conditions d'éligibilité et les obligations déclaratives des employeurs. Décryptage d'une réforme qui concerne directement plusieurs milliers de collaborateurs actifs au sein de la place financière de Casablanca. La Loi de finances 2026 marque un tournant important pour les salariés opérant au sein des sociétés disposant du statut Casablanca Finance City (CFC). En redéfinissant les modalités d'imposition à l'Impôt sur le revenu (IR), cette réforme vise à concilier souplesse professionnelle et prévisibilité fiscale, tout en consolidant l'attractivité du Maroc comme pôle financier régional. Un régime spécifique confirmé, mais plus flexible Jusqu'à la fin de l'année 2025, les salariés des sociétés CFC, à l'exception des établissements de crédit, compagnies d'assurances et de réassurance, bénéficiaient d'un taux forfaitaire et libératoire d'IR de 20%, applicable pendant une période de dix années consécutives à compter de leur entrée en fonction. Cette disposition, en vigueur depuis plusieurs années, faisait du statut CFC un outil fiscalement avantageux pour attirer des cadres internationaux et des talents spécialisés. Avec la réforme 2026, ce même taux de 20% est maintenu. Mais l'administration introduit une flexibilité nouvelle dans le calcul des dix années d'éligibilité. Désormais, ces dix années peuvent être non consécutives. Autrement dit, un salarié peut quitter une entreprise CFC, travailler ailleurs, y compris à l'étranger, puis revenir chez un autre employeur CFC sans perdre le bénéfice des années restantes. Prenons l'exemple d'un cadre marocain recruté en 2018 par une société CFC. Il bénéficie du taux préférentiel de 20% jusqu'en 2022, soit pendant cinq ans, avant de rejoindre une autre entreprise hors-CFC. En 2026, il revient dans une entreprise CFC. Grâce à la réforme, il pourra bénéficier du taux de 20% pour les cinq années restantes. Avant cette réforme, il aurait perdu définitivement cet avantage fiscal dès qu'il sortait du dispositif. L'option pour le barème progressif reste possible, mais encadrée La nouvelle législation conserve également la possibilité pour les salariés concernés d'opter pour l'imposition selon le barème progressif de l'IR, une alternative souvent choisie par ceux dont les charges déductibles sont élevées, ou dont la rémunération varie fortement. Cette option, irrévocable pour l'année concernée, doit être formulée avant le 1er février de chaque exercice fiscal, via un formulaire normalisé à transmettre à l'employeur. Une attention particulière doit être portée à ce délai, car aucun retour en arrière n'est possible une fois la date passée. Par ailleurs, l'abandon de cette option pour revenir à l'imposition au taux de 20% est autorisé, à condition d'en faire la demande, également avant le 1er février, en suivant la même procédure administrative. «Ce va-et-vient fiscal doit cependant être manié avec prudence, car il pourrait avoir un impact financier significatif selon le niveau de revenu et les évolutions familiales ou patrimoniales du salarié», commente un expert. Une transparence accrue pour les employeurs L'administration fiscale introduit en parallèle une nouvelle obligation déclarative à la charge des sociétés ayant le statut CFC. Lors de la déclaration annuelle des traitements et salaires, celles-ci doivent désormais annexer un état récapitulatif listant tous les salariés bénéficiant du régime fiscal spécifique. Ce document doit suivre un modèle standardisé fourni par l'administration, permettant un meilleur contrôle des périodes d'éligibilité et de la bonne application des taux réduits. Ce mécanisme renforce la traçabilité des avantages fiscaux et responsabilise davantage les entreprises, qui deviennent co-acteurs de la conformité fiscale de leurs salariés. Pour les directions RH et financières, cette réforme exige donc une mise à jour des procédures internes, notamment en ce qui concerne l'accueil des nouveaux collaborateurs et la gestion des mobilités sortantes et entrantes. Maintenant, il est important de cerner à qui s'applique cette réforme exactement. À ce sujet, trois cas de figure sont prévus. Une première catégorie compte les salariés nouvellement recrutés dans des sociétés CFC à compter du 1er janvier 2026, qui bénéficieront du régime sur une période maximale de dix ans. La seconde catégorie est celle des salariés déjà en poste dans des sociétés CFC avant 2026, mais qui n'ont pas encore épuisé les dix années d'avantage fiscal, et qui continueront à bénéficier du taux de 20% pour la durée restante. Enfin, sont aussi concernés les salariés qui ont déjà bénéficié du taux de 20% pendant cinq ans avant le 31 décembre 2017, mais qui n'ont pas encore atteint la durée maximale de dix ans. Et ils pourront également reprendre l'avantage fiscal pour les années non utilisées. Cette disposition reconnaît donc le droit à une «période glissante» et remet en jeu des droits dormants, favorisant la mobilité sans pénaliser les choix de carrière. Un signal fort en faveur de la compétitivité En fin de compte, cette réforme s'inscrit dans une stratégie plus large de promotion de l'écosystème CFC, qui regroupe aujourd'hui plusieurs dizaines d'acteurs internationaux dans les secteurs de la finance, du conseil, du digital ou encore de l'industrie verte. En consolidant la sécurité fiscale des collaborateurs, le Maroc envoie un message fort : le capital humain est au cœur de sa politique d'attractivité. Pour les salariés concernés, l'enjeu est double. D'une part, il s'agit de comprendre leurs droits et options fiscales. D'autre part, il leur faut anticiper leur stratégie de carrière au sein ou en dehors du périmètre CFC, en tenant compte des conséquences fiscales à moyen terme. Quant aux employeurs, cette réforme implique une adaptation immédiate de leurs processus de déclaration, d'information et de conseil aux nouveaux talents. Elle nécessite également une coordination étroite avec les directions fiscales pour éviter toute erreur déclarative pouvant entraîner des redressements.