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Kamel Zebdi : Le caballero de l'hemistiche
Publié dans Albayane le 10 - 11 - 2010

Certains personnages n'ont pas une trajectoire de vie, ils ne traversent pas leur siècle, ils y font de perpétuels allers-retours, ils y musardent… Tel fut le cas de Kamel Zebdi (1920 – 1997). Cet esthète charmant et charmeur, poète, peintre et grand dandy, amateur de bons mots, de petits plats et de tabac à priser, a élevé la musardise au rang de grand art.
Au plein sens du terme, il a musardé sa vie durant; en se hâtant avec lenteur, tout en taquinant sans relâche la muse, non seulement quand il avait un stylo à la main, non seulement quand il dictait, de sa voix doucereuse légèrement nasillarde, à un de ses scribes attentifs, appliqués et béats qui se pressaient autour de lui, où qu'il se trouvait, mais aussi lors de ces fugaces ou interminables petits comités, où l'on discutait de tout et de rien, où la subtilité le disputait à la futilité, et où le dernier mot, drôle, acerbe ou surréaliste, revenait obligatoirement à « Papy », sobriquet respectueusement familier que notre grand homme acceptait de bonne grâce…
Ceci pour la petite histoire.
Mais le Papy n'était pas aussi Papy que ça... Non seulement il n'a jamais été touché, ni de près ni de loin, par un quelconque gâtisme, mais il était, en lui-même, un remède contre le gâtisme, la bêtise et la vulgarité. Du moins pour qui savait « l'entendre »…
Et la meilleure façon de « l'entendre », c'est encore de lire ses poèmes.
Des poèmes, il n'a cessé d'en écrire, pendant plus de trente ans. A Rabat et à Paris, à Skhirat et à Genève, à Marrakech et à Rome, à Oslo et à Bouskoura, à Londres et à Essaouira, à Washington et dans bien d'autres lieux encore….
l a écrit sur la vie et sur la mort, sur la joie et sur la tristesse, sur les hommes illustres et sur les petites gens, sur les sites prestigieux et sur les petits recoins, sur les grands évènements et sur les moments fugaces, et puis sur les femmes, et puis sur la mer…
Sa poésie ?
Tout à la fois incantation et élégie, stance et tirade, ode et ballade, et toujours ce balancement avant coureur de l'ivresse, cette joliesse, masque pudique de la beauté, cette mignardise, galante messagère de l'amour.
La poésie fut sa vie, elle fut aussi son liniment et son onguent, son secours et son recours
L'hiver sera moins rude
pour ceux qui savent chanter
Kamal Zebdi était l'amant éperdu du langage, de cette langue française qu'il s'était approprié avec d'autant plus de ferveur et de bonheur qu'elle n'était pas la sienne.
Il avait fait main basse sur cette langue. Mais ce n'était pas pour la séquestrer, pour la pressurer, ou pour la mener à la baguette : non, c'était pour l'inviter à chanter, à danser, à folâtrer. Et aussi à parler vrai, à nous dire nos quatre vérités, à exprimer nos douleurs et à pleurer nos malheurs.
Ses strophes sophistiquées et langoureuses agissent comme une séance de yoga. Elles apportent la sérénité sans oblitérer l'entendement ; elles suscitent la quiétude sans endormir la vigilance et, loin de la mièvrerie académique poussive, elles nous introduisent de plain pied dans un monde …de pure poésie…
Cet homme n'éprouvait ni haine ni détestation, ni méchanceté ni férocité, ni ressentiment ni rancune...
…Et pourtant si, il en avait une, de rancune, tenace, inextinguible…
…à l'égard d'Isabelle la Catholique. La reine d'Espagne qui avait bouté Musulmans et Juifs hors de leur Andalousie Grenadine, hors de leur cité amandine, percluse de senteurs et de saveurs, percluse de nonchalance et de décadence, percluse de raffinement et de culture …
Lorsque soudain aux portes de la ville
Le souffle d'Isabelle
Comme une trompette de mort
Sonne le tocsin
Pour un réveil cruel
(…)
Lève-toi mon âme
Il est temps de partir
Les bonheurs négligés
Ne se renouvellent pas.
Andalou, il l'était jusqu'au bout des ongles, avec ses doigts effilés, aux gestes aériens, comme les danseurs de flamenco, avec son élégance raffinée, son port altier, ses cravates, ses écharpes et ses pochettes en soie qu'il distribuait qu'il distribuait à tout venant et à tout propos, avec son goût extatique pour la cuisine relevée, les mélodies sentimentales et le bon tabac, avec ses élans de tendresse pour les femmes à qui il dédiait des tirades enflammées, des regards langoureux et des caresses pudiques,
Sur la feuille qui s'étiole
S'épand la goutte de rosée
L'amitié des femmes.
et avec son amour fasciné pour la mer, la mer qui fut son berceau, son paysage familier et son espace mental
les fragments de mon être
à l'appel secourable de la mer
se remembrent
aux ténèbres ennemies
mes chaînes ont abandonné leurs amarres
nues et encore liées par un fin cheveu
aux ombres de la mémoire
(…)
Et la mer, être vivant et prodigieux
Entonne un chant nouveau
Je fais le serment de l'aimer
Par delà la mort.
Fils d'une grande famille de Rabat, possédant une belle demeure tout près de la forteresse maritime et fluviale des Oudayas, il naquit cependant loin de là, dans un autre port : celui de Safi où son père venait d'être affecté, dans un semi exil, comme mohtasib, et où son grand-père, ancien vizir, avait déjà été embastillé par le Régent Bahmad.
Mais Rabat resta son point d'ancrage, toute sa vie durant. Le Yacht Club (dont il n'a heureusement pas connu la pathétique démolition…), était un des lieux qu'il affectionnait tout particulièrement et dont il avait accepté d'être « membre d'honneur ». Un coin de banquette lui y était réservé en permanence, d'où il pouvait apercevoir l'embouchure du Bou Regreg et ses deux rives, et ressourcer son inspiration féconde.
C'est toujours le même problème avec ce diable d'homme : on se propose de parler de parler des poèmes de Kamal Zebdi, et on se retrouve en train de parler du « poème Kamal Zebdi »…c'est qu'en vérité, son plus beau poème, c'est lui-même, c'est son existence, c'est cette vie qu'il a déroulée en sonnets, en odes, en élégies, en odes, en ballades, en poèmes épiques et en maqamat, ne s'arrêtant jamais d'écrire des poèmes et d'être un poème, même sur son lit de mort.
Mais alors, quelle fut la muse de ce « poème » ?
Sur un bout de papier où il avait noté un numéro de téléphone, j'ai retrouvé, jetés à la hâte, pour lui-même, ces quelques mots :
Sans femme, sans enfants
Sans maître sans confesseur.
Source d'inspiration ?
Qu'on le prenne à l'endroit, ou qu'on le prenne à l'envers, qu'est ce que ça nous dit ?
Que finalement ce personnage qu'on disait lisse, transparent, clair comme l'eau de roche, éthéré, était ambigu, compliqué , taraudé par le doute, angoissé, qu'il était un être de chair et de nerfs, de sang et de larmes, comme vous et moi …
OUF !
Post scriptum : à quand cette édition des œuvres complètes de Zebdi qu'on nous a promise depuis belle lurette ? Il est vrai qu'il est, lui-même, l'auteur de cette boutade :
Publier un livre
C'est ruiner sa santé
Et son éditeur…


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