Des Sahraouis appellent le Polisario à s'affranchir de la tutelle de l'Algérie    Appel pour que la Tunisie s'affranchisse de la tutelle algérienne et renouer avec le Maroc    Nizar Bakara représente Mohammed VI au Sommet Union africaine‐Union européenne    Cours des devises du mardi 25 novembre 2025    Maroc-USA : participation marocaine réussie à la 9e édition du Small business summit    Casablanca‐Settat : lancement du plan régional de gestion des déchets industriels et agricoles    Offre Offshoring Maroc : Le gouvernement publie la circulaire sur l'octroi des avantages    Atterrissage d'urgence à Madrid pour un vol Air France entre Marrakech et Paris    Finale CDM U17 : sans nouveau coup de pouce arbitral, le Brésil s'arrête en demi-finales    Foot féminin / Equipe nationale A : Des tests contre le Burkina Faso l' Afrique du Sud    FIFA/FSD: un milliard de dollars pour moderniser les infrastructures sportives des pays en développement    Younes Ebnoutalib attire l'intérêt en Allemagne et en Espagne    Mondial féminin de futsal : Le Maroc bat les Philippines    Mohamed Ziane : La famille annonce une grève de la faim, la prison dément    Tourisme : la banque de projets offre désormais plus de 900 opportunités    Mohamed Ziane: La familia anuncia una huelga de hambre, la prisión lo desmiente    Le consulat marocain à Las Palmas condamné pour «traitement dégradant» envers un employé    Canada : Vente aux enchères remarquée de la toile «Marrakech» par Churchill    Tebboune absent du sommet du G20 : un problème de santé derrière le retrait    Cas de grippe aviaire: extension des mesures de prévention à toute la Suisse    Brésil : l'ex-président Bolsonaro va rester en détention provisoire    Paris rentre dans le top 5 des villes cyclables    Marrakech : Ouverture de la 93e session de l'Assemblée générale d'INTERPOL    Parlements africains : La « Déclaration de Laâyoune »    Affaire des "fuites Mahdaoui" : Bensaïd défend l'éthique institutionnelle et appelle à renforcer le CNP    Réforme électorale : les féministes dénoncent une parité au rabais    Le Maroc a connu une transformation industrielle profonde ces deux dernières décennies    Süper Lig: En-Nesyri signe une belle performance avec Fenerbahçe contre Rizespor    Revue de presse de ce lundi 24 novembre 2025    L'ambassadeur du Maroc au Royaume-Uni élu vice-président de la 34eme session de l'assemblée de l'OMI    Banque de projets Tourisme : plus de 900 projets clés en main prêts à l'investissement dans 60 provinces du Royaume    Face aux rumeurs, Barada réaffirme son plein respect de la loi    Ukraine : Un « futur accord » de paix devra maintenir son entière « souveraineté »    Décès de la légende du reggae Jimmy Cliff    L'OPM réinvente Shéhérazade : un voyage symphonique entre Orient et Occident    Deux films marocains au Red Sea International Film Festival    Marche Verte et fête de l'indépendance : Vif succès du Gala National organisé par le Syndicat Professionnel Marocain des Créateurs de la Chanson à Tunis    Festival Miss Citrouille des Doukkala : Zahira Talaï sacrée reine de beauté !    Décès maternels : le ministère lance une plateforme nationale de surveillance    Achraf Hakimi donne de ses nouvelles : objectif CAN, coûte que coûte    "santa claus, le lutin et le bonhomme de neige" : Un spectacle féerique pour toute la famille au cœur du pôle nord !    Nigeria : 50 élèves enlevés d'une école catholique échappent à leurs ravisseurs    Centres de diagnostic d'Akdital : un projet arrêté, une réflexion nationale qui s'impose    Sahara : Boualem Sansal, le bouc émissaire de la croisade vindicative de l'Algérie contre la France (Confessions)    Prévisions météorologiques pour lundi 24 novembre 2025    Archéologie : L'arganier, un savoir-faire né dans la région d'Essaouira depuis plus de 150 000 ans    Doha : le Maroc doublement primé lors de l'événement Fashion Trust Arabia    Rabat : création du Forum Marocain des Sciences de l'Education    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Latefa Ahrrare : Une libellule s'est «dénudée» au théâtre
Publié dans Albayane le 10 - 12 - 2010

Ceux qui ont assisté à la représentation de Capharnaüm de la troupe Théâtre des Amis devraient se rendre compte d'eux-mêmes que cette lamentable photo en première page d'un quotidien casablancais n'avait rien d'un élan de générosité pour la promotion de la création théâtrale.
Ceux qui ont assisté à ce beau spectacle, qui fait honneur au théâtre marocain, ont du se rendre compte que cette « nudité » présumée, prise dans le contexte du déroulement d'une pièce de théâtre, comme on en voit rarement dans notre pays bien aimé, n'avait rien de scandaleux. Ceux qui étaient là ce soir-là, réunis autour d'une scène maculée de blancheur comme une page blanche où allait s'écrire des images et des gestes d'une rare beauté ont dû passer de bons moments de théâtre. Tant pis pour les autres !
Indépendamment de l'analyse sociopolitique que l'on pourrait faire de ce spectacle- évènement, - quoique cela concerne chaque citoyen épris de liberté et voulant se mettre au diapason du monde moderne - c'est de théâtre et seulement de théâtre dont il était question, car c'était en effet du vrai théâtre qui nous était offert par cette troupe aux activités multiples. Si elle excelle en effet depuis longtemps dans le domaine du théâtre de sensibilisation, le Théâtre des amis ne manque pas de monter des spectacles de recherche poétique où souvent Latefa Ahrrare joue un rôle prépondérant, emportant à chaque fois l'adhésion du public et récoltant de nombreux prix à travers le monde.
Tout ou presque respirait le professionnalisme dans ce spectacle : un texte poétique adapté du poème « Le récif de l'apocalypse » écrit par le poète Yassin Adnan et servi par une Latefa Ahrrare dans ses grands soirs, une actrice au talent fou, frêle et longiligne comme la libellule des premiers jours de printemps, une scénographie épurée qui donne la possibilité de rêver, une composition musicale comme on en voit rarement dans notre théâtre et surtout une harmonie parfaite entre ces différents éléments composant le spectacle qui offrent à l'œil les belles images d'un théâtre que nous aimons.
Capharnaüm est un monodrame où le corps est l'élément central ; un corps qui veut se libérer du poids de la vie et qui va à la rencontre de la mort, un corps à la recherche d'un autre corps dans l'au-delà, une prière de l'absent, un appel désespéré au général/père dont le seul lien qui les unit est ce téléphone rouge suspendu aux cintres à hauteur de main. Serait-ce aussi un corps qui représente tous les corps disparus il y a longtemps dans les décombres de la ville palestinienne de Capharnaüm ? Il y a de çà aussi. En fait, ce monodrame est une quête, un voyage initiatique vers l'au-delà, mais aussi une quête de soi. La scénographie imaginée par Abdallah Baïloute sert parfaitement cet univers de pierres tombales où l'on vient ressusciter les morts. Cela est matérialisé par une scénographie épurée figurant deux bandes blanches rectangulaires (deux tombeaux ?) posées parallèlement à même le sol séparées par une autre bande grise symbolisant peut-être la vie où va s'exécuter le dénudement puis la naissance à la vie.
Le spectacle nous met tout de suite dans l'embarras : un corps raide suspendu horizontalement entre deux cubes blancs au bout de deux couloirs blancs où trônent quelques objets. Les gémissements et les onomatopées sont à peine audibles comme la musique qui les accompagne. L'actrice fléchit, tombe, se relève puis tombe de nouveau, se relève, plusieurs fois, toujours dans la même position. Elle se relève enfin et marche le long du premier couloir blanc (1er tombeau) dans des gestes saccadés qui disent toute la douleur de l'être à la recherche du sens ou de l'être aimé. Rien n'y fait. Ses appels sont vains. Même les mots sont stériles. On entend ce qu'on veut dans les mots. Elle retombe de nouveau, se recroqueville et se met à enlever son tailleur avec des gestes précis, lents et gracieux. Elle se met dans la position du fœtus, elle s'étire puis se recroqueville plusieurs fois, comme l'insecte tentant de sortir de sa chrysalide, avant d'exécuter avec grâce une série de figures géométriques chorégraphiées avec un art tel que cette «nudité» va disparaître.
La vraie nudité, par contre, va apparaître quand la comédienne joue avec un lambeau de tulle transparent qui n'est autre qu'une burka dont elle se pare pour se cacher. Or, voilà que la burka, au lieu de cacher, dénude. La comédienne joue avec, la transforme, la malmène et la pousse devant elle (pour se cacher ou pour s'en débarrasser ?) avant de l'enfiler avec parcimonie. Mais la femme refuse l'enferment. Elle ouvre violemment le tissu pour laisser apparaître son visage qui continue d'appeler à la vie.
Etant donné que le corps n'est à l'aise ni dans ce qui l'entrave et le met au seuil de la mort ni dans une projection qui donne libre court à l'expression de la vie, ballottée ainsi entre la vie et la mort, la libellule passe dans l'autre couloir blanc (2ème tombeau), s'empare de deux moitiés d'orange qu'elle tend au public comme deux mamelles nourricières puis s'accroupit et se met à écrire avec rage toute sa douleur sur le linceul blanc de la solitude. L'échec est toujours au bout. C'est la mort qui rejoint la vie malgré les gémissements incessants de la libellule des premiers jours de printemps. La libellule peut retourner à ses premiers instants de vie. Ou de mort, c'est tout comme ! Quand la lumière décline, le public assis autour de l'espace de jeu peut briser ces instants d'intimité, applaudir et s'en aller ruminer ces moments de bonheur.
Le théâtre, messieurs les censeurs, a pour fonction la question qui turlupine. Il n'y a pas de création artistique sans liberté, sans folie, sans transgression parfois. Latefa Ahrrare, comme tous les jeunes artistes de sa génération, ont appris à la bonne école. Ils ont visité les grands textes du théâtre mondial, ils ont appris les techniques de jeu les plus diversifiés pour élargir leurs moyens d'expression. On leur a appris qu'au théâtre le corps est l'instrument essentiel du comédien et que c'est un corps fictif qui, quand il se débarrasse des tabous et des préjugés, devient un poème vivant que ne peuvent lire que les initiés. Si tout cet apprentissage ne sert à rien, il faudrait alors fermer l'école de théâtre et mettre la création théâtrale au placard en attendant des lendemains qui chantent.
*Ex-directeur de l'Institut supérieur d'art dramatique
et d'animation culturelle de Rabat


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.