SGTM : l'IPO qui confirme la montée en puissance du BTP marocain    «Maroc, terre de football» : L'ONMT déploie son dispositif pour la CAN 2025    La France salue l'adoption de la résolution 2803 du Conseil de sécurité relative au plan de paix pour Gaza    Plus affamés que jamais, les Lions de l'Atlas ont dévoré les Grues (4-0)    Mondial U17 : «L'équipe nationale peut aller loin dans la compétition» (Nabil Baha)    Regragui après la démonstration face à l'Ouganda : "la CAN doit rester à la maison"    Jeux de la solidarité islamique : Le Maroc remporte l'argent au 400m haies et le bronze au 3000m steeple    Algérie : Attaf se félicite des «acquis majeurs» de la résolution 2797 pour le Polisario    Coupe du monde 2026 : les détenteurs de billets bénéficieront de créneaux prioritaires pour les entretiens de visa américain    MBS veut travailler à une reconnaissance d'Israël "dès que possible"    Pacifique : Trois morts dans une nouvelle frappe américaine visant des embarcations de narcotrafiquants présumés    L'Algérie au Conseil de sécurité : deux années de manœuvres et de contradictions    Polisario : Depuis Tindouf, des opposants réclament le départ de Brahim Ghali    GenZ : 6 mineurs d'Imzouren condamnés à de la prison ferme    Aéronautique : Airbus veut approfondir davantage son partenariat avec le Maroc    Argelia: Attaf celebra los «logros importantes» de la resolución 2797 para el Polisario    Marrakech : Arrestation d'un citoyen franco-algérien recherché par Interpol    Marruecos encarga 10 helicópteros H225M a Airbus para modernizar su flota aérea    Températures prévues pour mercredi 19 novembre 2025    Rabat. Hammouchi préside la cérémonie annuelle de l'excellence    L'artisanat marocain s'expose à Séville pour renforcer les liens culturels avec l'Andalousie    Grand prix national de la presse : Remise des prix aux lauréats de la 23e édition    Ayoub Gretaa retenu dans la sélection des "Révélations masculines César 2026"    Le Maroc accueille à nouveau les Awards de la CAF 2025 avec de fortes nominations nationales    Lekjaa : La CAN 2025, le début d'un processus qui va continuer dans l'histoire    Circulation : 9.136 contraventions et 8.211 procès-verbaux dressés en une semaine    L'eau et les infrastructures... au cœur des entretiens entre le ministre de l'Equipement et de l'Eau et l'ambassadrice de Chine    L'écrivain Boualem Sansal de retour en France, aussitôt reçu par Macron    Mondial U17 : Voici la composition du Maroc qui affrontera le Mali    Fête de l'Indépendance. Le sens d'une précieuse célébration    Le Secrétaire Général du Conseil des ministres arabes de l'Intérieur félicite Abdellatif Hammouchi    Fête de l'indépendance. Mise en service du nouveau Centre de Commandement et de Coordination d'Agadir    Le Maroc commande dix hélicoptères H225M auprès d'Airbus Helicopters    Projet TGV au Maroc : 6 457 rails importés de Chine    Sahara - Négociations : Un jeu à somme nulle ou positive ? [INTEGRAL]    Patrimoine culturel immatériel : La candidature du Caftan marocain examinée en décembre par l'UNESCO    Classement FIFA : Les Lions de l'Atlas profitent de la chute de l'Italie    Emmanuel Macron entame jeudi une tournée en Afrique    Campagne agricole 2025-2026 : Programmation de 5 millions d'hectares de grandes cultures    Interview avec Malak Dahmouni : « L'identité du FICAR s'est forgée sur 30 ans d'engagement envers le cinéma d'auteur »    Lancement d'une licence d'excellence en cinéma au profit des étudiants-détenus    Jeff Bezos, va prendre la tête d'une startup spécialisée IA    COP30 : le Maroc appelle à un compromis ambitieux sur le financement climatique    Livre : Nadia Sabri présente «Les femmes et l'art au Maghreb» à Tunis    Bénin. Une révision constitutionnelle à six mois de la présidentielle    Dakar Fashion Week : L'élégance africaine défile    Aminux signe son grand retour avec son nouvel album "AURA"    Maroc - Espagne : Des exercices conjoints pour la sécurité maritime dans le détroit de Gibraltar    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Latefa Ahrrare : Une libellule s'est «dénudée» au théâtre
Publié dans Albayane le 10 - 12 - 2010

Ceux qui ont assisté à la représentation de Capharnaüm de la troupe Théâtre des Amis devraient se rendre compte d'eux-mêmes que cette lamentable photo en première page d'un quotidien casablancais n'avait rien d'un élan de générosité pour la promotion de la création théâtrale.
Ceux qui ont assisté à ce beau spectacle, qui fait honneur au théâtre marocain, ont du se rendre compte que cette « nudité » présumée, prise dans le contexte du déroulement d'une pièce de théâtre, comme on en voit rarement dans notre pays bien aimé, n'avait rien de scandaleux. Ceux qui étaient là ce soir-là, réunis autour d'une scène maculée de blancheur comme une page blanche où allait s'écrire des images et des gestes d'une rare beauté ont dû passer de bons moments de théâtre. Tant pis pour les autres !
Indépendamment de l'analyse sociopolitique que l'on pourrait faire de ce spectacle- évènement, - quoique cela concerne chaque citoyen épris de liberté et voulant se mettre au diapason du monde moderne - c'est de théâtre et seulement de théâtre dont il était question, car c'était en effet du vrai théâtre qui nous était offert par cette troupe aux activités multiples. Si elle excelle en effet depuis longtemps dans le domaine du théâtre de sensibilisation, le Théâtre des amis ne manque pas de monter des spectacles de recherche poétique où souvent Latefa Ahrrare joue un rôle prépondérant, emportant à chaque fois l'adhésion du public et récoltant de nombreux prix à travers le monde.
Tout ou presque respirait le professionnalisme dans ce spectacle : un texte poétique adapté du poème « Le récif de l'apocalypse » écrit par le poète Yassin Adnan et servi par une Latefa Ahrrare dans ses grands soirs, une actrice au talent fou, frêle et longiligne comme la libellule des premiers jours de printemps, une scénographie épurée qui donne la possibilité de rêver, une composition musicale comme on en voit rarement dans notre théâtre et surtout une harmonie parfaite entre ces différents éléments composant le spectacle qui offrent à l'œil les belles images d'un théâtre que nous aimons.
Capharnaüm est un monodrame où le corps est l'élément central ; un corps qui veut se libérer du poids de la vie et qui va à la rencontre de la mort, un corps à la recherche d'un autre corps dans l'au-delà, une prière de l'absent, un appel désespéré au général/père dont le seul lien qui les unit est ce téléphone rouge suspendu aux cintres à hauteur de main. Serait-ce aussi un corps qui représente tous les corps disparus il y a longtemps dans les décombres de la ville palestinienne de Capharnaüm ? Il y a de çà aussi. En fait, ce monodrame est une quête, un voyage initiatique vers l'au-delà, mais aussi une quête de soi. La scénographie imaginée par Abdallah Baïloute sert parfaitement cet univers de pierres tombales où l'on vient ressusciter les morts. Cela est matérialisé par une scénographie épurée figurant deux bandes blanches rectangulaires (deux tombeaux ?) posées parallèlement à même le sol séparées par une autre bande grise symbolisant peut-être la vie où va s'exécuter le dénudement puis la naissance à la vie.
Le spectacle nous met tout de suite dans l'embarras : un corps raide suspendu horizontalement entre deux cubes blancs au bout de deux couloirs blancs où trônent quelques objets. Les gémissements et les onomatopées sont à peine audibles comme la musique qui les accompagne. L'actrice fléchit, tombe, se relève puis tombe de nouveau, se relève, plusieurs fois, toujours dans la même position. Elle se relève enfin et marche le long du premier couloir blanc (1er tombeau) dans des gestes saccadés qui disent toute la douleur de l'être à la recherche du sens ou de l'être aimé. Rien n'y fait. Ses appels sont vains. Même les mots sont stériles. On entend ce qu'on veut dans les mots. Elle retombe de nouveau, se recroqueville et se met à enlever son tailleur avec des gestes précis, lents et gracieux. Elle se met dans la position du fœtus, elle s'étire puis se recroqueville plusieurs fois, comme l'insecte tentant de sortir de sa chrysalide, avant d'exécuter avec grâce une série de figures géométriques chorégraphiées avec un art tel que cette «nudité» va disparaître.
La vraie nudité, par contre, va apparaître quand la comédienne joue avec un lambeau de tulle transparent qui n'est autre qu'une burka dont elle se pare pour se cacher. Or, voilà que la burka, au lieu de cacher, dénude. La comédienne joue avec, la transforme, la malmène et la pousse devant elle (pour se cacher ou pour s'en débarrasser ?) avant de l'enfiler avec parcimonie. Mais la femme refuse l'enferment. Elle ouvre violemment le tissu pour laisser apparaître son visage qui continue d'appeler à la vie.
Etant donné que le corps n'est à l'aise ni dans ce qui l'entrave et le met au seuil de la mort ni dans une projection qui donne libre court à l'expression de la vie, ballottée ainsi entre la vie et la mort, la libellule passe dans l'autre couloir blanc (2ème tombeau), s'empare de deux moitiés d'orange qu'elle tend au public comme deux mamelles nourricières puis s'accroupit et se met à écrire avec rage toute sa douleur sur le linceul blanc de la solitude. L'échec est toujours au bout. C'est la mort qui rejoint la vie malgré les gémissements incessants de la libellule des premiers jours de printemps. La libellule peut retourner à ses premiers instants de vie. Ou de mort, c'est tout comme ! Quand la lumière décline, le public assis autour de l'espace de jeu peut briser ces instants d'intimité, applaudir et s'en aller ruminer ces moments de bonheur.
Le théâtre, messieurs les censeurs, a pour fonction la question qui turlupine. Il n'y a pas de création artistique sans liberté, sans folie, sans transgression parfois. Latefa Ahrrare, comme tous les jeunes artistes de sa génération, ont appris à la bonne école. Ils ont visité les grands textes du théâtre mondial, ils ont appris les techniques de jeu les plus diversifiés pour élargir leurs moyens d'expression. On leur a appris qu'au théâtre le corps est l'instrument essentiel du comédien et que c'est un corps fictif qui, quand il se débarrasse des tabous et des préjugés, devient un poème vivant que ne peuvent lire que les initiés. Si tout cet apprentissage ne sert à rien, il faudrait alors fermer l'école de théâtre et mettre la création théâtrale au placard en attendant des lendemains qui chantent.
*Ex-directeur de l'Institut supérieur d'art dramatique
et d'animation culturelle de Rabat


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.