Le rapport du cinquantenaire avait souligné avec force l'impérieuse nécessité de multiplier les espaces de débats publics. Il s'agit d'une recommandation forte qui permet l'expression des idées, de souligner les imperfections, les déséquilibres et les hiatus éventuels dans la conduite de toute dynamique de changement. Ces débats devraient se dérouler de manière organisée, rationnelle, responsable et cumulative. Il ne s'agit pas seulement de débattre pour le besoin de l'exercice. Le débat engagé, profond, fécond et sérieux, dont il s'agit, devrait permettre d'enrichir le processus de mise en place de réformes structurelles devant commander les principales étapes d'édification des structures futures de gouvernance et de développement global du pays pour au moins les vingt prochaines années. Aujourd'hui, le Maroc vient de mettre sur la place publique deux grands projets d'envergure. Le premier concerne le chantier de la régionalisation, avec tout ce que cela suppose comme mécanisme de gouvernance, de gestion de l'espace et d'organisation territoriale. Le second chantier et qui découle naturellement du premier, concerne la réforme du texte de la constitution qui comporte, à son tour, une offre institutionnelle rénovée de l'organisation des pouvoirs (partage, séparation et équilibre etc.). Les partis politiques concernés au premier chef par ces débats, devraient se libérer des vieux mécanismes de positionnement sur un échiquier politique dont ils ont, sans cesse, décrié les excroissances et les interférences. Ces acteurs, définis par la constitution comme des institutions en charge de l'encadrement de la société, devraient prendre, à bras le corps, cette opportunité historique et initier des débats participatifs dans le cadre de leurs structures propres tout en s'ouvrant autant que faire se peut sur les différentes composantes de la société. Il est évident que ce débat national ne peut et ne doit être le seul apanage des partis politiques. Les acteurs de la société civile, les jeunes et parmi eux ceux rassemblés sous l'étendard du mouvement du «20 février», sont appelés à participer à cette concertation civique de grande envergure, selon les modalités de leur convenance afin d'apporter leurs points de vue et sensibilités ainsi que leurs propositions de réformes. Certaines manifestations, organisées par des individus ou groupes d'individus ici et là, essaient de donner l'impression qu'il n'y a pas unanimité autour de la nouvelle donne royale. Il suffit juste de rappeler que personne n'est dans une logique d'unanimité, ou du moins cela appartient à une époque révolue. Ce dont il s'agit aujourd'hui, c'est de prendre, chacun selon sa position, pleinement ses responsabilités et exprimer sa différence en toute liberté et en toute loyauté dans le cadre de ce débat national. Le Maroc dispose, par ailleurs, de beaucoup d'espaces de débat public que représentent les médias audiovisuels publics et privés. Ces derniers, en particulier les radios à travers leurs bassins d'audiences, ayant fait montre d'une grande capacité d'interactivité et de proximité, peuvent donc jouer valablement de lieu de déploiement de ce genre de débat. L'appel au débat est intimement lié à celui du respect des règles de la démocratie, notamment le respect de la différence. Ceux qui s'inscrivent en faux contre la dynamique nationale de concertation pour la construction d'un édifice démocratique agissent fondamentalement contre l'intérêt et la stabilité de leur peuple. Les Marocains ont, durant près de cinq décennies, donné le maximum de sacrifices afin d'élargir les espaces de liberté. Ce genre de débat ne pourra produire tous les effets attendus s'il n'est pas inscrit dans un esprit constructif, loin du nihilisme ambiant dans certaines sphères. Dans le dessein qui s'offre à nous aujourd'hui, il n'y a point de place pour une quelconque surenchère.