Malgré un dynamisme associatif croissant, les jeunes Marocains peinent encore à s'imposer dans les sphères décisionnelles, faute de mécanismes institutionnels solides et de véritables relais de représentation. L'apparente vitalité démographique de la jeunesse marocaine contraste avec son invisibilité politique. Selon les dernières données du Haut-Commissariat au Plan (HCP), près de 34 % de la population marocaine a moins de 35 ans. Pourtant, cette tranche d'âge ne représente que 2 % des présidents de communes élus lors des scrutins de 2021, tandis que la moyenne d'âge des parlementaires dépasse les 50 ans. Ce déséquilibre soulève une question récurrente depuis plus d'une décennie : comment intégrer une jeunesse nombreuse, souvent éduquée, dans un système politique qui peine à se renouveler ? Cette sous-représentation n'est pas simplement une question d'opportunités électorales limitées. Le Conseil économique, social et environnemental (CESE), dans son rapport de 2022 consacré aux jeunesses marocaines, dresse un constat préoccupant : 76 % des jeunes sondés déclarent se désintéresser de la politique, et 88 % estiment que leurs opinions ne sont pas prises en compte par les décideurs publics. Ce déficit de confiance traduit une rupture profonde entre les formes traditionnelles d'expression démocratique et les aspirations d'une génération connectée, souvent critique à l'égard des institutions établies. Lire aussi : Santé des jeunes : Des progrès tangibles La suppression des listes régionales réservées aux jeunes, introduites en 2011 puis abandonnées en 2021, a aggravé cette déconnexion. Ces dispositifs avaient permis une visibilité ponctuelle de jeunes députés, sans pour autant transformer durablement la culture politique des partis. Leur disparition n'a été accompagnée d'aucun mécanisme alternatif de rajeunissement des élites. En revanche, l'engagement des jeunes dans le tissu associatif s'est affirmé comme une forme d'action collective privilégiée. Selon le Registre national des associations, le Maroc comptait plus de 245 000 associations actives en 2024, dont près de 60 % créées après 2011. Cette poussée associative, stimulée par l'accès à l'enseignement supérieur, les formations civiques et la diffusion des technologies numériques, révèle une jeunesse prête à agir, mais en dehors des circuits institutionnels classiques. Mais cette effervescence associative reste fragile. D'après l'Observatoire national du développement humain (ONDH), seules 12 % des associations dirigées par des jeunes disposent de financements pérennes, et moins de 10 % participent régulièrement à des consultations avec les collectivités locales. La précarité financière, l'accès difficile à la commande publique, et la faiblesse des capacités de plaidoyer limitent leur impact structurel. Des réformes attendues et des expérimentations inabouties La réforme du Statut général de la jeunesse, annoncée depuis 2020 pour remplacer le texte de 2003, se fait toujours attendre. Ce cadre juridique était censé consacrer les droits participatifs, numériques et sociaux de la jeunesse marocaine, à la lumière des mutations sociétales post-2011. En dépit d'une consultation publique lancée en 2021 par le ministère de la Jeunesse, aucune version définitive n'a vu le jour. Certains outils expérimentaux tentent néanmoins d'ouvrir la voie à une participation plus formalisée. C'est le cas des Conseils communaux et régionaux de jeunes, testés dans une vingtaine de communes avec l'appui du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD). Le CESE recommande d'en faire des organes institutionnels permanents, disposant d'un budget propre, d'un rôle consultatif formel et d'un lien organique avec les politiques régionales. Mais leur généralisation reste entravée par l'absence d'une volonté politique ferme et de moyens techniques adaptés. Parallèlement, le ministère de l'Intérieur a relancé en 2023 la Charte nationale de participation citoyenne, qui intègre désormais un volet numérique, destiné à faciliter la consultation des jeunes sur des projets de loi, des plans d'aménagement ou des budgets participatifs. Ce chantier s'accompagne de partenariats avec des start-ups de la Civic tech, mais son déploiement reste embryonnaire à l'échelle nationale.