Des affrontements, qui ont fait des dizaines de blessés, ont opposé jeudi les forces de l'ordre à des milliers de manifestants à Tizi-Ouzou. La crise kabyle fragilise chaque jour un peu plus la tenue des élections législatives de mai. Les violents heurts de jeudi se sont produits à l'occasion d'une marche organisée par la Coordination des Aârouch de la ville de Tizi-Ouzou, dont le siège est occupé depuis lundi par les forces de l'ordre, et dont de nombreux membres ont été arrêtés – ou sont placés sous mandat d'arrêt – dans toute la région. En se rendant en masse à la marche de jeudi, les Kabyles de la Wilaya ont voulu défier les autorités qui avaient interdit ce rassemblement. Ce dernier a, dans l'après-midi, dégénéré en de violents affrontements. L'impressionnant dispositif de sécurité s'est alors opposé aux manifestants, dont plusieurs dizaines ont été blessés, ont indiqué des sources hospitalières. Parmi eux, deux ont été grièvement atteints. Les médecins restaient ce vendredi pessimistes sur le sort de l'un deux, Rabah Hamdi, 26 ans, atteint d'une grenade lacrymogène tirée à bout portant. La plupart des manifestants de tous âges avaient tôt dans la journée réussi à déjouer les barrages dressés sur les routes menant à Tizi-Ouzou. Malgré le déploiement des forces de sécurité, ils avaient pu gagner le point de départ de la marche, où des policiers étaient postés. Ces derniers avaient – avant même le début de la manifestation - lancé des gaz lacrymogènes. En vain. Les émeutes se sont ensuite étendues à toute la ville qui s'est transformée en champ de bataille : des centaines de douilles de grenades lacrymogènes, des pierres et des bouteilles qui ont servi à fabriquer des cocktails Molotov jonchaient le sol, selon plusieurs témoignages. Les violences de ces deux dernières semaines, qui ont fait quatre morts et plus d'une centaine de blessés selon la coordination kabyle, ont montré la détermination du mouvement contestataire à voir aboutir ses revendications. L'arrestation ces derniers jours de responsables kabyles, la disparition dans la clandestinité de plusieurs d'entre eux traqués par les autorités, ainsi que l'interdiction des marches et l'occupation par la police du siège des Aârouch à Tizi-Ouzou, n'ont fait qu'accentuer le fossé entre les autorités et la population. «Ces événements confirment que le pouvoir n'a jamais envisagé d'autre solution (en Kabylie) que la répression», commente ainsi Le Matin d'Algérie, tandis qu'El Watan souligne qu'« un nouveau scénario est en train de se mettre en place », observant qu'un «véritable climat pré-insurrectionnel s'installe en Kabylie», écartant toute solution politique négociée. Malgré le redéploiement des gendarmes de la région, les Aârouch continuent de rejeter le prochaines élections législatives, le 30 mai, et appellent toujours au boycott de la « mascarade électorale ». Ils ont été rejoints dans leur démarche par le MDS (Mouvement démocratique et social) qui a annoncé jeudi son refus de participer aux élections. « Nous sommes contre l'organisation des législatives ou leur report pur et simple, eu égard à la grave et dangereuse situation politique, économique, sociale, culturelle et institutionnelle que continue de vivre le pays », a déclaré le premier responsable du parti, Hachemi Cherif.