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Années de plomb : L'oriental accueille l'IER
Publié dans Aujourd'hui le Maroc le 31 - 01 - 2005

Après Rabat, les 21 et 22 décembre dernier, les 3ème séances d'auditions publiques ont élu domicile, samedi 29 janvier, à Figuig. Moins médiatisés, les dix témoignages au programme de cette étape n'en étaient pas moins émouvants.
Et de trois pour les auditions publiques. Initiative de l'Instance Equité et Réconciliation, et après les deux premières séances organisées les 21 et 22 décembre à Rabat, c'est le tour, le temps de l'après-midi du samedi 29 janvier, de Figuig. La ville a vu se défiler dix témoins sur les violations passées des droits de l'Homme au Maroc (1956-1999) dans l'Oriental. Une zone et une période marquées par «les disparitions forcées» et «les détentions arbitraires».
Entamée à 16h30, dans la salle principale de l'école Annahda Al Mohamadia, cette séance a eu lieu devant une assistance de quelque 300 personnes. Moins médiatisés que ceux qui les avaient précédés, avec une diffusion télé en différé, les témoignages des victimes n'en étaient pas moins aussi vivants que poignants. Le premier témoignage a été celui Mohamed Amara, âgé de 59 ans, arrêté dans le cadre des événements de 1973, mais qui a affirmé avoir été incarcéré pour des motifs qu'il ignorait. M. Amara, a indiqué avoir subi, dès le premier jour de sa détention, le 22 juillet 1974, «toutes formes de torture morale et physique» avant d'être transféré dans la ville de Bouaârfa puis à Oujda. Transféré par la suite à Casablanca et précisément dans la prison de Derb Moulay Chrif, où il est resté en détention du 27 juillet 1974 au 17 août 1978, il a été victime de plusieurs maladies, dont une paralysie des membres. Autre témoignage, sans doute le plus émouvant, celui de Khadija El Malki, fille d'Ahmed El Malki (alias Jha), activiste au sein de l'UNFP. Si ce dernier a trouvé refuge en Algérie, les souffrances et les tortures que sa fille a subies, ainsi que sa famille, à la fin des années 50 et durant les années 60, n'en étaient que plus atroces.
Mme El Malki a commencé son témoignage en racontant les souffrances qu'elle a endurées avec sa famille sous l'occupation coloniale. «Mais cela n'avait pas le même effet que les tortures de la période de l'indépendance», a-t-elle ajouté, affirmant que son père avait été enlevé durant les événements du nord de 1957 pendant 6 mois. En 1959, «nous avons vécu les mêmes souffrances, on nous a accusés d'avoir organisé la fuite d'Abdelfettah Sebbata et d'Abdesslam Jebli», a-t-elle indiqué. Mme El Malki n'a pas pu retenir ses larmes en racontant les souffrances qu'elle a endurées, notamment dans un commissariat de police d'Oujda après les événements de 1963, alors que son âge ne dépassait guère 15 ans. Et pour cause, un message qui lui a été envoyé par son père. «Notre maison a été prise d'assaut, de nuit, par un grand nombre de personnes au point qu'elle est devenue tel un camp, et exposée à une lumière telle que l'on dirait qu'il faisait jour». «Le fait que ma mère soit enceinte n'y a rien changé. Ils l'ont torturée et brûlée avec des mégots de cigarettes…», a ajouté Mme El Malki. Au commissariat central de police d'Oujda, a-t-elle relaté, «ils m'ont battue avec des barres de fer et réduit mes vêtements en lambeaux, tout en pressant un chiffon sale contre mon visage et en urinant sur moi».
Mme El Malki s'est arrêtée un moment et a dit: «Ils m'ont soumise à des pratiques qu'il m'est difficile de rapporter (...) ils m'ont ensuite ligotée contre une chaise, alors j'étais tout en sang et m'ont transportée dans une cellule». Tout aussi émouvant, le témoignage du fils de Belkacem Ouazzan, Abderrahim, a affirmé que la requête principale de sa famille est de savoir le sort de son père, qu'il soit mort ou vivant. Dans un témoignage chargé d'émotions, Abderrahim Ouazzan a retracé les souffrances et les différentes formes d'humiliation et de pressions subies par sa famille.
Son père, Belkacem Ouazzan natif de Figuig en 1924, a été arrêté en plein lieu de son travail, étant agent des Forces auxiliaires, aux frontières avec l'Algérie, sous l'inculpation d'héberger des personnes qui conspiraient contre le régime. Sa famille, a-t-il ajouté, a perdu toute trace du père jusqu'à ce que ce dernier ait envoyé une lettre depuis la prison centrale de Kénitra. Acquitté le 30 août 1973, il a aussitôt été enlevé de l'intérieur même de la prison centrale de Kénitra. Sans nouvelles. Jusqu'à ce que le Conseil consultatif des droits de l'Homme (CCDH), en 1998, l'ait cité parmi les personnes décédées. «Si le destin nous a privé de Belkacem Ouazzan vivant, on ne peut s'en priver alors qu'il est parmi les morts», a-t-il dit.
L'étendue de la répression qui régnait dans le Maroc des années de plomb, ne s'est pas uniquement limitée à l'emprisonnement à et à la torture, mais elle a également pris une dimension sociale. Le témoignage de Bouâaza Benchara renseigne à plus d'un égard sur cela.
M. Benchara a indiqué qu'il avait été arrêté, en 1961, après sa participation à une manifestation publique et révoqué de son emploi en tant que secrétaire particulier du chef de cercle de Figuig. M. Benchara a, en outre, déclaré qu'il avait été arrêté une nouvelle fois, en 1963. Mais le plus dur pour lui avait été la fermeture de son imprimerie, qu'il a créée par la suite, après son refus de soumettre à la censure tout projet de livre destiné à l'impression. Ce qui l'a privé de tout revenu et a influencé négativement sa vie conjugale puisqu'il s'était séparé de sa femme qui «ne supportait plus de vivre dans ces conditions». Après 25 ans de mariage, «je m'étais trouvé sans domicile et sans travail…», a-t-il déclaré.
Autre victime des années de plomb, Mohamed Kada, lui, a affirmé avoir été incarcéré pour son activité purement syndicale au sein de l'UMT.
M. Kada a d'emblée indiqué que ses tourments avec la police ont commencé en 1972. Il a ajouté avoir été arrêté, le 27 mars 1973, par la police de Berkane sans en connaître le motif, avant d'être transféré dans les centres de police d'Oujda et de Casablanca, où il a subi, pendant 50 jours, toutes les formes de torture qu'il dit ne pas pouvoir toutes les énumérer.
Sa deuxième incarcération est intervenue le 11 décembre 1973 après l'appel à la grève lancé par la section locale de l'UMT à Berkane aux quelque 500 agriculteurs de la province. Transféré à Derb Moulay Chrif à Casablanca, il a passé 8 mois avant d'être condamné à 10 ans de prison pour atteinte à la sécurité de l'Etat. Les pratiques perpétrés durant cette période noire de notre Histoire ne se limitaient pas aux victimes elles-mêmes, mais concernaient également leurs parents et proches. Témoignant dans ce sens, Malika Senhaji, fille de Mohamed Senhaji, victime des violations passées des droits de l'Homme, a affirmé que la mort de son père sous l'effet de la torture au poste de la Gendarmerie royale à Figuig, deux jours après son arrestation en rapport avec les événements de mars 1973, l'a profondément affecté.
Mme Senhaji a indiqué qu'elle «a été contrainte de vivre éloignée de son père alors qu'elle n'avait pas plus de 5 ans», ajoutant que «sa mère est devenue veuve dès l'âge de 24 ans avec 3 enfants à charge et sans aucun soutien et qu'elle est décédée des suites d'une maladie».
Autre cas de souffrance de même nature, celui de Mohamed Zaïdi, fils de Brahim Zaïdi qui a parlé des conditions dramatiques que sa famille a vécues particulièrement après que son père ait quitté clandestinement Figuig vers l'Algérie suite aux mêmes événements. Commençaient alors les souffrances pour toute la famille qui, redoutant la terreur, vivait en isolement.
M. Zaïdi a affirmé que son père était un membre actif du mouvement national. Et d'indiquer que cinq ans après que son père ait quitté le Maroc, la famille a reçu une lettre écrite par ce dernier, dans laquelle il faisait savoir qu'il était détenu à la prison Laâlou à Rabat, et qu'il avait été enlevé depuis l'Algérie et transféré au Maroc dans des conditions mystérieuses.
Fatima Saâd Eddine n'a pas non plus échapper à la douleur de la séparation. Dans son cas, c'était son mari. Dans son témoignage, Mme Saâd Eddine a précisé que ces souffrances ont affecté même le bébé dont elle était enceinte et qui verra le jour mort-né. Plus qu'une affaire d'homme, les années de plomb est une affaire de tout un système. «Mon témoignage est celui de la mémoire collective sur la blessure marocaine. C'est que quand un seul individu fait l'objet de répression ou d'affres de détention, c'est toute la société qui se trouve touchée dans sa dignité et dans sa liberté». C'est ainsi que s'est exprimé Mohamed Boudrara, autre victime. M. Boudrara, né en 1948 et arrêté le 10 octobre 1973, a fait part de son amère expérience vécue dans des lieux de détention secrets.
Il a fait notamment état de «torture sauvage» subie dans le lieu de détention dit «Corbis», un ancien hangar de réparation d'avions, érigé en centre préjudiciable aux êtres humains, avant d'être traduit devant le tribunal où il a bénéficié d'innocence en août 1976.
Allant dans le même sens, Abdelhak Benabdallah a décrit les conditions de son arrestation en janvier 1984 et sa condamnation à quatre ans de prison ferme, en rapport avec les événements qu'ont connus plusieurs villes marocaines. M. Benabdallah, né en 1964 à Berkane, a lancé un appel à ceux qu'il considère comme responsables de ces violations pour qu'ils présentent des excuses aux victimes. En attendant, et après Figuig, deux autres auditions publiques sont prévues respectivement à Errachidia et Khénifra.


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