L'homme d'affaires de Casablanca, Raphaël Devico, explique les tenants et les aboutissants de son action pour l'instauration d'une véritable démocratie au sein de la communauté israélite de Casablanca. Entretien. ALM : Pourquoi avez-vous adressé une lettre ouverte à tous les membres de la communauté israélite du Maroc? Raphaël Devico : Je tiens à préciser que j'en ai envoyé cinq au total, depuis 2001. Nous réclamons tout simplement que les membres du comité de la communauté israélite de Casablanca soient élus de manière libre, transparente et démocratique. Aucune élection n'a été organisée, depuis plus de 20 ans environ. Je trouve cela scandaleux. Nous sommes, au Maroc, dans une ère d'ouverture et de respect des règles démocratiques. La communauté israélite doit impérativement donner l'exemple et arrêter de privilégier le système des réseaux de notables aux dépens de celui de la démocratie. Par ailleurs, nous demandons instamment qu'un audit des comptes du comité de Casablanca soit réalisé. Est-ce que vous, personnellement, vous avez l'intention de briguer un poste de responsabilité au sein du comité de Casablanca? Absolument pas. Je ne suis intéressé par aucun poste au sein du comité. Ce que je veux c'est que la gestion des affaires de la communauté soit conforme à la Constitution marocaine. D'ailleurs, je suis, personnellement, déjà président d'une association, l'Union des Juifs du Maroc. Je compte me consacrer entièrement à cette association. Quand vous dites "Nous", de qui parlez-vous? J'ai un comité de soutien qui compte plusieurs centaines de personnes. Ils m'ont mandaté pour que je travaille activement pour la tenue d'élections libres et transparentes et l'organisation d'un audit financier sur les comptes du comité de la communauté israélite de Casablanca. En clair, les Juifs de Casablanca exigent la démocratie pour leurs instances représentatives. Qu'en est-il des autres villes du Royaume? Dans toutes les villes du Maroc, les comités sont élus conformément aux règles légales. Casablanca est l'exception, elle fonctionne depuis des années avec un système de cooptation. Ce qui revient, comme je vous l'ai dit, à privilégier le système des réseaux de notables. Pour ce qui est des budgets, chaque communauté au Maroc publie régulièrement ses comptes financiers. A Fès, on le fait annuellement, et ce depuis 1929. Cela permet aux membres de la communauté de rester informés sur la gestion de leur comité. Nous sommes en droit de savoir pourquoi les Juifs de Casablanca n'ont pas le droit d'avoir un regard sur la gestion de leur comité. Surtout que la majorité absolue des Juifs marocains est regroupée dans la capitale économique du pays. Justement, combien de Juifs y a-t-il à Casablanca? Nous sommes 2.000 environ, trois fois plus que dans le reste du Royaume. Et je peux vous assurer que la quasi-totalité des membres de la communauté israélite de Casablanca en ont assez de ces pratiques antidémocratiques. Comment réagissent les responsables actuels de la communauté israélite de Casablanca? Ils font la sourde oreille. Cela fait quatre ans que je me bats, au nom de plusieurs centaines de Juifs de Casablanca. Et les responsables de la communauté ne trouvent pas mieux que de menacer de couper tout contact avec nous et d'interdire aux synagogues de diffuser nos lettres. Vos détracteurs estiment que l'audit financier doit être réalisé par l'autorité de tutelle, c'est-à-dire le ministère de l'Intérieur. Qu'en pensez-vous? Ce qui est sûr, c'est que le Dahir qui régit les communautés israélites oblige les comités à remettre les comptes annuellement à l'autorité de tutelle. Tous les comités du Maroc le font, sauf celui de Casablanca. C'est la raison pour laquelle les membres de la communauté, qui sont pour la plupart des donateurs, exigent qu'un audit soit réalisé. Envisagez-vous de faire appel à la Justice? Non, nous n'irons pas jusque-là. Comme je vous l'ai expliqué, nous sommes une petite communauté et notre objectif n'est pas d'aggraver les choses. Au contraire. Notre but est de voir notre communauté vivre dans la concorde, le respect d'autrui, la tolérance, en prenant en considération sa particularité et son identité nationale marocaine.