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Le rêve de Leiris au Palais El Jamaï
Publié dans Aujourd'hui le Maroc le 07 - 02 - 2003

Accor a reçu des journalistes au palais El Jamaï, à l'occasion de l'envoi de vingt-huit de ses employés à la Mecque. Michel Leiris, un très grand écrivain français, y a séjourné en 1987 et a reconnu dans ce lieu le décor d'un rêve qu'il a fait, il y a fort longtemps. Autant pour la prose cossue de Leiris que pour la somptuosité de ce lieu, nous livrons à nos lecteurs les passages où cet écrivain évoque le lieu de son rêve.
Quels beaux palais, un peu estompés par l'ancienneté et la distance, s'offraient à la vue du rêveur (je ne dis pas “à ma vue” car en définitive nul ne peut affirmer que c'est bien lui qui est présent dans son rêve) au bout d'un haut, large et long escalier que , moins pressé, il n'eût pas manqué de gravir, ébloui par ce coin désert et noblement architectural de la ville marocaine où il se trouvait depuis quelque temps ! Promenade solitaire du petit matin (peut-être l'heure même du rêve en train de se faire), promenade qui représentait la dernière gorgée d'exotisme qu'il s'octroyait avant de quitter, pour prendre l'avion de Paris, l'hôtel où il résidait avec sa femme et un couple sensiblement plus âgé de tout proche parents de celle-ci (en vérité deux défunts que ressuscitait le pêle-mêle du songe et qui, à l'époque où il partageait matériellement leur vie avaient, aînés que décemment il ne pouvait pas trop basculer dans leurs habitudes, pesé d'un certain poids sur ses faits et gestes, malgré la bonne entente).
(…) Coup de grâce : il se rappelait maintenant, comble de légèreté, n'avoir jamais fait confirmer, ainsi qu'il l'aurait dû, sa réservation de retour, de sorte qu'il y avait de fortes chances pour qu'on refuse de l'enregistrer, lors même que, par miracle, il arriverait sans trop de retard à l'aérogare. Rêve décidément détestable, auquel il convenait de mettre un terme au plus vite pour arrêter cette avalanche chaque fois plus angoissante de désagréments. N'était-ce pas ce qu'en de semblables circonstances, il avait déjà fait avec les moyens de bord, un acte violent dirigé vers soi-même (agression nécessaire car la seule volonté, non imagée, de couper court serait inopérante). Contre une muraille aveugle et du même gris que les vieux palais de pierre aux lignes imposantes, muraille qu'à ce moment il se sentit longer et qu'il avait à sa gauche, il donnait brutalement de la tête – un coup à s'assommer – afin de se réveiller. Mais, échec imprévisible, cet ultime recours (sorte de suicide qui vous tirerait du guêpier en vous ramenant à un monde moins étouffant au lieu de vous anéantir) ne lui servait à rien et il lui fallait attendre son réveil naturel…
Cela, en fait, ne tarda pas et, me levant puis allumant une cigarette pour chasser les idées funestes attachées à la mésaventure que mon sommeil avait inventées, je vis qu'il faisait encore nuit et que ma montre-bracelet déposée sur ma table de travail marquait à peu près cinq heures. L'esprit purgé de toute noirceur grâce à la diversion tabagique, je me recouchai, simplement heureux d'avoir été pareillement visité, moi à qui le rêve n'adresse pour ainsi dire plus la parole – rien que de vagues balbutiements – depuis nombre d'années, ce qui fait que je me sens tant soit peu comme un exilé.
Fès, qu'à la différence de Rabat et de la presque toute moderne Casablanca je ne connaissais pas lorsque je fis ce rêve. Fès, et sa médina que naguère encore je ne me serais pas fait faute de parcourir à pied dans tous les sens en empruntant jusqu'à m'y perdre une quantité de ses ruelles étroites où, seuls en dehors des humains grands ou petits, mulets et ânes peuvent passer, généralement abondamment chargés et vous forçant à vous plaquer contre les murs pour ne pas être piétiné. De Fès, qui m'attirait depuis longtemps mais que j'aurais dû visiter plus jeune et plus ingambe, je n'ai guère pris que quelques vues panoramiques, la regardant à diverses hauteurs avoisinantes étalée comme une carte en relief dans le blanc et le gris de ses maisons entre lesquelles il semble qu'on pourrait à peine laisser tomber une aiguille. Mais remontant vers midi, après un bref tour dans un quartier des plus vétustes et populeux, à notre hôtel – un ancien palais rénové, le Jamaï (à prononcer djamaï et non « jamais), lieu dont m'a enchanté le joli jardin très verdoyant à deux ou trois étages –, j'ai retrouvé, s'étendant à ma gauche toute lisse et percée de nulle ouverture, pas même ici ou là d'un humble soupirail, ma muraille suicidaire, si ressemblante que je l'ai reconnue sur-le-champ, comme si mon rêve de ville exotique dans laquelle je me perdais s'était fait réalité.
• Michel Leiris,
extrait de « A cor et à cri »,
Gallimard, 1988


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