Cette crise entre l'opposition et Bernard Accoyer s'est aggravée lorsque, malgré toutes les médiations, les députés socialistes ont boycotté la séance télévisée des questions au gouvernement. Il y a de l'inédit dans l'air. Comme un souffle de rupture dans la comportement du Parti socialiste. Comme une soudaine précipitation vers l'affrontement. Comme si en matière d'opposition, on entrait vraiment dans le dur. Le gouvernement gouverne et réforme tête baissée et l'opposition se redresse pour stopper l'assaut. Cela s'est illustré cette semaine par l'incroyable spectacle des députés socialistes réunis au pied du perchoir sur lequel siège Bernard Accoyer et chantant à gorges déployées la Marseillaise, comme une démarche de défi, comme un signe de protestation contre la réforme du travail parlementaire qui prévoit de limiter la durée des débats et le droit d'amendement, conséquence immédiate de la révision de la Constitution votée sur un fil de rasoir au congrès de Versailles. Cette crise entre l'opposition et le président de l'Assemblée nationale, Bernard Accoyer, s'est aggravée, lorsque malgré toutes les médiations, les députés socialistes ont boycotté la séance télévisée des questions au gouvernement. Un fait inédit puisqu'il s'agit d'une grande première depuis la création de ces séances en 1974. C'est dire la détermination des socialistes à faire entendre leur voix pour dénoncer la stratégie du gouvernement en la matière. Dans ce bras de fer, un homme est visé. Il s'agit de Bernard Accoyer, président UMP de l'Assemblée nationale et dont le PS réclame la démission. La première secrétaire du PS, Martine Aubry, l'exécute avec le ton horrifié des mauvais jours: «Quand on est président de l'Assemblée nationale, troisième personnage de l'Etat, comment peut-on arriver en plein milieu de la nuit et dire «on va faire passer l'article 13 en pleine nuit, se réserver des articles et on y verra rien et demain, l'opposition ne pourra plus parler (…) Dans quel pays sommes-nous? (…) Tout ceci est très grave .Nous sommes habitués à vivre autrement entre partis républicains». Pour bien charger Bernard Accoyer, le député de l'Essonne, Manuel Vals, est à regretter ses prédécesseurs : «cela tranche quand même avec les présidences de Philippe Séguin ou de Jean-Louis Debré qui ont à chaque fois protégé l'opposition (…) Demain, nous serons peut-être au pouvoir, la droite sera dans l'opposition, elle aura besoin de ces règles qui permettent à une démocratie de vivre». Signe que l'heure est grave, même Jack Lang, le leader socialiste dont l'unique et précieuse voix avait fait adopter la révision de la Constitution, sauvant le projet de Nicolas Sarkozy d'une bérézina annoncée, se rétracte et alerte le président de la République : «L'esprit de la révision constitutionnelle que j'ai votée en juillet dernier semble altéré par la volonté de certains responsables politiques de la majorité de restreindre la liberté du débat parlementaire (…) Le chantier ouvert par vous en faveur d'un accroissement des pouvoirs du Parlement et des droits de l'opposition paraît aujourd'hui entravé». L'autre front à travers lequel le PS tente de renaître est celui de l'économie. Martine Aubry vient de proposer un plan de relance face à la crise, qui se veut alternatif à celui du gouvernement. Un plan de 50,5 milliards d'euros, avec 23,7 milliards euros pour le volet emploi et pouvoir d'achat et 26,8 milliards pour le soutien à l'investissement. L'ancien ministre socialiste de l'Economie en résume l'esprit : «On prend plusieurs outils et on les rend cohérents entre eux. C'est toute la différence par rapport au plan riquiqui de Nicolas Sarkozy». Inutile de dire que la majorité a réservé un accueil chamarré à ce plan en en dénonçant avec vigueur les incohérences et en accusant les socialiste de jouer «aux apprentis sorciers». L'UMP se moque méchamment de «la réactivité du Parti socialiste, qui fait enfin part de ses idées cinq mois après le déclenchement de la crise financière mondiale» et de reprocher au PS de «prendre délibérément le parti d'une relance par la consommation qui a toujours conduit à l'échec, prouvant ainsi qu'il n'a tiré aucune leçon du passé». Entre la majorité et l'opposition, les occasions de se friter ne vont pas manquer. Une des plus solennelles aura lieu le 27 janvier lorsque l'Assemblée nationale aura à discuter de la motion de censure déposée par les socialistes. Même si arithmétiquement, cette motion n'aucune chance d'aboutir, elle sera, selon le patron du groupe parlementaire UMP Jean-François Copé, «l'occasion pour notre Premier ministre (François Fillon) de rappeler la politique que nous menons en matière de lutte contre la crise».