Au Maroc, on estime aujourd'hui à 29.000 personnes le nombre de porteurs du VIH, ce qui fait de lui le seul pays de la région MENA à avoir connu, ces 15 dernières années, une réduction du nombre de nouvelles infections. C'est ce qui ressort d'un débat organisé, jeudi à Rabat par l'Ecole Nationale de Santé Publique (ENSP), en partenariat avec l'OMS et l'ONUSIDA. Les spécialistes ayant pris à ce débat s'accordent à dire que cette diminution, qui est de l'ordre de 16%, fait suite aux mesures prises dans le cadre du Plan stratégique national de lutte contre le sida. Celles-ci ont permis une amélioration des programmes de prévention, de dépistage, de traitement antirétroviral et d'appui social. C'est ainsi qu'entre 2004 et 2014, le nombre de personnes sous traitement est passé de 884 à 7498. Reste qu'à ce jour, 65% des porteurs ignorent leur statut, selon le Pr Abderahmane Maaroufi. Ce débat a réuni une pléiade de spécialistes marocains et étrangers dont le prix Nobel de médecine, le Pr Françoise Barré-Sinoussi. Cette chercheuse en rétrovirologie installée à Paris faisait partie de l'équipe qui avait découvert le VIH en 1983. Selon elle, on ne peut pas parler de guérison des personnes atteintes. « Je ne dis pas que ce n'est pas possible mais c'est presque mission impossible. Seule la rémission est possible, si le traitement est pris de manière précoce », a-t-elle expliqué. Le Pr Françoise Barré-Sinoussi rappelle aussi qu'il n'y a toujours pas de vaccin contre le Sida, même si la recherche a été lancée depuis la fin des années 80. Elle reste néanmoins optimiste et croit à l'objectif fixé par l'ONUSIDA : mettre fin à l'épidémie en 2030. Pour le Dr Nadia Bezad, cet objectif est ambitieux mais il reste réalisable. La présidente de l'OPALS considère que la priorité reste la sensibilisation, particulièrement en ce qui concerne le dépistage. Elle a longuement commenté la statistique selon laquelle, 65% des porteurs ignorent leur statut. Et le Dr. Nadia Bezad d'ajouter que la seule alternative reste la sensibilisation pour pousser les gens à faire des tests. De son côté, le Pr Hakima Himmich a mis l'accent sur la nécessité de lutter contre la discrimination. A ce sujet, elle indique que les drogués sont emprisonnés plutôt que d'être envoyés dans un centre de santé. Elle s'indigne aussi du fait que le préservatif est toujours considéré comme une pièce à conviction quand on veut condamner un travailleur du sexe pour prostitution. Le dernier intervenant, le Pr Marhoum Filali, chef du service des maladies infectueuses au CHU Ibn Rochd de Casablanca a, lui, tiré la sonnette d'alarme. S'il se félicite de l'augmentation du nombre de dépistage, il s'interroge sur les moyens à mettre en place pour traiter ces malades. « Les centres sont surchargés, il faut en créer d'autres, comme il est urgent de former de nouvelles ressources humaines », a-t-il conclu.