Lisbonne chercherait à pousser l'Algérie et le Maroc au «dialogue» pour résoudre la crise diplomatique qui oppose les deux pays voisins, alors que la rupture des relations diplomatiques avec Rabat, annoncée le 24 août, intervient dans un contexte de vulnérabilité du régime algérien qui ne cesse des années e dénoncer des complots contre lui. La diplomatie portugaise peut ouvrir des canaux de discussion afin d'apaiser la tension politique actuelle entre le Maroc et l'Algérie, alors que le risque d'une confrontation militaire «est plus grand que jamais», a indiqué l'analyste Riccardo Fabiani auprès de la plus grande agence de portugaise (Agência de Notícias de Portugal, Lusa). Selon M. Fabiani, directeur du programme International Crisis Group (ICG) pour l'Afrique du Nord, qui s'est entretenu avec l'agence Lusa le 30 novembre en marge d'une conférence à Lisbonne intitulée Afrique du Nord : tensions et conflits, le Portugal «devrait combler le fossé qui existe entre les deux voisins nord-africains.» «Le Portugal pourrait être ce médiateur utile qui pourrait faciliter un dialogue, une sorte de conversation initiale pour, plus tard, ouvrir la possibilité de négociations, une médiation plus structurée», a souligné Fabiani, après la conférence organisée par l'Observatoire du monde islamique (OMI). Interrogé sur la question de savoir s'il ne serait pas plus logique d'attribuer ce rôle diplomatique à l'Espagne ou à la France, M. Fabiani a manifesté quelques réserves, car ces deux pays «ont des intérêts à la fois avec le Maroc et avec l'Algérie», mais également «à cause du passé en commun, parfois douloureux». «Le Portugal n'est pas encombré par ces limitations. C'est un pays plus petit qui peut jouir d'un consensus auprès du Maroc et de l'Algérie. Il pourrait être plus acceptable en tant que médiateur ou en tant qu'acteur diplomatique dans cette crise bilatérale», a-t-il soutenu. Pour le directeur du programme de l'ICG pour l'Afrique du Nord, les tensions entre les deux pays voisins créent «le plus grand risque jamais connu» d'une guerre entre eux, dû «en partie» à la question du Sahara. Une autre raison invoquée est l'activisme récent d'Israël dans la région, M. Fabiani rappelle que moins d'un an après la reprise des relations diplomatiques entre Tel-Aviv et Rabat, les deux pays ont signé un accord historique dans le domaine de la défense. «Ceci est perçu par l'Algérie comme une menace pour sa sécurité nationale», a assuré M. Fabiani. L'animosité algérienne s'est accentuée fin 2020 quand l'ancien président américain Donald Trump a décidé de reconnaître la souveraineté de Rabat sur le Sahara, une annonce accompagnée d'une reprise des relations du Maroc avec Israël. Le chef de la diplomatie algérienne Ramtane Lamamra a accusé le Maroc d'avoir «introduit une puissance militaire étrangère dans le champ maghrébin». À Rabat, le ministère marocain des Affaires étrangères a regretté la décision «complètement injustifiée» de l'Algérie de rompre les relations, condamnant une «logique d'escalade» et rejetant «les prétextes fallacieux, voire absurdes, qui la sous-tendent». Interrogé par sur l'intention des autorités d'Alger d'équilibrer le pouvoir de la force avec le Maroc, en recourant par exemple au soutien de la Russie, de l'Iran ou encore celui de la Chine, M. Fabiani n'a pas exclu cette possibilité. «L'Algérie cherche à se fortifier après l'alliance israélo-marocaine et veut le faire à travers une relation plus étroite avec la Russie, en particulier. L'Algérie est déjà le plus gros acheteur d'armes et d'équipements militaires russes en Afrique. Elle souhaite approfondir ces liens et souhaiterait probablement avoir une relation privilégiée avec Moscou et, peut-être, idéalement, impliquer la Russie dans cette crise», a-t-il affirmé.