Après un premier report, la suppression progressive du soutien public au gaz butane s'apprête à franchir une césure décisive. Selon le gouverneur de Bank Al-Maghrib, mardi 18 mars, l'exécutif marocain prévoit une augmentation de dix dirhams par bonbonne dès la période estivale, dans le cadre d'un désengagement plus large de l'Etat des mécanismes de compensation. Un arbitrage gouvernemental aux répercussions multiples Initialement envisagée pour le début de l'année 2025, cette réévaluation tarifaire a été différée afin d'éviter qu'elle ne coïncide avec le mois de ramadan, période traditionnellement marquée par une consommation domestique accrue. L'exécutif s'oriente désormais vers une application échelonnée de cette réforme, dont les répercussions dépasseront le seul cadre budgétaire pour remettre en cause les équilibres sociaux du pays. Dans son intervention consacrée aux projections macroéconomiques du royaume, le gouverneur de la banque centrale a estimé que l'inflation devrait se maintenir aux alentours de 2 % au cours des deux prochaines années. Une prévision qui reflète, selon lui, une certaine stabilité des fondamentaux économiques mais qui n'exclut pas des tensions conjoncturelles, notamment dans le sillage du retrait progressif des subventions. Si le gouvernement affirme travailler à des mécanismes d'accompagnement destinés à atténuer l'incidence de cette hausse sur les ménages les plus vulnérables, l'équation demeure délicate. La hausse du prix du gaz, même contenue, s'étendra à l'ensemble des secteurs dépendants de cette ressource, avec des répercussions en cascade sur le pouvoir d'achat et la structure des coûts de nombreuses activités économiques. Au-delà des ajustements conjoncturels, cette révision du prix du gaz butane confirme la transition d'un modèle d'intervention fondé sur la compensation vers un système d'aides plus ciblées, sauf que la capacité des dispositifs d'accompagnement à amortir les secousses induites par ces réformes et leurs multiples défaillances restent un grand défi. «Dans un pays où le soutien aux produits de première nécessité demeure un élément structurant du pacte social, le passage à une tarification plus conforme aux réalités du marché ne saurait être appréhendé sans une réflexion sur la refonte des mécanismes de redistribution», a averti le député du PPS (opposition), Rachid Hamouni. Alors que le calendrier de cette hausse semble désormais fixé aux mois de mai et juin, la manière dont elle sera perçue par la population et absorbée par l'économie constituera un test décisif pour la gestion des réformes à venir. C'est un changement de paradigme qui se profile où l'intervention de l'Etat dans la régulation des prix s'efface progressivement au profit d'une nouvelle architecture économique dont les contours restent encore à préciser.