En invoquant la Palestine, le chef du PJD adopte une attitude conflictuelle, ciblant la diplomatie royale et l'armée. Un suicide politique en direct. Dans une déclaration enflammée prononcée lors d'une réunion du secrétariat général de son parti, le secrétaire général du Parti de la justice et du développement (PJD, opposition), Abdel-Ilah Benkiran, s'en est pris avec virulence à la participation présumée de composantes de l'armée israélienne à des exercices militaires sur le sol marocain, qu'il a qualifiée d'«interdite sur le plan religieux». «Les informations qui circulent sur la participation de composantes de l'armée israélienne à des manœuvres militaires sur notre sol relèvent d'un fait qui ne saurait être permis sur le plan religieux», a-t-il surenchéri. Poursuivant dans un registre où les considérations doctrinales s'entrelacent aux jugements populistes, il a affirmé que «l'entrée de forces militaires dans notre pays en cette période et leur participation à une quelconque activité ne peut être autorisée, ni sur le plan religieux, ni sur celui des principes démocratiques». Adoptant un ton catégorique, l'ancien chef du gouvernement (71 ans) a ajouté : «Ce sont des belligérants qui tuent nos frères et nous n'avons pas à partager quoi que ce soit avec eux. Nous espérons que notre pays mettra un terme à toute forme de relation ou de coopération avec cet Etat hors-la-loi.» Remise en cause frontale de la diplomatie royale Sous couvert d'indignation à l'égard de la situation à Gaza, Benkiran a ouvertement mis en cause les orientations diplomatiques de l'Etat, fondées sur les hautes directives du roi Mohammed VI, président du Comité Al-Qods. En formulant ses objections sur un ton doctrinal, le chef islamiste substitue au débat national un discours religieux exclusif, délégitimant par là même les décisions souveraines de l'Etat. Selon ses mots, «ce qui se déroule à Gaza est une source de honte : on y cherche les plus élémentaires moyens de subsistance, une bouchée de pain, un verre de thé. Le peuple y meurt de faim et de soif». Il a également souligné que «ces crimes ne suscitent pas seulement l'indignation des Arabes et des musulmans, mais également celle de citoyens dans les pays occidentaux favorables à Israël, qui réprimandent leurs responsables pour leur passivité face à cette extermination». En persistant à s'ériger en gardien de la morale religieuse face aux institutions de l'Etat, Benkiran semble désormais franchir un seuil inédit dans la confrontation verbale. Après avoir mis en doute la légitimité des orientations diplomatiques du royaume, il s'aventure sur le terrain militaire, entamant ce qui s'apparente à une contestation ouverte de la doctrine de défense nationale. Dans le paysage politique national où le respect de l'unité institutionnelle constitue un fondement intangible, cette prise de position ont provoqué un malaise manifeste. Le discours tenu s'apparente à une tentative de politisation de la fonction sacrée de l'armée, s'affranchissant des principes qui régissent le pacte national autour de la monarchie et de ses prérogatives, quelques mois avant les élections générales.