Le Maroc représente 16 % des exportations d'ammoniac en provenance de Trinité-et-Tobago, selon les données de l'année 2024, confortant sa place parmi les principaux débouchés de ce produit stratégique, dont ce pays des Caraïbes demeure le premier exportateur mondial. Avec plus de quatre millions de tonnes produites l'an dernier, Trinité-et-Tobago a expédié la quasi-totalité de son ammoniac à l'étranger, en particulier vers les Etats-Unis (25 %), l'Union européenne et le Royaume-Uni réunis (21 %), le Maroc (16 %), la Suisse et le Mexique (9 % chacun), selon les chiffres communiqués par la Chambre de l'énergie de Trinité-et-Tobago. L'ammoniac, principalement destiné à la fabrication d'engrais azotés, fait désormais l'objet d'une attention accrue en Europe et au Royaume-Uni, où l'instauration progressive de mécanismes d'ajustement carbone aux frontières — les CBAM (Carbon Border Adjustment Mechanisms) — pourrait remettre en question la compétitivité des exportateurs à forte intensité carbone. Ce dispositif vise à compenser l'écart entre les industries soumises à des prélèvements carbone domestiques et les producteurs étrangers non soumis à une fiscalité équivalente. En pratique, il reviendra à imposer des droits additionnels sur les importations de produits jugés fortement émetteurs de dioxyde de carbone, tels que le ciment, l'acier... et l'ammoniac. Or, la production d'ammoniac génère d'importants volumes de CO2. Trinité-et-Tobago, dont l'économie repose en partie sur les hydrocarbures, est confrontée à une équation complexe : préserver ses parts de marché, tout en adaptant son appareil industriel à des normes climatiques de plus en plus rigoureuses. Des projets de décarbonation sont en cours, notamment la construction d'une usine d'hydrogène vert à Pt Lisas et le développement de sites de captage et de séquestration du carbone (CCS) dans les anciens gisements pétroliers ou gaziers. Mais ces infrastructures requièrent des investissements majeurs et ne seront pas opérationnelles à court terme. La Chambre de l'énergie appelle à une mise en œuvre rapide d'un système national de mesure, de notification et de vérification des émissions (MRV), reconnu par les pays importateurs. «Les autorités européennes ne se contenteront pas de données auto-déclarées. Il faut un cadre crédible, législatif et public», estime l'organisation dans une note transmise à ses membres. En tant que premier fournisseur mondial d'ammoniac, Trinité-et-Tobago devra ajuster rapidement son modèle de production si elle souhaite conserver sa place sur des marchés désormais conditionnés par la transparence climatique. Pour le Maroc, grand acheteur de fertilisants, la fiabilité de cette chaîne d'approvisionnement constitue un enjeu agricole et économique de premier plan.