En mêlant les attributs de l'Etat aux affaires partisanes, Aziz Akhannouch a provoquél'embarras ce vendredi en publiant sur la page officielle du chef du gouvernement un message consacré à une activité strictement interne au Rassemblement national des indépendants (RNI), qu'il préside. Le texte, aussitôt remarqué, a été retiré dans les heures qui ont suivi, sans qu'aucun éclaircissement ni la moindre excuse soient formulés. Le message, rédigé en arabe classique et diffusé sur la page certifiée «رئيس الحكومة المغربية», relatait une tournée menée par Aziz Akhannouch «accompagné d'une délégation du bureau politique du parti» auprès de cadres régionaux du RNI dans la région de Souss-Massa. Le texte affirmait que la démarche œuvrait à «conforter la présence politique et organisationnelle du parti dans cette région», à travers des rencontres mettant à l'honneur des «figures militantes ayant contribué de manière remarquable à l'édifice partisan». Il était également question de «culture de la reconnaissance et de la gratitude», dans un vocabulaire purement partisan, dénué de toute référence aux responsabilités gouvernementales. La publication ne contenait aucune allusion à un programme public ou à une action étatique. Tout, dans la tonalité comme dans le contenu, relevait d'une démarche d'hommage interne, destinée à saluer l'engagement d'anciens élus du parti. L'usage de la page institutionnelle pour une telle communication ne relève donc ni de l'approximation ni de l'ambiguïté : il s'agit d'un acte conscient, manifestement prémédité, où la parole publique est employée pour rehausser l'image d'un appareil partisan. Une confusion méthodique (et délibérée) entre rôle d'Etat et loyauté partisane En insérant dans un canal officiel une communication à finalité électorale, le président du RNI a franchi une limite dont la gravité tient à l'usage même des attributs de l'Etat pour exalter les mérites d'un parti politique. Le texte ne faisait pas mystère de son orientation : «Cette démarche s'inscrit dans la valorisation des parcours militants et la fidélité au sein de la famille RNI», pouvait-on lire. La fonction de chef du gouvernement se trouvait dès lors détournée, non pour informer les citoyens, mais pour célébrer les mérites internes d'une formation politique à laquelle tous n'appartiennent pas. Ce brouillage volontaire entre registre public et visée partisane procède moins d'une erreur que d'une méthode, révélant une tendance croissante à faire glisser l'appareil gouvernemental dans l'orbite exclusive du RNI. Il ne s'agit pas d'un simple faux-pas de communication : c'est l'esprit même de la neutralité de l'Etat qui se trouve bafoué. L'absence de frontière entre les prérogatives publiques et les ambitions partisanes trahit une conception privative de l'exercice du pouvoir, dans laquelle les instruments de l'Etat deviennent des prolongements du parti. Le retrait du message – prompt mais silencieux – ne saurait suffire à effacer le trouble né de cette confusion. Aziz Akhannouch, dont le double statut est connu, n'a apporté ni justification, ni démenti, ni même une esquisse d'excuse, laissant planer un flou que la gravité de l'acte ne permet pourtant pas de banaliser. Ce silence, que d'aucuns interprètent comme un aveu, creuse encore la fracture entre les exigences de l'éthique publique et les pratiques d'un pouvoir qui confond allégeance partisane et autorité d'Etat.