Le Maroc a achevé sa campagne d'exportation d'avocats 2024/2025 sur des volumes historiques, franchissant pour la première fois la barre des 100 100 tonnes exportées, pour une production nationale estimée à 130 000 tonnes. Toutefois, cette progression remarquable s'est accompagnée d'un recul notable des prix, en baisse de plus de 20 % par rapport à la campagne précédente, selon les données de l'Association marocaine de l'avocat (MAVA) consultées par Barlamane.com. Une saison record mais des prix dégradés La campagne, qui s'est prolongée jusqu'à la fin du mois de mai, a été marquée par une tension persistante entre producteurs et exportateurs. Nombre de producteurs ont différé la récolte dans l'attente de cours plus rémunérateurs, provoquant un décalage significatif dans l'acheminement vers les marchés. «Cette stratégie a nui à la réputation du pays d'origine et engendré une volatilité nuisible», a commenté Abdellah Elyamlahi, président de la MAVA. La variété Hass, dominante à 90 %, s'est imposée sur les marchés traditionnels — Pays-Bas, Espagne, France —, mais de nouvelles destinations comme la Turquie ou les pays scandinaves se sont affirmées. «La demande reste soutenue, y compris en Allemagne, en Italie, au Qatar ou encore en Ukraine», a-t-il précisé. Toutefois, la forte concurrence venue de la Colombie, du Pérou et d'Israël, conjuguée à une offre excédentaire, a exercé une pression continue sur les prix, notamment en décembre, période où les cours ont atteint leur plancher. Une culture en expansion, mais confrontée à ses limites Entre 2020 et 2025, la superficie consacrée à l'avocat a doublé, passant de 6 000 à 12 000 hectares, et devrait atteindre 15 000 hectares d'ici deux ans. Le rendement moyen national demeure à 10 tonnes par hectare, avec des exploitations de pointe atteignant 17 à 24 tonnes. «Nous tablons sur une moyenne nationale portée à 15 ou 20 tonnes à l'hectare, mais l'objectif n'est plus d'augmenter mécaniquement les volumes, il s'agit désormais d'élever la qualité», a insisté M. Elyamlahi. Pour la seule campagne en cours, plus de la moitié des avocats n'avaient pas encore été récoltés fin janvier. Ce décalage, bien qu'amenuisé par rapport aux années précédentes, reflète les incertitudes persistantes du secteur. «Le marché mondial évolue vite, mais le Maroc conserve un avantage dans certaines catégories très demandées, comme les calibres 16, 18 et 20», a rappelé le président de la MAVA. Structuration, qualité, ouverture vers les Etats-Unis Le secteur reste fragmenté : quelque deux cents producteurs, dont la moitié détient des exploitations supérieures à 5 hectares, sont concentrés sur la façade atlantique du nord-ouest, entre Tafilalet et Larache. Une vingtaine d'exportateurs dominent le marché, dont la moitié possède ses propres vergers. «Le besoin de structuration devient impérieux. Nous préparons la création d'un organisme interprofessionnel, qui assurera un dialogue technique avec les autorités, un cadre d'échange entre acteurs et un aiguillage stratégique pour l'ensemble de la filière», a révélé M. Elyamlahi. L'enjeu principal reste l'ouverture du marché nord-américain. «Nous avons engagé des négociations phytosanitaires depuis deux ans avec les Etats-Unis. Si tout se déroule comme prévu, les premiers envois pourraient être réalisés dès la prochaine campagne, ou au plus tard en 2027», a-t-il affirmé. Le Maroc ne subirait alors qu'un droit de douane de 10 % dans un marché où le Mexique, premier fournisseur, est de plus en plus fragilisé. Par ailleurs, les exportateurs marocains souhaitent intensifier leur présence en Scandinavie, au Canada et dans les pays arabes tels que la Jordanie et l'Arabie saoudite. Le maintien du calendrier de récolte — de novembre à mars — ne laisse guère de marge : «Il nous faut des débouchés solides et différenciés pour absorber une production qui atteindra probablement 150 000 tonnes la saison prochaine, et 200 000 tonnes d'ici 2030», a averti M. Elyamlahi. Le président de la MAVA a conclu en soulignant les défis qualitatifs à relever : «Il ne suffit plus de produire davantage. Il faut désormais offrir des fruits irréprochables, sans marques, sans défauts. Cela passe par un affinement des techniques de cueillette, une meilleure gestion post-récolte, et la diffusion de ces savoir-faire à tous les échelons, y compris les petits producteurs. C'est à cette condition que nous préserverons l'excellence de l'origine Maroc.»