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"Jood" et "Joud" : une homonymie entretenue par le RNI attise la méfiance alors que s'amplifient les craintes d'un usage politique du caritatif au profit d'Aziz Akhannouch
Deux associations portant presque le même nom – Jood de Hind Laidi, revendiquant une indépendance absolue et Joud assumée par Aziz Akhannouch, chef du Rassemblement national des indépendants (RNI) – se trouvent au cœur d'une controverse qui interroge la frontière fragile entre action humanitaire et champ électoral, quelques mois avant une année électorale cruciale. Dans un message vidéo diffusé lundi 18 août, Hind Laidi, émue, a tenu à rétablir une distinction nette : «Mon bureau et moi n'avons aucun lien avec M. Akhannouch ni avec son parti. Depuis dix ans, Jood n'a jamais reçu un seul dirham d'un parti, d'une institution ou d'un ministère. Notre seul moteur demeure la foi, la patrie et le roi.» Elle a rappelé que son association regroupe des volontaires marocains au pays comme à l'étranger et qu'elle œuvre «à donner un toit, un emploi et un peu de dignité aux sans-abri». Les propos d'Aziz Akhannouch en 2021, source de soupçons persistants La polémique avait éclaté en 2021, lorsque Aziz Akhannouch avait déclaré dans une vidéo avoir «suivi personnellement le développement de l'association Joud avec de nombreux bienfaiteurs», en vantant «des milliers de paniers alimentaires distribués dans les campagnes et auprès des plus vulnérables». Cette reconnaissance d'un lien organique entre son parti et Joud avait amplifié l'idée d'un usage électoral de l'aide caritative. Abdellatif Ouahbi, ancien secrétaire général du Parti authenticité et modernité (PAM) avant de devenir allié de M. Akhannouch, s'était alors emporté : «Où était cette association auparavant, avant d'apparaître aujourd'hui avec un million de paniers ?», dénonçant «la plus grande affaire politique du moment». Le Parti du progrès et du socialisme (PPS), l'Istiqlal (PI) et le Parti marocain libre (PML) avaient également accusé Joud de servir de relais électoral au RNI, appelant les autorités à garantir la sincérité du scrutin. Avril 2025 : les soupçons ravivés autour de Mustapha Baïtas En avril, une nouvelle affaire est venue relancer les doutes. Des photographies diffusées sur les réseaux sociaux montraient une camionnette communale stationnée devant la maison familiale de Mustapha Baïtas, ministre délégué et porte-parole du gouvernement, dans la ville de Sidi Ifni. Les images, abondamment partagées, ont ravivé des accusations d'utilisation de moyens publics pour la distribution d'aides de la Joud liée au RNI. Interpellé en conférence de presse, Baïtas a refusé de répondre directement, se bornant à déclarer que «les questions de nature politique soulevées récemment trouveront leur espace approprié de traitement». Le président de la commune concernée, membre du RNI, a d'abord affirmé que le véhicule «était simplement garé devant la maison», avant de concéder qu'il «accomplissait une mission particulière de la collectivité», sans fournir davantage de détails. Tout en niant l'usage de moyens de l'Etat, celui-ci a reconnu que «les aides de [la] Joud proche du RNI avaient été transportées depuis Casablanca par des camions privés, et non par des véhicules communaux». Le silence prolongé de Baïtas, qui n'a répondu ni aux appels téléphoniques ni aux messages adressés par la presse, a contribué à alimenter la suspicion. Le spectre d'un précédent Cette controverse réveille le souvenir de 2016, lorsque le ministère de l'intérieur avait suspendu les activités de l'association Al Aoun wa al-Ighatha, réputée proche du Parti de la justice et du développement (PJD), au motif que ses distributions de vivres coïncidaient avec les législatives. Plus de 3 000 familles avaient alors perdu leur aide régulière, confirmant la vigilance des autorités quant au risque de confusion entre charité et compétition électorale. Aujourd'hui, le RNI assure que Joud est une œuvre sociale légitime et dénonce des attaques partisanes. Ses responsables affirment que «l'aide humanitaire ne saurait être réduite à une propagande politique». Mais pour Hind Laidi, la confusion entre les deux associations affaiblit le lien de confiance entre citoyens et monde associatif : «La charité ne doit pas devenir un champ de suspicion. Elle appartient aux consciences et non aux urnes.»