Le Maroc figure parmi les pays d'Afrique du Nord les plus exposés à la salinisation des sols, un phénomène qui menace la production agricole et contraint les cultivateurs à modifier leurs pratiques. Selon le rapport publié le 31 août par l'éditeur scientifique Multidisciplinary Digital Publishing Institute (MDPI) et consacré aux «pertes de récolte dues à la salinisation des sols et aux adaptations agricoles au Moyen-Orient et en Afrique du Nord», «près de 54 % des agriculteurs nord-africains subissent des pertes de production imputables aux dépôts salins». Les chercheurs précisent que «23 % des exploitants interrogés évaluent leurs pertes à moins de 20 %, tandis que près de 15 % d'entre eux les estiment à 60 % ou davantage». Ampleur régionale et facteurs de salinisation Les travaux, menés par l'International Center for Biosaline Agriculture (ICBA), l'International Center for Agricultural Research in the Dry Areas (ICARDA) et l'université Aïn Shams du Caire, s'appuient sur «un échantillon de 294 agriculteurs répartis entre le Maroc (100), la Tunisie (82) et l'Egypte (112)», en coopération avec la FAO et l'ICBA. Les auteurs soulignent que «la salinisation des terres agricoles provient de sources multiples et il convient de distinguer la salinité des sols, qui correspond à l'accumulation de sels dans la zone racinaire, de la salinité de l'eau d'irrigation, définie par la concentration saline des ressources hydriques». Le rapport ajoute que «ces processus coexistent souvent dans les zones arides et semi-arides, favorisant une salinisation secondaire lorsque le drainage est insuffisant ou que l'évaporation est élevée». Les chercheurs relèvent que «la salinisation est provoquée par deux facteurs principaux : la salinisation primaire d'origine naturelle — altération des roches, dépôts atmosphériques, activité volcanique — et la salinisation secondaire imputable aux pratiques humaines». Parmi ces dernières, le texte mentionne «l'usage d'eaux d'irrigation de qualité médiocre, le déficit de drainage, la déforestation, l'arrachage de végétation à racines profondes et l'abus d'engrais et de produits chimiques». Les auteurs estiment que «le changement climatique aggrave ce phénomène en accélérant l'intrusion saline liée à la montée du niveau des mers, à la hausse des températures, à l'évaporation accrue et à la surexploitation des nappes phréatiques». Données propres au Maroc et réponses des agriculteurs Pour ce qui concerne le Maroc, «près de 21 % des terres irriguées sont affectées, avec des estimations indiquant qu'environ 5 % de l'ensemble des terres agricoles subissent ce phénomène». En Egypte, «environ 35 % des terres cultivées souffrent de salinité et de défaut de drainage», tandis qu'en Tunisie «1,5 million d'hectares, soit près de 10 % du territoire national, sont concernés». Face à cette dégradation, les chercheurs observent que «les agriculteurs ont adopté cinq mesures principales pour atténuer les pertes, notamment l'amélioration des méthodes d'irrigation, choisie par 46,6 % d'entre eux». Ils notent que «24,49 % recourent à des amendements organiques, 23,63 % à des cultures tolérantes au sel telles que le panic bleu, la sesbania ou le mil perlé, 15,44 % pratiquent l'assolement et 7,14 % améliorent le drainage». Le rapport conclut que «l'accès au crédit, l'adhésion à des coopératives et la formation technique constituent des leviers déterminants pour réduire les pertes liées à la salinisation», soulignant «l'urgence de promouvoir ces dispositifs dans un contexte de réchauffement planétaire accéléré».