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Le "Middle East Council on Global Affairs" dévoile sa recette pour résoudre la crise Maroc-Algérie : interrompre les querelles médiatiques et établir un canal direct de prévention des crises
Si le rapport publié avant quelques heures par le Middle East Council on Global Affairs préconise l'arrêt des hostilités médiatiques entre le Maroc et l'Algérie et l'instauration de canaux de communication sécurisés, il pèche par une mise en parallèle trop commode des responsabilités. En cherchant à équilibrer artificiellement les torts, l'étude tend à gommer la gravité particulière de certains agissements imputables à l'Algérie, dont les provocations diplomatiques et la rhétorique incendiaire ont, de longue date, fragilisé la stabilité régionale. Le Maroc et l'Algérie, longtemps prisonniers d'une méfiance enracinée, de griefs historiques et d'une guerre de l'information devenue l'un des principaux moteurs de l'escalade régionale, sont invités à suspendre immédiatement leurs attaques médiatiques et à créer des lignes de communication directes et hiérarchisées pour éviter qu'un incident mineur ne déclenche une crise majeure, selon une analyse détaillée publiée par le Middle East Council on Global Affairs. La tonalité de l'étude, toutefois, est regrettable en ce qu'elle tend à mettre sur un pied d'égalité les responsabilités des deux Etats, alors même que les tensions engendrées par l'Algérie — notamment dans des actes diplomatiques hostiles — semblent particulièrement prégnants. La rédactrice du document souligne que «les relations entre l'Algérie et le Maroc traversent une phase critique d'instabilité, alimentée par une méfiance ancienne, des perceptions faussées d'une spirale d'escalade, d'une course aux armements rapide et des ambitions régionales rivales». Dans ce contexte inflammable, «l'intense couverture médiatique amplifie les conséquences de chaque faiblesse perçue, poussant les deux Etats à privilégier la dissuasion militaire au détriment de la diplomatie». Un antagonisme historique ancré dans une guerre médiatique dévorante L'étude, sans mentionner qu'Alger est un acteur nocif dans plusieurs dossiers en souffrance, rappelle que «les positions irréconciliables sur la question du Sahara occidental ont engendré un blocage dangereux où les pressions intérieures empêchent toute concession, un phénomène qualifié de "force de la faiblesse"». À mesure que ce blocage perdure, «les canaux diplomatiques se figent, laissant croître une rivalité entretenue par des narratifs antagonistes et une mise en scène médiatique de chaque geste». Les tensions, note le rapport, «sont aujourd'hui exacerbées par une guerre de l'information où médias traditionnels et plates-formes numériques sont devenus des théâtres d'hostilités contrôlées, parfois détournées, par les appareils d'Etat». Ce climat «fait peser un risque de représailles contre les ressortissants résidant dans l'un ou l'autre pays, y compris au sein de la diaspora bien que, dans les faits, les relations interpersonnelles entre citoyens restent globalement normales». L'analyse replace ce phénomène dans son cadre historique : «Le conflit entre l'Algérie et le Maroc autour du Sahara occidental couve depuis des décennies, mais la période ouverte en 2020 a marqué un durcissement notable». Le texte précise qu'«Alger soutient de longue date le Front Polisario tandis que Rabat considère le Sahara comme une composante inaliénable de son territoire souverain». La reprise des relations entre le Maroc et Israël, en marge de la reconnaissance par les Etats-Unis de la souveraineté de Rabat sur ses provinces méridionales, «a constitué un tournant diplomatique qui a enflammé encore les tensions et préparé le terrain à une série d'escalades en 2021». Un des événements graves qui ont suivi est survenu «en septembre 2023, [lorsque] deux jet-skieurs marocains ont été abattus par les garde-côtes algériens après avoir accidentellement franchi la frontière maritime»; cela «a contribué à transformer une rivalité régionale en confrontation structurelle». Un écosystème numérique hors de contrôle et propice à l'escalade Le rapport met en lumière une transformation qualitative des canaux d'information : «Le conflit dépasse désormais la sphère diplomatique et militaire pour occuper tout l'espace médiatique, qu'il soit traditionnel ou numérique». Les auteurs insistent sur le fait que «chaque camp déforme les faits, en fabrique d'autres, et bâtit des narratifs visant à glorifier sa propre image en dénigrant celle de l'adversaire, jusque dans la production culturelle». Le document avertit : «Le risque que cette guerre de l'information échappe à tout contrôle et engendre un engrenage non maîtrisé est réel». L'ère numérique rend ces dérives plus périlleuses : «La diffusion de l'information n'est plus le monopole des médias traditionnels, ni soumise à leurs garde-fous ; tout individu muni d'un smartphone peut désormais modeler un récit, d'autant plus que les outils d'intelligence artificielle amplifient cette capacité». La connectivité accélère le phénomène : «L'Algérie comptait, début 2024, 33,4 millions d'internautes (72,9 % de la population) et le Maroc 34,4 millions (90,7 %), offrant un terreau idéal à la propagation rapide de l'information — et de la désinformation». Le rapport précise qu'«une enquête récente montre que 43 % des Algériens et 36 % des Marocains considèrent les réseaux sociaux comme leur première source d'actualité». Cette dépendance «alimente un environnement toxique où Facebook, YouTube et X (ex-Twitter) deviennent des arènes d'invectives, de propos haineux et de manipulations, y compris au sein des diasporas». Des «hashtags empreints de vitriol» y circulent, «révélant combien l'animosité peut s'immiscer jusque dans des échanges apparemment anodins». Des mesures concrètes pour maîtriser la crise et prévenir l'irréparable L'analyse insiste sur la nécessité d'un sursaut proprement bilatéral : «Face à la réserve des puissances extérieures, parfois même à leurs maladresses aggravantes, il appartient à Alger et Rabat d'assumer la résolution de cette crise afin de préserver la stabilité de l'Afrique du Nord». Deux interventions y sont détaillées. La première : «L'arrêt immédiat et complet des attaques médiatiques». Ce geste «constituerait un premier acte de construction de la confiance, en substituant à la rhétorique sensationnaliste et antagoniste un strict attachement au compte rendu factuel». Le rapport propose qu'«une charte conjointe de déontologie médiatique soit adoptée pour établir durablement un environnement d'information responsable». Cette charte «mettrait en avant l'exactitude, l'objectivité et l'équilibre, proscrirait le langage incendiaire et encouragerait le dialogue constructif, tout en associant les médias, les universités et les autorités publiques». La seconde intervention est la mise en place d'«un système de communication directe, sécurisé, à plusieurs niveaux hiérarchiques». Celui-ci «devrait comporter au minimum une ligne directe entre les chefs de gouvernement, assortie de canaux dédiés entre les ministères des affaires étrangères et de la défense». Une telle architecture «permettrait une intervention rapide, confidentielle et graduée pour désamorcer toute crise naissante, notamment celles alimentées par les campagnes médiatiques ou la désinformation numérique». Elle «faciliterait également le dialogue diplomatique régulier en période de tension, assurerait l'échange d'informations sensibles, comme les mouvements militaires ou les signaux d'alerte, et réduirait la probabilité d'erreurs de calcul aux conséquences irréversibles». Vers une stabilité précaire mais préservée Le rapport conclut que «la combinaison d'une trêve médiatique et d'un canal de communication opérationnel représente un instrument pragmatique et immédiatement applicable pour atténuer la guerre informationnelle entre l'Algérie et le Maroc». Dans l'absence de médiation extérieure, «ce dispositif constituerait à la fois un levier de confiance et un outil diplomatique actif, offrant aux deux pays la maîtrise d'une relation aujourd'hui dominée par la méfiance et les risques d'escalade accidentelle». Ce cadre, précisent-ils, «n'instaurerait pas la paix par lui-même, mais il tracerait les premiers jalons d'une désescalade indispensable et d'une prévention raisonnée du conflit entre ces deux voisins du Maghreb».