Il fut un temps où l'idée de remporter la Coupe du monde des jeunes représentait un rêve que l'on ne pouvait que chuchoter, avant qu'il ne soit volé en éclats. Nous y voilà aujourd'hui, installés sur le toit de la planète footballistique, les yeux ouverts sur un monde nouveau, fait de victoires qui marquent l'histoire. Les Lionceaux de l'Atlas l'ont fait au Chili ! Ils nous ont enchantés devant quelque 45 000 spectateurs majoritairement acquis à leur cause. Ils ont fait trembler nos voix de fierté face à une équipe largement favorite, avec ses six titres au compteur. Leur parcours fut quasi parfait contre de grandes sélections, telles que l'Espagne, le Brésil, le Mexique, la République de Corée, les Etats-Unis et, en demi-finale, la France, avant d'acheminer le plaisir jusqu'à l'inoubliable. Entre doute et espoir, chacun y allait de son pronostic. Les plus grincheux prévoyaient une large défaite, les plus optimistes annonçaient une victoire, quand les professionnels préféraient s'abstenir d'un quelconque pronostic, car ils ont l'expérience des matchs de Coupe du monde, pour leur difficulté et leur imprévisibilité. Assez de doutes, place au devoir. C'est dans une ambiance magique à Santiago (Chili) que débuta la rencontre. L'hymne national fut chanté, et un onze type aligné, mené par le talentueux Yassir Zabiri, renversa l'Argentine (2-0), offrant à son pays le premier trophée U20 de l'histoire du royaume, et le premier pour la nation arabe. Le coup d'envoi est donné, les poils s'hérissent, la tension monte, les dents grincent et le cœur bat la chamade. L'Argentine a le ballon et le Maroc défend. Peu à peu, les débats s'équilibrent, et c'est le prodigieux Yassir qui ouvre la marque sur un coup franc puissant à la 12e minute, avant d'enchaîner sur une reprise splendide à la 29e, au terme d'une action menée par Ismaël et offerte par Ottmane Maamma. L'Argentine tente de répliquer, mais paraît incapable de trouver des solutions ni de se créer de véritables occasions face à un bloc compact et une défense remarquablement regroupée. Les deux équipes regagnent les vestiaires avec cet avantage précieux de deux buts d'écart. La seconde période débute sur un rythme effréné ; les Argentins se lancent à l'assaut des buts, sans réel danger pour les Lionceaux. Les minutes s'égrènent, et les Marocains, gagnant en confiance, déjouent toutes les tentatives adverses. Ils s'offrent même plusieurs occasions manifestes d'aggraver le score. Le coup de sifflet final plonge toute l'Afrique dans l'allégresse, saluant le parcours prodigieux de nos héros. Leur exploit éclatant nous a permis d'admirer un véritable festin footballistique, une fête de l'esprit et du mouvement, qui nous a transportés dans un état d'exaltation indicible. Ces Lionceaux ne forment pas une équipe dévouée : ces Lionceaux sont le dévouement incarné. C'est une philosophie devenue chair, une discipline intérieure qui transcende le corps pour lui insuffler rigueur et abnégation. Lorsqu'on les observe jouer, le spectacle auquel on assiste est celui d'une symphonie. La noblesse de leur sacrifice illumine leurs gestes ; leur vision du jeu est radieuse, leurs mouvements gracieux, leurs passes poétiques, leurs relances sublimes. Et quel tableau final ! Le football marocain s'impose désormais comme le précurseur d'une ère où la solidarité collective l'emporte sur les prouesses individuelles. L'Argentine, le Brésil, le Mexique incarnent l'excellence technique ; la France représente la promesse athlétique ; mais tous se sont inclinés devant un Maroc qui s'est révélé manifestation de la grâce, ambassadeur d'un football nouveau, fondé sur le dévouement et le sacrifice. Autre fait marquant : le fair-play exemplaire dont fit preuve la sélection argentine et la noblesse du public chilien, qui soutint sans relâche notre onze national, scandant des vivats au nom du Maroc et tentant, tant bien que mal, de murmurer les paroles de notre hymne national. Dire, en guise d'épilogue, que si la compétition mondiale se disputait aussi sur le terrain des Prix Nobel, le Maroc serait sans conteste Prix Nobel du football des jeunes.