Dans une étrange démonstration où l'autosatisfaction domine, Aziz Akhannouch et ses fidèles déploient un discours pré-électoraliste faisant abstraction des carences flagrantes de leur gestion. Leur refus explicite d'aborder les enjeux cruciaux — inflation galopante, conflits d'intérêts persistants, fractures sociales non apaisées — traduit une absence manifeste d'autocritique face aux crises récentes. Les mises en scène triomphalistes prévalent sur toute volonté d'examen transparent et circonstancié du bilan effectif, jugé très mauvais. La fragilité d'une majorité qui persiste à cultiver l'illusion d'un progrès immuable est tout ce qui reste d'un projet politique donné comme prometteur lancé en 2021. Le monde change, mais le Rassemblement national des indépendants (RNI, à la tête de la majorité) , qui s'attache à une campagne prématurée, résiste. Premières et secondes figures sont là et, d'emblée, les sujets qui fâchent se trouvent proscrits du discours officiel : chômage persistant, crises récurrentes avec les corps intermédiaires mais aussi les revendications brûlantes de la génération Z ainsi que l'inéluctable sécheresse qui assombrit l'horizon national. Cette exclusion rigoureuse, opérée une nouvelle fois samedi 15 novembre, trahit une incapacité manifeste à affronter les réalités les plus saillantes et les plus préoccupantes du moment. En choisissant la cécité volontaire face à ces défis, la direction politique du RNI dessine un tableau d'une inquiétante déconnexion où l'autosatisfaction gouvernementale se mue en un simulacre de maîtrise, creusant le fossé entre la parole publique et les attentes légitimes des citoyens. Ceux qui ont assisté à la mise en scène politique de ce jour étaient stupéfaits face à une homogénéité narrative qui évacue tout sujet susceptible de fissurer le tableau présenté. Ni l'inflation persistante qui continue d'éroder le pouvoir d'achat, ni les controverses relatives aux conflits d'intérêts touchant certains responsables, ni la mémoire encore fraîche des tensions sociales qui ont ébranlé plusieurs secteurs n'ont trouvé la moindre place dans les interventions officielles des cadres dirigeants du RNI. Cette omission systémique laisse penser que le parti n'a rien retiré des épisodes sociaux récents, pourtant riches en signaux d'alerte. À cette occultation coupable s'ajoute une tonalité clairement préélectorale : l'exécutif, dont le bilan demeure fortement contrasté et parfois contesté dans ses effets concrets, semble désormais plus préoccupé par la construction d'un récit illusoire que par l'examen lucide de ses propres limites. La tournée casablancaise, présentée comme une consultation régionale, a ainsi pris les allures d'une opération de cadrage destinée à conduire, par petites touches successives, à une campagne qui ne dit pas encore son nom mais dont la mécanique argumentative se déploie déjà avec constance. Architecture discursive et amplification rhétorique Dans ce registre, Aziz Akhannouch, chef du gouvernement et président du RNI, a développé une argumentation où les proclamations d'efficacité tenaient lieu de démonstration. Il a assuré que «le gouvernement a réalisé des progrès substantiels dans plusieurs domaines, tout en reconnaissant que le chemin demeure long pour satisfaire pleinement les attentes des citoyens». Il a encore affirmé que «plus de quatre millions de ménages bénéficient d'une allocation mensuelle comprise entre 500 et 1200 dirhams», avant de revendiquer que «la couverture sanitaire unifiée aurait été généralisée à l'ensemble de la population, indépendamment du statut professionnel ou social». Ces annonces, présentées comme autant de gages de stabilité sociale, n'étaient accompagnées ni de données comparatives ni d'explications relatives à la robustesse budgétaire du dispositif. Dans la même logique, il a évoqué une croissance estimée à «3,8 % en 2024», avec une projection à «4,8 % en 2025», chiffres déclinés sans corrélation avec les disparités territoriales persistantes, l'effritement du tissu entrepreneurial ou les incertitudes environnementales (notamment la sécheresse structurelle) qui pèsent sur les prévisions. Le dirigeant a soutenu que «213 000 emplois auraient été créés dans des secteurs productifs», indication dont la rigueur méthodologique demeure difficile à apprécier faute de distinctions entre créations nettes, temporaires, saisonnières ou induites. Cadres institutionnels et légitimation par la transparence proclamée Le porte-parole du gouvernement, Mustapha Baitas, a poursuivi cette démarche de légitimation en insistant sur la transparence procédurale, affirmant que «le nouvel encadrement réglementaire des marchés publics, soumis au Parlement, renforcerait le caractère ouvert et démocratique du processus». Cette insistance sur la mise en ordre normative semble destinée à effacer les interrogations liées à la gouvernance contractuelle accumulée lors des mandatures précédentes. Il a affirmé que «les programmes sociaux auraient amélioré les conditions de vie d'un grand nombre de familles grâce à la couverture sanitaire, aux transferts financiers et à l'appui au logement», tout en annonçant que le projet de loi de finances pour 2026 témoignerait «d'une orientation résolue vers un Etat social fort». Le responsable a également mis en avant l'appui aux petites et moyennes entreprises, assurant que «le taux d'accompagnement pouvait atteindre 30 % de l'investissement». Il a ajouté que «le dispositif de formation professionnelle permettrait d'accueillir 100 000 apprenants par an jusqu'en 2026», sans examiner les difficultés d'absorption du marché du travail ni la faible correspondance entre compétences formées et postes réellement disponibles. Enfin, il a évoqué la reconfiguration urbaine de Casablanca-Settat, soulignant que «d'anciens dépotoirs auraient été transformés en espaces verts», citant notamment les «40 hectares de Médiouna reconvertis en parc». Ce récit urbanistique n'a toutefois laissé aucune place à l'analyse structurelle des déséquilibres territoriaux ni aux limites environnementales qui pèsent sur la région, alors que les témoignages alarmant se succèdent à ce sujet. Dans un discours devant les députés, le 10 octobre, le roi Mohammed VI avait mis en évidence deux des principales revendications de la GenZ – la création d'emplois et l'amélioration des services publics d'éducation et de santé, en sommant les ministres d'agir «avec une plus grande célérité» dans ces deux dossiers qui incarnent l'insuccès du quinquennat Akhannouch Depuis, le gouvernement présidé par le RNI s'est contenté de déclarations d'intention. En juillet, lors de la fête du Trône, le monarque avait déploré «un Maroc avançant à deux vitesses». C'est ce Maroc que le RNI feint de ne pas voir.