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El Habib Choubani, président de la commission Justice, Législation et Droits de l'Homme au Parlement : «Une loi qui va séparer le bon grain de l'ivraie»
La déclaration du patrimoine ne restera plus un sujet tabou, loi oblige. Le point avec un fin connaisseur de la question. Challenge Hebdo : la loi organique sur la déclaration du patrimoine concernant les parlementaires, les conseillers et les magistrats de la Cour suprême vient d'être adoptée. Quelles sont les garanties de son application ? El Habib Choubani : la nouvelle loi comporte plusieurs anomalies qui traduisent une faible volonté politique. La première est inhérente au fait que cette loi, contrairement à la première mouture du projet présenté en 1992, épargnait les ministres, les walis, et les hauts fonctionnaires. C'est un mauvais signal puisque ce sont les premiers responsables des fonds publics. La deuxième a trait, quant à elle, au délai non déterminé pour statuer sur les déclarations incomplètes ou erronées par le comité chargé du contrôle. Nous avons proposé, dans le cadre du groupe parlementaire péjédiste, une refonte visant à instaurer un délai maximum d'un an pour statuer sur ce genre d'infraction. C. H. : le Conseil constitutionnel avait émis quelques réserves qui ont été prises en compte. Lesquelles ? E. C. : après que le parlement a adopté cette loi, le Conseil constitutionnel a décelé quelques anomalies comme le fait de ne pas accorder au déclarant un délai pour se rattraper et rectifier les informations erronées ou compléter celles manquantes. Autre anomalie : au cas où un parlementaire s'obstinait à ne pas déclarer son patrimoine dans les délais, il était déchu. Le retard dans la déclaration à la fin du mandat était passible d'une amende de 3.000 DH. Les deux sanctions n'étaient pas équitables, d'après le Conseil constitutionnel. Cet article de loi a été corrigé par un autre qui stipule que le parlementaire ne pourra pas se porter candidat pour un nouveau mandat. C. H. : quelle procédure suivre ? E. C. : le parlementaire dispose d'un délai de trois mois à compter du jour de son investiture pour déposer sa déclaration. Tous les parlementaires du groupe PJD l'ont déjà fait selon une procédure ancienne, en attendant la publication du décret d'application. Si une anomalie est détectée, le président de cette entité renvoie le dossier au conseil constitutionnel qui le réétudie avec minutie. Suite à quoi, il informe le concerné de la nécessité de répondre aux remarques émises dans un délai d'un mois. Et s'il continue à ignorer l'avertissement du conseil, l'affaire sera portée devant la justice. Puis, c'est au conseil constitutionnel de faire exécuter la décision finale en ce qui concerne sa destitution. C. H. : qu'en est-il de la loi concernant les ministres et les hauts fonctionnaires ? E. C. : la deuxième chose qui menace la crédibilité de la loi adoptée est l'écartement des ministres et des hauts responsables civils et militaires. Le gouvernement avait promis qu'un Dahir spécial régissant la déclaration du patrimoine de cette catégorie de responsables verrait le jour en même temps que la publication au bulletin officiel des trois nouvelles lois organiques adoptées. Hormis le fait que légiférer par Dahir ne peut se faire qu'en l'absence de l'institution parlementaire, ou en cas d'état d'exception, je ne vois pas comment un gouvernement peut légiférer pour lui-même. Le groupe parlementaire du PJD a déposé une proposition de loi similaire concernant les ministres et les hauts responsables et nous l'avons même programmée pour la discussion au sein du parlement. Si le Dahir ne voit pas le jour dans un délai d'un mois, date de la publication des lois organiques, nous mettrons en avant notre projet de loi. C. H. : d'aucuns craignent que cette loi ne soit un instrument pour restreindre la liberté du parlementaire… E. C. : les parlementaires sont pointés du doigt par l'opinion publique pour avoir accumulé des richesses en usant de leur pouvoir. Cela est vrai en grande partie. Cette loi va placer les parlementaires dans une position confortable vis-à-vis des électeurs. Cela aura le mérite de séparer le bon grain de l'ivraie. Elle dissuadera beaucoup de gens de mauvaise foi de se présenter aux prochaines législatives.