Le compte à rebours a commencé. Les fonctionnaires s'affolement devant la dizaine de pages de leur déclaration de patrimoine. Les parlementaires, eux, faible niveau d'instruction de leur écrasante majorité oblige, ont dû bénéficier de plusieurs sessions de formation, gracieusement dispensées par leur groupe, pour mieux faire face à ce fastidieux exercice. Certains groupeq ont mobilisé leurs propres compétences, le PJD et le RNI entre autres, alors que d'autres ont dû faire recours à des compétences extérieures. Certains partis s'y sont même mis très tôt. C'est le cas du PAM qui avait décidé depuis le 21 avril dernier de s'atteler à la question. Le parti, qui dit faire un point d'honneur de «la transparence et la bonne gouvernance en matière de gestion des biens publics », voulait surtout donner l'exemple. Le montant minimal des avoirs à déclarer est fixé à 300.000 DH. En somme, les déclarations devraient déjà atterrir dans les bureaux du personnel des Cours des comptes et autres institutions habilitées à les recevoir. Le rush est attendu pour cette semaine. Le 14 mai a été fixé comme dernier délai pour le dépôt des dossiers de déclaration de patrimoine. Le législateur accorde néanmoins un sursis de 90 jours aux retardataires. Passé ce délai, place aux sanctions pénales. L'arsenal juridique cumulé, depuis 1992, soumet toutes les catégories de commis de l'Etat à cette obligation. Des fonctionnaires et cadres jusqu'au ministre, mais aussi les détenteurs d'un mandat électif. Concrètement, sont concernés les membres du gouvernement et leurs cabinets, députés des deux Chambres, magistrats, notamment ceux du Conseil constitutionnel, membres du Conseil supérieur de communication audiovisuelle, CSCE, membres de certains conseils élus locaux, certaines catégories de fonctionnaires et agents publics. Depuis 1992, date des premières ébauches de ce texte majeur, cette loi est restée lettre morte, faute de décrets d'application. A l'époque, les parlementaires, magistrats et ministres n'étaient pas concernés. Et ce n'est qu'au début de cette année, rappelons-le, que ces textes pivots ont été promulgués. Ceux-ci portent sur le fameux modèle de déclaration, dont chaque assujetti a reçu une copie et le montant minimal des avoirs à déclarer qui a été fixé à 300.000 DH. En effet, un décret promulgué en février dernier a fixé les formulaires type de déclaration, les récépissés de leur dépôt (dans des enveloppes scellées) auprès de la Cour des comptes et de l'instance dédiée, chargée de les recevoir et de les traiter. Outre les biens du concerné, un formulaire de déclaration complémentaire est également prévu pour recevoir le patrimoine inscrit au nom de ses enfants mineurs. Seul hic, «la déclaration ne prévoit pas les biens inscrits au nom du conjoint, ni des enfants majeurs de 18 ans. Ce qui en limite la portée», fait noter un militant pour la préservation et la protection des biens publics. N'empêche que, de l'avis des observateurs, «c'est déjà un début. La loi peut toujours être amendée». Bref, assure-t-on, «c'est surtout une question de volonté politique». En effet, et pour en arriver à ce stade, il aura fallu des années de bien de joutes sous la coupole du Parlement. Les députés se sont d'abord catégoriquement opposés à l'adoption d'une loi qui exclut les ministres. Le PJD s'était particulièrement distingué dans cette «bataille», à telle enseigne que son groupe, présidé par Mustapha Ramid, est même allé jusqu'à déposer au Parlement une proposition de loi soumettant les ministres à la déclaration du patrimoine. Ensuite, c'est aux conseillers de faire blocage au texte de loi. Ce dernier, finalement adopté, a été invalidé par le Conseil constitutionnel. Fin 2009, le Parlement a fini par adopter cette loi (quatre textes en fait) sur la déclaration du patrimoine dont l'application est aujourd'hui effective. Précisions Ce qu'il faut déclarer La procédure de déclaration et la nature du patrimoine à déclarer ont déjà été spécifiées dans les quatre textes de loi adoptés par le Parlement en fin de l'année dernière. Il s'agit de trois catégories de biens : mobilier, immobilier et en copropriété. En gros, il s'agit de fonds de commerce, dépôts à termes, comptes bancaires, actions ou obligations objets d'antiquité ou bijoux en possession de la personne assujettie ou ses enfants mineurs. La loi concerne également les biens que gère la personne assujettie au profit d'autrui ainsi que les revenus encaissés pendant l'année précédant son élection (parlementaires et autres élus). La déclaration du patrimoine intervient dans un délai de 90 jours suivant l'ouverture de la nouvelle législature ou après la proclamation de leur élection suite à des élections partielles. Le même délai est retenu pour la déclaration au terme de leur mandat. Pour rappel et en cas de non respect de la procédure, des sanctions ont été prévues. Un amendement a été apporté au Code pénal. Celui-ci sanctionne d'une amende de 3.000 à 15.000 DH le non-respect de l'obligation de déclaration du patrimoine.