Tous les projecteurs ont été mis sur Trump et sa guerre commerciale. Sauf que depuis un moment, la Chine, bien silencieuse, avance ses pions. Le patron d'Apple, dans une interview, a même appelé à prendre la Chine au sérieux, puisque selon lui, la puissance a changé. Ils sont passés d'usine du monde à un taux de compétence largement supérieur, ce qui est un atout stratégique en termes de « création de valeur ». Depuis le début de la guerre commerciale entre les Etats-Unis et la Chine, les tensions n'ont cessé de croître. En 2024, les Etats-Unis ont importé pour 439 milliards de dollars de biens chinois, tout en n'exportant que 143,5 milliards vers la Chine, creusant un déficit commercial de près de 295 milliards de dollars. « Pour tenter de réduire ce déséquilibre, l'administration Trump a imposé des droits de douane atteignant 145 % sur les produits chinois, les plus élevés depuis près d'un siècle. En réponse, Pékin a riposté avec des tarifs de 125 % sur les produits américains, exacerbant les tensions économiques entre les deux superpuissances », nous confie le professeur en commerce international Nabil Benboubrahim. Et il faut dire que malgré ces mesures à la Trump, la Chine, dans une forme de soft power, continue de renforcer sa position sur la scène mondiale. « Les actions des Etats-Unis ne sont pas conformes aux règles du commerce international, elles affectent gravement les droits et intérêts légitimes et légaux de la Chine, elles sont caractéristiques de la coercition », dénonce le ministère des Finances chinois. Après l'action de la riposte douanière, l'Empire du Milieu a annoncé la suspension immédiate des importations de volailles et de sorgho de six importants fournisseurs américains, « pour protéger la santé et la sécurité des consommateurs ». La Chine cible ainsi les agriculteurs américains qui ont soutenu l'élection du républicain. Ces dernières années, elle a déjà réduit ses achats de produits agricoles des Etats-Unis pour se tourner davantage vers des pays émergents jugés plus amicaux, au premier rang desquels le Brésil. « Aujourd'hui, la Chine a multiplié les actions pour aller vers d'autres marchés afin de contourner celui des Etats-Unis », explique l'expert. Lire aussi | La Chine et les Etats-Unis à couteaux tirés sur les droits de douane Par ailleurs, il faut noter que depuis des décennies, la Chine a changé de logiciel. Le pays ne se contente plus d'être l'usine du monde ; il investit massivement dans des secteurs stratégiques tels que les technologies de pointe, les véhicules électriques et les énergies renouvelables. Cette montée en puissance inquiète de nombreux dirigeants occidentaux. Tim Cook, PDG d'Apple, a récemment souligné l'importance de la Chine dans la chaîne d'approvisionnement mondiale, mettant en avant la compétence et la rapidité d'exécution des ingénieurs chinois. Cette transformation silencieuse mais déterminée de la Chine en une puissance technologique majeure interpelle plus d'un. Dans une tribune sur son blog, le célèbre sociologue américain Noam Chomsky appelait à une forme de collaboration stratégique avec Pékin pour préserver la paix mondiale. Ce dernier démontrait les limites de cette politique des Etats-Unis pour contenir la force chinoise. Made in China 2025 La stratégie de la Chine repose sur une montée en gamme de son économie. Le pays, au travers de son plan « Made in China 2025 », vise à faire du pays un leader dans des secteurs clés tels que l'intelligence artificielle, la robotique et les biotechnologies. Les investissements massifs dans la recherche et le développement, ainsi que dans l'éducation, ont permis à la Chine de former une main-d'œuvre hautement qualifiée. Par exemple, Apple fabrique environ 90 % de ses iPhones en Chine, en grande partie grâce à l'expertise locale en ingénierie et en fabrication. En parallèle, la Chine a renforcé sa position dans des domaines stratégiques tels que les terres rares, essentielles pour la fabrication de nombreux produits technologiques. Le pays contrôle environ 90 % de la production mondiale de ces matériaux. En réponse aux tarifs américains, Pékin a restreint ses exportations de terres rares, mettant en évidence sa capacité à utiliser ses ressources naturelles comme levier géopolitique. Lire aussi | Les surtaxes américaines entrent en vigueur, plus de 100% pour la Chine Cette approche stratégique contraste avec celle des Etats-Unis, qui semblent réagir de manière plus impulsive aux actions de la Chine. Les hausses tarifaires successives ont eu des répercussions sur les consommateurs américains, avec une augmentation significative des prix de nombreux produits électroniques. De plus, les entreprises américaines dépendent fortement des chaînes d'approvisionnement chinoises. « Il faut être flexible », lançait le président américain après un petit marche arrière au sujet de ces décisions dans le dossier de la guerre commerciale et surtout les conséquences directes sur son économie. « Je ne pensais pas que l'impact serait si fort », a ironisé Donald Trump. « La Chine n'a pas croisé les bras. Le président chinois, dans les pays d'Asie du Sud-Est, est de sorte à faire front commun. On peut donc comprendre la situation et voir que ce pays résiste. Il faut reconnaître que l'idée de la Chine comme pays des bas salaires est révolue. Aujourd'hui, c'est un pays d'excellence sur la scène internationale et qui a pu faire connaître son offre dans le monde », alerte l'économiste Driss Aissaoui. Aujourd'hui, la Chine s'affirme comme un adversaire économique redoutable. Sa stratégie à long terme, axée sur l'innovation, la montée en gamme industrielle et l'utilisation stratégique de ses ressources, lui confère un avantage certain. « Ce qui se joue entre Pékin et Washington va bien au-delà de l'économie. Le conflit commercial est le dernier épisode du duel du siècle : la Chine et les Etats-Unis s'affrontent pour la prééminence mondiale. Protectionniste depuis les années 1980, Trump croit dans la force renouvelée d'une Amérique qui vivrait en quasi-autarcie – à tout le moins dotée d'un appareil de production à la mesure de sa soif de consommation. La puissance est dans l'autonomie. En revanche, Xi compte sur la mondialisation pour assurer la domination de la Chine. Le pays s'est doté d'une industrie manufacturière monstrueuse dont l'ambition, dans certains secteurs, est de conquérir la plus grosse part du marché mondial. La prépondérance par la grâce du libre-échange », prévient l'éditorialiste Alain Frachon dans une tribune sur le journal Le Monde.