La loi de finances 2020 portait l'espoir des pouvoirs publics pour marquer une rupture avec le passé et l'instauration d'un climat de confiance. L'impact négatif du COVID-19 sur les finances publiques devrait les pousser à faire machine arrière. Seulement, l'Exécutif préfère agir par décret que recourir à une loi de finances rectificative. Et pourtant on y comptait beaucoup Lorsqu'il faisait son entrée, la loi de Finances 2020 est un vrai chef d'œuvre. Elle regorge d'idées neuves et brillantes, elle escomptait la rupture avec le passé et l'instauration d'un climat de confiance. L'éruption du Coronavirus, vraie lame de fond, a tué l'espoir dans l'œuf. Les hommes d'art qui ont dessiné cette toile ont vu leurs espérances tomber en feuilles mortes. Refusant de se séparer de leur création, ce qui est très humain et compréhensible, les concepteurs sont prêts à la maintenir en réanimation sous respirateur, pour la ressusciter, une fois l'état d'urgence sanitaire levé. Ils ne sont donc pas prêts à reprendre en sous œuvre cette Loi de Finances. Douloureuse fin d'un rêve L'article 1er de la Loi n°130-13 relatif à la Loi de Finances stipule que : « La Loi de Finances détermine, pour chaque année budgétaire, le montant et l'affectation des ressources et des charges de L'Etat, ainsi que l'équilibre budgétaire et financier qui résulte. Il tient compte de la conjoncture économique et sociale qui prévaut au moment de sa préparation, ainsi que des objectifs et des résultats qu'ils déterminent ». La sécheresse et ensuite le Covid-19 ont battu par KO toutes les hypothèses constituant les fondements de la LF2020. Ainsi la LF 2020 tablait sur une production céréalière de 70 MQX alors que la production attendue selon les experts agricoles ne peut excéder dans les meilleurs cas 40 MQX. Le cours moyen du pétrole prévu était de 67 dollars, alors que le cours actuel oscille autour de 30 dollars. Le prix du gaz butane prévu était de 350 dollars la tonne alors que le cours actuel tend vers 180 $/T. En outre l'objectif du taux de croissance économique arrêté à 3,7% relève sous les temps qui courent de la pure fiction. Même le taux de croissance de 2,3% avancé par Bank Al-Maghrib en 2020 semble utopique. Sincérité bafouée Le Covid-19, par son activité virale, qui agit comme un cheval de Troie, a endommagé plusieurs secteurs et affaibli d'autres. Il a accentué le chômage et amarré le commerce extérieur. Il en découlera nul doute un effondrement des recettes fiscales de 2020 estimé à 233 Mds de DH. La question : comment envisager qu'une construction reste dressée alors que ses fondements se sont écroulés les uns après les autres comme un château de sable. Il ne reste donc de la Loi de Finances 2020 que des ruines. Au-dessus le marché, l'article 10 de la Loi 130-13 précise que : « Les lois de finances présentent de façon sincère l'ensemble des ressources et des charges de L'Etat, la sincérité des ressources s'apprécient compte tenu des informations disponibles au moment de leur établissement et des prévisions qui peuvent en découler ». Le principe de sincérité budgétaire implique l'exhaustivité, la cohérence et l'exactitude des informations financières communiquées par l'Etat. La sincérité des informations de la Loi de Finances 2020 n'est plus d'actualité sous le dictat du Covid-19. Ainsi la réalisation des recettes prévues frôle l'irréel et devient alors surestimée. Ce qui rompt avec le principe de sincérité. Il est de coutume de dégager des écarts entre les prévisions et les réalisations, d'où l'intérêt des lois de règlement, seulement l'écart doit relever de l'acceptable et ne pas être béant. Une LF qui ne maintient pas sa sincérité au bout de moins de trois mois d'exécution, mérité abolition. Pas de précipitation dans l'urgence Tellement les pouvoirs publics tiennent à cette Loi de Finances qu'ils ont créé un Fonds de lutte contre la pandémie aux fins de gérer la crise de l'extérieur de cette Loi de Finances. Seulement, en dotant ce fonds de 10 Mds de DH du budget général de l'Etat et l'admission de la déductibilité fiscale des dons effectués au profit dudit fonds touchent dans le fond l'intangibilité des éléments de la LF. En outre, il court que les dépenses subiront une coupe et l'endettement sera déplafonné. Tous ces changements, les pouvoirs publics comptent les opérer par décret et ce en contravention avec les dispositions de l'article 4 de la Loi 130-13 qui stipule que : « Seules des Lois de Finances rectificatives peuvent en cours d'année modifier les dispositions de la LF de l'année. Si l'urgence oblige les pouvoirs publics à légiférer par décret, il importe de signaler qu'au terme de l'article 51 de ladite loi 130-13, les projets de Loi de Finances rectificative sont votés par le Parlement dans un délai n'excédant pas 15 jours. En outre, la Chambre constitutionnelle pourrait la traiter en urgence dans un délai n'excédant pas 8 jours. Hiérarchie des lois Il est légitime de se poser la question si l'article V du décret n°292-20-2 se rapportant à l'état d'urgence sanitaire pourra faire obstacle aux dispositions du Dahir n° 1-15-62 portant promulgation de la Loi organique n°130-13 relative à la Loi de Finances.