Les délais fixés il y a cinq semaines par le Chef du gouvernement, Abdelilah Benkirane, pour organiser les élections communales, régionales, professionnelles ainsi que la 2ème Chambre ne semblent pas réunir le consensus nécessaire, notamment des partis politiques qui contestent la date de juin 2015. D'aucuns redoutent que le PJD ne les précipite dans une bataille dont il semble avoir déjà gagné les premiers jalons. On a coutume de dire que la démocratie est un combat et l'alternance est son poumon ! Celle qui a modifié le visage du Maroc en novembre 2011, avec l'arrivée au pourvoir du PJD, a été réalisée sur la base d'un succès électoral obtenu lors du scrutin de novembre 2011 où, d'un pronostic alarmant à une proclamation vertueuse sur le parti islamique de Benkirane, on annonçait déjà à grands renforts la victoire de ce dernier. Sauf que la victoire du PJD n'a pas constitué le raz-de-marée annoncé, mais se réduisait à une maigre arithmétique. Il n'en fallait pas plus, en revanche, pour que les dirigeants de ce parti, qui vient au pouvoir pour la première fois de l'histoire du Maroc, se sentent comme les nouveaux conquérants et se lancent dans des diatribes sur la gestion de leurs prédécesseurs. D'aucuns avaient fait de l'exercice de délation leur sport préféré, accompagné de déclarations présomptueuses de «purification», d'assainissement et de moralisation. Malgré l'existence d'une coalition de quatre partis (PJD, Istiqlal, MP et PPS) dans le premier gouvernement Benkirane, la volonté d'imposer leur vision inclinait les membres du parti principal à une sorte d'arrogance non feinte. Or, la réalité n'en démordra pas de leur rappeler quelques mois après que «gouverner» c'est être responsable... Le Maroc a tourné une petite page de son histoire qui a duré vingt-deux mois à peu près, et constitué de ce fait une infime parenthèse où s'est vérifié le principe cardinal de la politique : la part d'échec programmée ! Le remaniement qui suivra le 11 octobre 2013 n'était pas seulement affaire de changement d'hommes ou d'équipes, mais surtout de cap. C'est-à-dire de politique, de méthode et d'objectifs. L'emprise de la réalité politique, économique, sociale et psychologique a dicté son poids et ses critères à l'alternance deuxième version ! Gouvernement bis ou pas, c'est à cette aune qu'il convient de se placer ! Le PJD est comme on le sait le parti gagnant aux élections de novembre 2011, élections législatives s'entend, qui lui assure les faveurs du jeu politique et la protection constitutionnelle. Or, cette victoire législative n'est que la passerelle pour le pouvoir exécutif, celui de légiférer et de changer le cas échéant le visage du pays. Celui également d'assurer la mainmise sur certains ministères potentiels et, en même temps, sur d'autres plus sensibles comme les affaires sociales. Or, encore, la conquête de la Chambre des représentants, surtout avec une courte majorité, n'assure pas la victoire complète et indéfinie. Le PJD voit loin, à long terme, mais calcule et définit sa stratégie et adapte sa doctrine de conquête à court et moyen terme. Il lui faut pérenniser son assise par la base et dans la base. Il lui faut enraciner ses assises locales, à travers un maillage dont il prépare la configuration depuis des lustres. Savourant leur victoire au soir du vendredi 25 novembre 2011, ses dirigeants n'avaient qu'un calcul en tête : comment gagner les prochaines échéances, en l'occurrence les communales et, à terme, les législatives de 2017? Comment peaufiner encore mieux un calendrier favorable au PJD qui surfe sur sa victoire de 2011 et séduit l'électorat encore sous le charme ? Les responsables du PJD ne se contentent pas d'enregistrer leur popularité jusque-là inentamée, ne se complaisent pas non plus dans le triomphalisme, ni redoutent une quelconque mise en cause de leur emprise. L'objectif qu'ils se fixent entre autres, est de gagner tour à tour les élections communales prévues désormais en juin 2015, et dans la foulée, les législatives prévues quant à elles en 2017. Non content de bénéficier de la sympathie d'une partie du peuple marocain qu'il capitalise, confronté évidemment à une série de critiques de plus en plus nombreuses et virulentes, notamment après les hausses de prix auxquelles il est associé, le PJD tire des plans sur la comète. Il souhaite aller plus vite que prévu et précipiter le calendrier des échéances électorales tant qu'il bénéficie d'une aura et que sa capacité d'emporter l'adhésion des électeurs est intacte. Dans le contexte politique actuel, gouvernement, partis politiques différents dans leur quasi-totalité, et autres composantes sont dans l'expectative. Quand bien même le ministère de l'Intérieur, qui représente la dimension tutélaire et organise les élections, présenterait le projet de révision exceptionnelle des listes électorales et un calendrier, le doute au sein des partis n'en demeure pas moins vif. «Les délais proposés par le Chef du gouvernement le 27 mai dernier sont jugés insuffisants», affirment certains qui soulèvent en même temps la question du découpage électoral, du mode de scrutin du seuil électoral légal. Une refonte de la charte communale de 1976 qui est une sorte de cadeau faite en son époque aux partis, n'est-elle pas nécessaire pour transcender les blocages de toutes sortes, institutionnels notamment, et rendre ses prérogatives à l'Etat ? Force est de souligner que l'échéancier municipal proposé en juin 2015, outre les communes, devrait intéresser aussi dans la foulée le sort des régions ! Or, à force d'attendre, la Région est devenue le colifichet à tous les débats «kafkaïns», alors que le discours royal lançant la régionalisation en janvier 2010 retentit encore dans nos oreilles mais demeure ignoré et qu'une Commission «ad hoc», présidée par Omar Azziman, est reléguée apparemment au second plan ! Il convient de souligner que la date annoncée par le Chef de gouvernement ne semble guère agréer tout le monde et certains y voient comme un «coup fourré», destiné surtout à fourvoyer et les partis et l'opinion publique. Car, comme nous l'a affirmé le représentant d'un parti de l'opposition, «il se mijote quelque chose d'anormal dans la marmite et toutes les déclarations parallèles des membres du PJD sont faites pour nous leurrer et nous bercer» !