La dernière enquête sur l'évolution des taux débiteurs au titre du quatrième trimestre 2014 montre que ceux-ci ont stagné, en dépit de la double baisse consécutive du taux directeur par Bank Al-Maghrib (2,75% puis 2,5%). Les banques assurent pourtant que la tendance vers une baisse des taux des crédits est enclenchée. Explications. Abdellatif Jouahri, Wali de Bank Al-Maghrib (BAM), avait prévenu à l'occasion de la deuxième baisse du taux directeur en décembre 2014: «La transmission des décisions de politique monétaire des banques centrales n'est pas chose aisée». Pourtant, son volontarisme pour que cette décision «historique» ne reste pas lettre morte laissait penser que les banques allaient finir par répercuter la baisse du taux directeur sur les taux des crédits distribués. Le Wali de la Banque centrale a programmé plusieurs réunions avec le GPBM pour fluidifier la transmission de la politique monétaire, et faciliter sa répercussion sur le crédit. «Nous allons suivre cela de très près pour savoir si les choses se concrétisent ou non à travers la prochaine enquête sur les taux débiteurs courant février», disait-il alors. Nous y sommes. Et les chiffres publiés par BAM confortent le ressenti général de monsieur tout le monde : les taux n'ont pas baissé, ou du moins pas encore. La dernière enquête sur l'évolution des taux débiteurs montre, en effet, qu'entre le troisième et le quatrième trimestre 2014, les taux débiteurs dans leur globalité n'ont pas bougé d'un iota, stagnant à 6,03%. Dans le détail, et sur la même période d'observation, les taux débiteurs pour les crédits de trésorerie et les crédits immobiliers ont même légèrement augmenté, passant respectivement de 5,97% à 6,8% et de 5,94% à 6,05%. En revanche, les taux débiteurs des crédits à l'équipement et ceux des crédits à la consommation ont baissé, passant respectivement de 6,01% à 5,42% et de 7,37% à 7,17%. La tendance est là Comment dès lors expliquer ces chiffres ? Si BAM n'a pas souhaité pour le moment les commenter, les banquiers se montrent heureusement un peu plus diserts. C'est le cas notamment de Ahmed Rahhou, PDG de CIH Bank, qui assure «que la tendance est enclenchée, même si cela peut surprendre les gens de ne pas en voir les conséquences immédiates dans leur quotidien». Il explique que «le taux directeur de BAM est un taux du marché monétaire qui traite les opérations de très courtes durées pour couvrir les besoins de trésorerie. Ce n'est pas un indicateur qui va impacter de manière immédiate les crédits longue durée, comme le crédit immobilier». On pourrait ajouter à cette analyse une autre donnée avancée par différents économistes, dont le professeur Mohamed Akaaboune dans ces mêmes colonnes, qui relève que le maintien des taux débiteurs s'explique par le fait que le refinancement auprès du marché interbancaire ne couvre qu'une infime partie des besoins de liquidités des banques. Il faut donc beaucoup plus de temps pour évaluer l'impact d'une baisse du taux directeur. Toujours est-il que selon A. Rahhou, «la tendance est là, avec certes un effet de retard évident. Les crédits court terme commencent déjà à connaître une répercussion, mais ce n'est pas encore le cas des crédits long terme pour qui la répercussion est plus longue. La tendance est là, elle est déjà répercuté sur plusieurs dossiers, et à mon sens elle va continuer et se répercuter progressivement» assure-t-il. D'autres responsables de banques assurent que la baisse des taux a déjà été anticipée lors des trimestres précédents. C'est le cas notamment à Attijariwafa Bank qui assure également que la «baisse des taux débiteurs est réelle, et que la concurrence entre les banques est vive et ouverte». Mohamed El Kettani, patron d'AWB, affirme «ne pas avoir attendu la baisse des taux de BAM pour baisser les taux de nos crédits. La baisse est même parfois brutale chez un certain nombre de nos clients». La baisse est donc segmentée et différenciée.