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Entretien : «L’avancée n’est peut-être qu’un pas de tango»
Publié dans Finances news le 29 - 07 - 2009

- Si Mohammed VI n’est pas un tyran impitoyable et cynique ; ce n’est pas une raison pour renoncer à la condition sine qua non d’avoir une Constitution qui limiterait son pouvoir...
- Sur le plan légal, le Code de la famille est une grande avancée, mais il restera ce que l’on appelle une fiction-law.
- Le principe de l’économie marocaine est «tout côté jardin, rien côté cour».
- Sur le plan de l’enseignement, le Maroc serait en chute libre.
- Nadia Yassine fait son analyse des 10 ans de règne du Roi ... et sans langue de bois !
- Finances news Hebdo : Quelle relation entretient le mouvement d’Al Adl Wal Ihsane avec le Roi Mohammed VI, comparativement à son père ?
- Nadia Yassine : Pour répondre à votre question, il est impératif d’abord de comprendre que le projet «Justice et Spiritualité» porte sur plusieurs dimensions. Si la dimension spirituelle est au centre du projet, celle-ci ne serait que la reproduction du modèle traditionnel de Zaouia si elle n’est pas conjuguée avec deux autres dimensions essentielles : la dimension théorique et celle de l’implication sociale, forcément politique dans notre contexte national. Dans le cadre d’une approche autocritique de notre histoire musulmane, nous stigmatisons la monarchie héréditaire comme étant incompatible avec les sources scripturaires. Les personnes qui se relaient dans le cadre de cette institution ne nous intéressent pas forcément. Nous ne menons pas un combat contre tel roi ou tel autre; nous luttons pour une autre façon d’appréhender le pouvoir et pour la liberté d’expression qui, elle, fait partie de notre histoire occultée. Notre implication politique prouve très bien notre réalisme et notre pondération puisque nous sommes pour la non-violence et ne rejetons pas la participation au jeu politique. Mais nos conditions sont sans appel. Si Mohammed VI n’est pas un tyran impitoyable et cynique, ce n’est pas une raison pour renoncer à la condition sine qua non d’avoir une Constitution qui limiterait son pouvoir et en donnerait réellement au législatif et au juridique car «le pouvoir doit arrêter le pouvoir», selon l’assertion de Montesquieu dans l’esprit des lois. Si ce n’est pas le cas, «le pouvoir tend à corrompre. Et le pouvoir absolu corrompt absolument» suivant la célèbre citation de lord Acton.
- F. N. H. : Dans votre «lettre ouverte à qui de Droit », datant du 2 juillet 2007, vous dites ne pas savoir à quel saint vous vouer tellement vous ne saviez plus qui gouvernait le pays. Pensez-vous que le pouvoir ne soit pas uniquement aux mains du Roi ?
- N. Y. : La lettre est un pamphlet contre les pratiques policières et non pas un traité de science politique. Selon la définition de Philippe Tesson, «le pamphlet est un genre ingrat, c’est le chardon de la littérature qui ne pousse que sur les terres déshéritées». Je dirais plutôt que le Pouvoir est bien le monopole du Roi selon la Constitution. C’est dans la délégation de ce pouvoir qu’il subit une dispersion confinant à la contradiction, voire à l’éparpillement. Il est de notoriété publique que Mohammed VI n’est pas une bête politique.
- F. N. H. : Est-il possible d’établir un lien entre le Roi et le Makhzen?
- N. Y. : Le Makhzen est un long mûrissement typiquement marocain de l’histoire du Pouvoir en terre d’Islam. C’est la conjugaison d’une attitude de dévotion envers les descendants du Prophète, la monopolisation de la richesse par les tribus ou les classes les plus proches du pouvoir et bien sûr la force militaire. La colonisation assoira encore plus ce schéma en donnant une légitimité symbolique de plus au monarque et, surtout, en «pacifiant les bled Siba» et en homogénéisant l’administration et la bureaucratie. Le Roi est donc le pilier du Makhzen formé par trois cercles :
- les amis du Roi;
- une élite politique traditionnelle fortunée influente;
- l’armée.
- F. N. H. : Sur le plan social, le Roi a tranché sur le dossier du code de la famille auquel votre formation politique a été particulièrement hostile. Au jour d’aujourd’hui, pensez-vous que le code ait été appliqué conformément à ce que le Roi voulait en faire : un garant de l’équité homme-femme ?
- N. Y. : Je crois que la marche de l’an 2000 a induit en erreur pas mal d’observateurs. C’était peut-être une grosse maladresse de notre part parce que nous n’avons pas tenu compte de deux choses :
1) la superficialité qui caractérise la couverture médiatique des faits. Ce n’est pas une insulte que je fais aux médias de masse, mais un fait tout à fait compréhensible quand on sait que nos revendications tenaient d’un registre complexe qui intéresserait plus le champ de l’analyse sociopolitique que les manchettes journalistiques. Le sensationnel qui tient à ce genre a fait de nous les épouvantails de l’heure;
2) le fait que certaines mouvances présentes sur le terrain avaient plus le souci de l’échéance électorale que le rejet tiers-mondiste de l’agression culturelle au nom de nos valeurs islamiques. Ils firent de la Moudawana leur cheval de bataille. Ce qui n’était pas du tout notre cas.
Notre marche ne s’est jamais faite contre le changement de la Moudawana. Des observateurs avertis ont même avancé que si le pouvoir n’avait pas eu la certitude de cet état de fait, il ne se serait pas aventuré à la changer. Le pouvoir nous connaissant plus que tout autre observateur, savait pertinemment que nous sommes au contraire pour un changement très osé dans ce domaine. Ce que nous contestions dans cette marche était le principe de l’immixtion néocoloniale des politiques internationales dans des domaines aussi réservés que la culture (comme la reproduction des femmes par exemple). Je crois que l’on a oublié que la Moudawana n’était pas le sujet du plan mais juste un détail. Si ce détail sur lequel le plan d’intégration est resté très prudent (d’ailleurs il comportait des propositions très recevables), il n’en restait pas moins qu’il faisait partie d’un tout des plus agressifs pour notre identité et surtout pour notre intelligence. Je rappelle par exemple, en passant, le chapitre intitulé «la santé reproductrice de la femme». J’estime ce chapitre comme étant l’expression d’un eugénisme de domination inadmissible. Nos utérus nous appartiennent; pas à la Banque mondiale. Donc, pour répondre à votre question de façon plus directe, j’estime que la Moudawana était un triste amalgame entre un fiqh désuet et le code Napoléon. Sur le plan légal, le code de la famille est une grande avancée, mais il restera ce que l’on appelle une fiction-law dans la mesure où il nécessite la création de tout un service social complexe, un enseignement approprié, mais aussi une manne financière sérieuse. Le seul grand bon point que je donnerais à ce code, c’est qu’il a prouvé que le patrimoine juridique islamique est beaucoup plus riche que ce que l’on faisait croire, puisque les changements, bien que minimes ont été faits au sein de notre culture. Il a prouvé que l’oppression des femmes n’est pas le fruit de l’Islam mais bien le fruit des pouvoirs. C’est exactement ce que nous défendons.
- F. N. H. : Après dix ans, pensez-vous que le pays avance vers une équité sociale et économique ?
- N. Y. : Je fréquente trop les milieux populaires puisque j’en fais partie pour ne pas me laisser subjuguer par les poussées de fièvre urbanistique qui donnent l’impression que le Maroc avance. C’est ce que j’appelle dans mon jargon personnel le «syndrome de Settat». Tout côté jardin, rien côté cour. C’est le principe de l’économie marocaine. Une toute petite élite est de plus en plus riche. La majorité ne sait pas de quoi sera fait le lendemain surtout en ces temps de crise, de privatisation et de mondialisation. Et enfin la masse, elle, vogue de la précarité à l’indigence cultivant un terreau très fertile pour toutes les déviations possibles et imaginables. De la drogue à l’engagement kamikaze, en passant par des délits de toutes sortes et l’émigration clandestine ; voilà de quoi est fait le rêve de la jeunesse marocaine quand on ne l’abrutit pas de nayda pas nayda du tout. Je n’aime pas citer de chiffres, car les chiffres mentent toujours comme dirait Viviane Forester. La souffrance d’un peuple ne se mesure pas avec des chiffres, mais le taux d’analphabétisme suffit à lui seul pour que l’évaluation soit des plus tristes. La qualité de l’enseignement est une catastrophe nationale. Je n’ai pas besoin de chiffres. Mon père était pédagogue, mon mari est enseignant, mes enfants étaient à l’école publique, mes petits enfants sont scolarisés et moi aussi j’ai enseigné. Je me rappellerai toujours du procès de mon père en 1980. Ce père qui, en tant que haut fonctionnaire du ministère de l’Enseignement, a proposé la méthode Montessori dans un mémoire datant de 1963. Lorsque le juge lui demanda son dernier mot lors du procès, il dit : «Je pleure sur l’Enseignement marocain». Je pleure aussi sur cet enseignement et sur le génocide culturel que vit la jeunesse marocaine. Je focalise sur le domaine de l’éducation parce que là est le véritable paramètre de développement. La chute est libre et plus évidente encore depuis dix ans dans ce domaine vital. Peu m’importe l’urbanisation et l’économie de prestige et les soi-disant 5% de la croissance du PIB qui «rendrait jaloux plus d’une puissance occidentale», selon une très promakhzenienne agence de presse. J’ai d’autres rêves pour mes petits enfants que l’offshoring, le tourisme douteux ou le traitement des déchets de tout genre.
- F. N. H. : Globalement, quel bilan faites-vous des 10 années de règne du Roi Mohammed VI ?
- N. Y. : Je crois que c’est une lapalissade après ce que je viens de vous avancer si je vous dis qu’il est négatif. Je suis vraiment très mal placée pour vous certifier le contraire. La jeune et courageuse Zahra de Marrakech est certainement du même avais et beaucoup d’autres qui n’ont même plus le droit d’aimer une équipe de foot ou de s’amuser sur le net, puisqu’il n’y a rien à faire lorsque les concerts d’été sont terminés. Les douze militants du mouvement qui sortent cette année après vingt ans de réclusion pour de fausses accusations ne le trouvent pas non plus très positif. Ceux qui ne chantent pas le refrain «Goulou l3am zine» en privé sont certainement très nombreux, mais il faut faire la langue de bois parce que les années de plomb ne sont peut-être que masquées, et surtout parce que cela pourrait être pire. On ne peut pas avancer avec de tels handicaps et une mentalité du moindre mal. Non, l’avancée n’est peut-être qu’un pas de tango, surtout dans un contexte international du tout sécuritaire. Les lois antiterroristes sont un bon tremplin pour cette fâcheuse tendance. La corruption est encore là; les abus de pouvoir sont encore là; les élections sont le baromètre de notre démocratie de cinéma, la feuille de vigne en moins… Désolée, je ne vois pas d’avancée. J’aurais bien aimé en voir, croyez- moi ! C’est très éprouvant d’être pessimiste, vous savez !
* F. N. H. : Finalement, peut-on dire qu’avec Mohammed VI, c’est une nouvelle ère qui commence ou bien est-ce juste un slogan ?
* N. Y. : C’est une nouvelle ère qui recommence …l’ancienne de façon très pernicieuse.


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