Le président tunisien Kais Saied a été embarqué dans la rivalité entre Alger et Rabat en pensant gagner grâce à « l'influence croissante d'Alger » et à cause de la « crise économique apparemment sans fin » dans son pays. C'est le constat livré par le magazine américain Foreign Policy. Pour la publication, malgré cette récente influence, l'Algérie a peu de chances de créer une différence dans le dossier du Sahara. Dans une analyse de la situation au Maghreb, des suites de l'accueil controversé réservé par le président tunisien au chef de la milice séparatiste du polisario, Brahim Ghali, le magazine revient sur les éléments déterminants ayant fait courber l'échine au chef d'Etat tunisien face à l'Algérie. Le magazine indique d'emblée qu'il existe actuellement des indications sur la montée en puissance de l'étoile algérienne qui se fait « parallèlement à la demande européenne pour son gaz naturel », estimant que c'est la raison principale qui influe en ce moment sur les équilibres en Afrique du Nord. Dans une déclaration au magazine américain, Raouf Farrah, analyste senior chez Global Initiative, a affirmé que « la guerre en Ukraine et ses impacts sur l'Europe en termes d'approvisionnement en gaz repositionnent l'Algérie comme un acteur important en Méditerranée occidentale ». « Avec la flambée des prix du gaz en Europe, l'Algérie, troisième fournisseur européen de gaz (après la Russie et la Norvège) et principal bailleur de fonds du Front Polisario, connaît également une renaissance diplomatique », indique la revue qui soutient que cette renaissance ne s'est faite qu'à cause de la crise en Ukraine. « Les politiciens européens et les éminences régionales connaissent tous un regain d'intérêt pour Alger, dont le tunisien Saied », écrit le journaliste basé à Tunis qui voit qu'en dépit du fait que le « but ultime de Saied reste un sujet de spéculation (...) l'influence croissante d'Alger était probablement prédominante dans les pensées de Saied ». L'accueil présidentiel réservé par la Tunisie au chef d'une milice qui déstabilise la région et sème la terreur, pour une conférence internationale à laquelle il n'était pourtant pas invité, s'est fait en connaissance de la crise diplomatique majeure déclenchée à la suite de l'accueil illégal et en cachette de la même personne en Espagne. Malgré tout, Kais Saied a dû s'exécuter face aux ordres de l'Algérie au détriment de la neutralité observée par Tunis tout au long du film de la rivalité entre Alger et Rabat au sujet du Sahara marocain. « Pendant des décennies, la Tunisie a observé, en maintenant sa position neutre alors que les deux parties luttaient pour la domination. Cependant, en semblant avoir invité unilatéralement Brahim Ghali (...) cette neutralité est remise en question », a affirmé l'auteur de l'article. Et d'ajouter qu'en plus, pour de nombreux observateurs, l'invitation a confirmé ce que beaucoup soupçonnaient « que la Tunisie se rapproche de plus en plus de l'Algérie, potentiellement au détriment de ses liens historiquement étroits avec le Maroc ». L'Algérie a travaillé depuis l'élection de Kais Saied, un novice en politique, pour mettre la Tunisie dans une position de servitude. En acceptant ses aides intéressées, la Tunisie s'est rendue redevable à l'Algérie malgré elle, en épousant des théories en lesquelles elle ne croit pas et qui ruinent ses relations historiques avec le Maroc. Le Roi Mohammed VI avait pourtant prononcé un discours clair qui mettait la souveraineté du Maroc à travers la question du Sahara au sommet de la politique étrangère du Royaume, quelques jours avant la tenue de la conférence de la Ticad, où s'est produite la brouille diplomatique. Mais « l'Algérie s'avérant un fournisseur d'énergie clé pendant la crise économique apparemment sans fin de la Tunisie tout en apportant un soutien vocal à la légitimité du président » tunisien, remise en cause depuis le tournant autoritaire et anti-démocratique opéré en juillet dernier, a pesé dans les calculs à court termes de Kais Saied. « Tunis dépend également de l'Algérie pour son propre gaz, l'achetant à un prix réduit, ainsi que des revenus pour le transport du gaz algérien sur son territoire, à destination de la Sicile puis du reste de l'Europe », note le magazine américain spécialisé en politique étrangère. D'ailleurs la main d'Alger en Tunisie, chiffrée en un prêt de 400 millions de dollars, s'est également faite ressentir sur le secteur touristique. L'Algérie avait fermé ses frontières avec Tunis en raison de la pandémie du covid-19, mais ne les a rouvertes que tardivement, en juillet, en pleine saison touristique pour la Tunisie. Cette réouverture qui s'est déroulée à la suite de la visite du président algérien Abdemadjid Tebbone en Tunisie, a permis « aux familles algériennes de voyager en Tunisie et de soutenir l'industrie touristique malheureuse du pays », a indiqué Foreign Policy. Pour autant, le magazine américain ne croit pas que cette montée de l'influence régionale de l'Algérie s'inscrira dans la durée, si elle ne se fait que sur la détresse de son voisin ou des demandes limitées dans le temps des clients européens en hydrocarbures. « L'influence de l'Algérie a peut-être été renforcée pour le moment, la différence que cela fera (...) reste incertaine », indique le magazine ne pariant pas que cette situation mettant l'Algérie dans une position de force puisse avoir un impact ou créer la différence.