C'est une affaire qui remonte au décès d'un des géants du capitalisme marocain post-indépendance, Moulay Messaoud Agouzzal. Cet homme d'affaires fier et investi a laissé à son décès en 2019, une fortune à ses enfants, dont seuls les garçons auraient bénéficié au détriment des filles, selon les dires de ces dernières. Depuis, les filles de Moulay Messaoud Agouzzal mènent un combat sans relâche contre leurs puissants frères qui se seraient « emparés de la fortune de leur père et des sociétés, privant ainsi leurs sœurs de leur héritage légitime ». Malgré le dépôt d'une plainte par les filles Agouzzal contre leurs frères, l'influence de ces derniers semble ralentir toute progression, selon nos sources. L'association « Kif Mama Kif Baba » est entrée en action en saisissant le président délégué du Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire (CSPJ), M'hammed Abdenabaoui, par le biais d'une lettre. « L'association Kif Mama Kif Baba milite, depuis sa création, contre toutes les formes de violences, notamment juridiques, économiques et sociales, subies par les femmes marocaines. Dans ce cadre, notre association suit, avec beaucoup d'affliction, le dossier des héritières de feu Moulay Messaoud Agouzzal ayant porté plainte, il y a deux ans déjà, contre leurs frères, pour recel successoral, abus de confiance et escroquerie, notamment », précise l'association dans sa lettre, dont Hespress FR détient copie. Dans cette missive, l'association explique que plus de cinq ans après le décès de Moulay Messaoud Agouzzal, les héritières à l'origine de la plainte n'ont toujours pas reçu leur part de l'héritage, et qu'elles rencontrent de nombreux obstacles dans leurs tentatives d'accès aux informations relatives au patrimoine successoral légué. Cependant, les héritières sont informées, par le biais de la presse, que « ce patrimoine est très important puisque la holding laissée par leur défunt père a été recapitalisée, après le décès de ce dernier, à hauteur de 999 millions de dirhams ». « De façon générale, la presse spécialisée rapporte régulièrement que les affaires de feu Moulay Messaoud Agouzzal continuent de prospérer. Mais depuis cinq ans, seuls les frères semblent bénéficier de cette prospérité », précise l'association. La même source souligne également que les héritières de feu Moulay Messaoud Agouzzal se considèrent « évincées de la succession de leur défunt père au profit des seuls héritiers mâles et sont résolues à aller jusqu'au bout pour obtenir leurs droits ». « Nous sommes interpellés, au-delà des qualifications pénales considérées dans la plainte, sur le point de savoir si les agissements reprochés aux héritiers mâles concernés constitueraient une éviction de ces héritières uniquement parce qu'elles sont femmes. Le code de la famille en vigueur actuellement permet aux héritiers mâles d'obtenir le double de la part de leurs sœurs, et ce, sans que celles-ci ne bénéficient d'aucune condition de « qiwama », d'aucune possibilité de rétablir l'égalité à travers le testament ni d'aucun système de protection sociale spécifique. Ce que notre association ne manque jamais de dénoncer tant cette situation est immorale et injuste», souligne Kif Mama Kif Baba. Et d'ajouter : « Mais face à une situation où les héritières sont évincées même de cette demi-part, nous dépassons l'immoralité et l'injustice. Une telle situation est inacceptable tant au regard des valeurs collectives de notre pays que de sa constitution, de ses engagements internationaux et de ses lois ». Dans ce contexte, l'association « Kif Mama Kif Baba » a appelé le président délégué du CSPJ, à bien vouloir « prendre toutes les mesures de droit utiles pour faire avancer ce dossier et garantir les droits des héritières, rappelant ainsi que, dans notre pays, il est illégal d'évincer des femmes de l'héritage uniquement parce qu'elles sont femmes ». Et « ce dossier est loin d'être le seul », déplore l'association.