La visite du chef de la diplomatie kényane, Musalia Mudavadi, prévue ce lundi 26 mai à Rabat pour l'inauguration de la première ambassade de son pays au Maroc, marque un signal fort d'évolution dans la position de Nairobi, notamment sur la question du Sahara marocain. Cette décision reflète un recentrage stratégique du Kenya, de plus en plus séduit par l'approche marocaine en Afrique et ses projets économiques structurants. Le ministre kényan des Affaires étrangères, Musalia Mudavadi, est attendu au Maroc, lundi 26 mai, pour l'inauguration de l'ambassade de son pays à Rabat, selon des médias kényans. Cette visite marque un tournant notable dans l'orientation diplomatique d'un pays africain ayant longtemps affiché un soutien au polisario. Elle présage d'une évolution dans la position du Kenya sur le différend artificiel autour du Sahara marocain, le pays optant pour une approche plus équilibrée, afin de préserver ses intérêts stratégiques avec le Maroc. À ce propos, le journal kényan The Eastleigh Voice indique que « l'ambassadrice Jessica Gakinya, première représentante diplomatique du Kenya au Maroc, a adressé des invitations officielles pour assister à la cérémonie d'ouverture, prévue ce lundi en présence du ministre marocain des Affaires étrangères, Nasser Bourita ». Le média souligne que « l'ouverture de l'ambassade traduit un changement notable dans la position historiquement fluctuante du Kenya à l'égard de Rabat, longtemps influencée par la question du Sahara ». Cette évolution intervient quelques jours après l'adoption par la présidence kényane d'un projet de nouvelle doctrine de politique étrangère, qui omet toute mention du conflit au Sahara, contrairement aux précédentes versions. Ce choix, recommandé par la commission parlementaire de la défense, du renseignement et des relations extérieures, est perçu comme un signal clair d'un retrait du soutien public de Nairobi aux séparatistes de Tindouf, ouvrant ainsi la voie à une nouvelle dynamique dans les relations entre le Maroc et le Kenya. Le rapprochement économique Maroc-Kenya, moteur d'un repositionnement diplomatique Commentant pour Hespress cette évolution, le directeur du Centre d'études stratégiques pour le Sahara et l'Afrique, Abdelfattah El Fathi, indique que « de nombreux échanges entre le Maroc et le Kenya ont été amorcées après l'arrivée de William Ruto au pouvoir. Il avait même été avancé à un moment que Nairobi allait retirer sa reconnaissance de la république fantoche, avant que la position officielle ne se stabilise à ce sujet ». M. El Fathi souligne également que « la vision économique et de développement portée par Ruto trouve un écho favorable dans l'approche royale des programmes africains intégrés ». Et de noter qu' «il y a yne convergence de vues économiques et une méthode pragmatique et concrète partagée entre le Maroc et le Kenya, ce qui s'est traduit par une augmentation notable des visites de responsables kényans au Maroc, aboutissant à la signature de grands accords de coopération économique ». Le directeur du Centre d'études stratégiques pour le Sahara et l'Afrique ajoute qu '« il ne fait aucun doute que le Kenya est aujourd'hui impressionné par les projets économiques marocains à l'échelle continentale, tels que le gazoduc atlantique, l'Initiative Atlantique pour les pays du Sahel, les plateformes de production d'engrais, ainsi que l'expérience marocaine dans les secteurs bancaire et du crédit. Tous ces éléments incitent Nairobi à avoir une ambassade à Rabat pour booster la coopération bilatérale avec le Maroc ». Et de faire observer que « l'Afrique traverse actuellement de profondes mutations et fait face à des défis qui imposent de bâtir des modèles économiques axés sur le développement, loin des rivalités politiques héritées de la guerre froide. Le continent doit avancer vers des relations de coopération et des partenariats équilibrés en faveur de la stabilité économique, sociale et du développement ». Dès lors, poursuit-il, « le Kenya, engagé dans des réformes sociales et économiques, ne peut que s'aligner sur l'approche marocaine, fondée sur un pragmatisme constructif, des relations Sud-Sud gagnant-gagnant, et le respect mutuel ». Le même expert prédit « une évolution significative de la position kényane concernant le soutien à la souveraineté du Maroc sur ses provinces du Sud, cette reconnaissance étant la clé d'un partenariat bilatéral productif entre les deux pays ». Une percée diplomatique marocaine dans un pays longtemps acquis à la thèse séparatiste Pour sa part, l'expert international en gestion des crises, analyse des conflits et management des risques, El Barrak Chadi Abdeslam, est d'avis que « la démarche du Kenya constitue une évolution naturelle et le résultat logique d'un processus cumulatif alliant une stratégie de fond aux principes constants et un sens diplomatique mesuré, fondé sur des approches multiples – politiques, économiques et sécuritaires – visant à rapprocher les visions et les intérêts du Maroc et du Kenya ». Dans une déclaration à Hespress, l'expert a salué « le succès des efforts diplomatiques marocains au Kenya, grâce à l'engagement rigoureux du corps diplomatique à mettre en œuvre la vision royale et à défendre avec constance la stratégie du Royaume en matière de relations extérieures, notamment sur la question de l'intégrité territoriale ». L'expert souligne aussi que « la diplomatie marocaine au Kenya a opéré avec une philosophie claire, traduisant un professionnalisme nourri par un profond attachement patriotique, un sens des responsabilités et un engagement affirmé. La stratégie adoptée constitue un modèle d'intégration entre la vision royale de la politique étrangère, l'action diplomatique consulaire constructive, le rôle actif des représentations extérieures et les efforts de la diplomatie parallèle dans toutes ses composantes ». A ses yeux, « ce changement de position de la part de Nairobi atteste du succès de la stratégie diplomatique marocaine en Afrique. Depuis plusieurs décennies, celle-ci s'emploie à déconstruire les positionnements hostiles portés par certains axes opposés au Royaume, et qui s'appuient sur des paradigmes dépassés dans la gestion de leurs relations internationales ». Il a rappelé que « cette dynamique de déconstruction est l'un des objectifs déclarés de la diplomatie marocaine, telle que définie par le Souverain, à travers une approche sud-sud éclairée qui constitue désormais un levier puissant de développement économique du continent ». Et d'affirmer que affirmant que « le basculement progressif de la position kényane a commencé avec l'ouverture de chantiers diplomatiques durables dans ce pays clé pour la diplomatie multilatérale mondiale, dont la capitale, Nairobi, abrite l'un des sièges principaux du système onusien, et qui fut longtemps l'un des soutiens majeurs de la thèse séparatiste tant à l'échelle continentale qu'internationale ».