Le ministère de l'Intérieur ne fait plus dans la demi-mesure. Face aux défis croissants de l'urbanisation sauvage et de l'insécurité urbaine, Abdelouafi Laftit déploie un arsenal technologique et humain sans précédent. Entre drones espions et patrouilles renforcées, l'État marocain mise sur la surveillance tous azimuts pour reprendre le contrôle de son territoire. Fini le temps des inspecteurs à pied arpentant péniblement les chantiers suspects. Désormais, c'est depuis le ciel que l'État surveille. En réponse à la députée Soukaina Lahmouch, le ministre de l'Intérieur a confirmé ce que beaucoup savaient déjà : satellites et drones scrutent désormais chaque mètre carré de construction, qu'elle soit en ville ou à la campagne. L'exemple d'EL Kansera, petite commune rurale de la province de Khémisset, est édifiant. En six mois seulement, les autorités ont repéré 20 nouvelles constructions, dont 14 bâties illégalement. Les contrevenants n'ont pas tardé à recevoir la visite des agents assermentés. Cette révolution surveillance marque une rupture nette avec les méthodes d'antan. Plus besoin d'équipes d'inspection chronophages et coûteuses : un drone suffit à couvrir des dizaines de kilomètres carrés en quelques heures. L'efficacité administrative, certes, mais au prix d'une surveillance généralisée qui ne fait pas l'unanimité. Car derrière cette modernisation se cachent des tensions très humaines. Dans les zones rurales, nombreux sont ceux qui dénoncent une approche jugée trop brutale. Le reproche est récurrent : manque de concertation, décisions perçues comme unilatérales. Entre la volonté de l'État de maîtriser l'étalement urbain et les besoins légitimes des populations rurales de se loger, le fossé semble parfois difficile à combler. Sur le front de la sécurité urbaine, la stratégie du ministère se veut tout aussi volontariste. Face aux interrogations du député Mohamed Walzine sur la montée de la criminalité, Abdelouafi Laftit a dévoilé un plan d'action musclé qui allie méthodes traditionnelles et outils numériques. Concrètement, cela se traduit par une présence policière renforcée dans les quartiers sensibles, des patrouilles mobiles qui sillonnent les axes stratégiques, et une coordination accélérée avec la justice pour traiter rapidement les infractions. Mais la vraie nouveauté, c'est l'utilisation systématique des réseaux sociaux comme outil d'enquête. Chaque signalement sur Facebook, Instagram ou TikTok peut désormais déclencher une investigation. Dans cette logique de modernisation sécuritaire, la plateforme e-blagh représente l'aboutissement de la stratégie numérique du ministère. Accessible à tous, elle permet aux citoyens de signaler en quelques clics les contenus illicites qui circulent sur internet, notamment les menaces dirigées contre des personnes ou leurs familles. Un outil pratique qui illustre cette volonté de rapprocher l'administration de ses administrés, tout en démultipliant les capacités de surveillance de l'État. Une modernisation qui interroge autant qu'elle rassure. Conscient que la seule approche sécuritaire ne peut tout résoudre, le ministre mise également sur la prévention. Campagnes de sensibilisation dans les écoles, partenariats avec les associations locales : l'objectif est de créer une culture de sécurité partagée plutôt que subie. « Il faut que chaque citoyen devienne acteur de sa propre sécurité« , insiste Abdelouafi Laftit, prônant une approche « globale et partagée » associant institutions, société civile et citoyens ordinaires.