Hay Lmaâden à Beni Mellal : Dix ans sans eau, électricité ni route, les habitants manifestent

Sous un soleil de plomb, les habitants de Hay Lmaâden, quartier relevant de la commune urbaine de Béni Mellal, ont entamé une marche pacifique, lundi 4 août, jusqu'au siège de la wilaya de la région Béni Mellal-Khénifra. Femmes, hommes et enfants, brandissant le drapeau national et des portraits du Roi Mohammed VI, ont battu le pavé dans le calme, mais avec une détermination claire : briser l'isolement dans lequel ils vivent depuis des années.
© Abdessamade Ait Boukbayn
Leur revendication ? Rien de plus élémentaire : avoir accès à une route praticable, à l'eau potable et à l'électricité. Une demande simple, mais qui résonne comme un cri de détresse dans une province qui, bien qu'ayant le statut urbain, vit encore des conditions comparables à celles des zones les plus reculées du pays.
« On est venus pour demander l'eau et l'électricité. On n'en a pas dans toute la zone. Quand le soleil se couche, les gens n'osent plus sortir de chez eux, même en cas d'urgence. On n'a pas de route non plus. L'ambulance n'arrive pas jusqu'à chez nous ; on doit transporter nos malades en pick-up jusqu'à la route pour que l'ambulance puisse les récupérer », témoigne au micro de Hespress une habitante, visiblement épuisée par une situation devenue invivable.
© Abdessamade Ait Boukbayn
Hay Lmaâden, pourtant rattaché administrativement à la ville de Béni Mellal, ne bénéficie pas des infrastructures de base, contrairement à d'autres quartiers environnants. Cette inégalité suscite l'incompréhension et la colère des résidents, qui affirment avoir à plusieurs reprises sollicité les autorités locales, sans obtenir de réponse concrète.
« Nous, on est affiliés à la commune de Béni Mellal, on fait partie du milieu urbain, même pas du rural. Eux, ils ont l'eau et l'électricité, mais pas nous. Des gens sont déjà allés à la wilaya et à la commune de Béni Mellal, mais aucune réponse ne leur a été donnée », poursuit la même femme.
© Abdessamade Ait Boukbayn
Le sentiment d'abandon est palpable. Les habitants disent frapper à toutes les portes, sans résultat. Certaines femmes, souffrant de maladies chroniques, se voient contraintes de parcourir de longues distances à pied pour puiser de l'eau à la source.
« Imaginez, moi j'ai une maladie du cœur et je dois, chaque jour, porter un bidon de 20 litres pour aller puiser de l'eau, pour moi et ma famille. On ne demande rien d'impossible. On ne veut ni poste dans la fonction publique, ni agrément de taxi, rien. On veut une route, de l'eau et de l'électricité », ajoute-t-elle avec émotion.
© Abdessamade Ait Boukbayn
Le calvaire touche aussi les enfants, qui doivent marcher sur des sentiers dangereux pour se rendre à l'école. Les enseignants, conscients du risque, préfèrent les renvoyer avant la tombée de la nuit.
« À l'école, les enseignants renvoient nos enfants chez eux avant 17h, de peur que la nuit ne les surprenne sur la route », raconte une maman au micro de Hespress.
© Abdessamade Ait Boukbayn
Un autre habitant résume la situation d'une phrase glaçante : « Nous sommes complètement isolés. On n'a ni route, ni eau, ni électricité. On n'a même pas de quoi boire. On marche cinq kilomètres pour aller chercher de l'eau à la rivière. Si une femme doit accoucher, on la transporte dans une voiture de la morgue jusqu'à la ville pour qu'une ambulance puisse la prendre en charge, parce qu'on n'a pas de route ».
Face à cette détresse, les habitants n'en peuvent plus. Ils ont décidé de manifester publiquement leur désespoir, sans violence, dans le respect des symboles de l'État.
« On est sortis parce qu'on n'en peut plus. Ça fait déjà dix ans qu'on vit sans eau, sans électricité, sans route. On demande aux responsables de nous venir en aide. Nos enfants vont chercher de l'eau sur le dos d'un âne, faute de route », déclare un autre manifestant.
Cette marche fait écho à une autre mobilisation récente, celle des habitants d'Aït Bougemez, vers Azilal, qui ont également marché jusqu'à la wilaya pour réclamer un médecin, un transport scolaire, une couverture internet et une route. Deux mouvements distincts, mais porteurs d'un même message : la dignité passe par l'accès aux droits les plus fondamentaux.
Jusqu'à présent, aucune réaction officielle n'a été enregistrée suite à cette manifestation. Mais les habitants de Hay Lmaâden espèrent que cette mobilisation, menée dans le calme et la dignité, saura enfin attirer l'attention des autorités.