Entre sociétés écrans, appels d'offres calibrés et fragmentation des contrats, plus de 75 millions de dirhams font l'objet d'un audit approfondi portant sur marché de location de véhicules haut de gamme au sein de plusieurs communes, apprend-on de nos sources. D'après des sources bien informées de Hespress, les services de la Direction des finances des collectivités locales ont mené intensivement, ces dernières semaines, des investigations ciblant des procédures de passation et d'exécution de marchés de location de véhicules haut de gamme au sein de communes relevant notamment de Casablanca-Settat, Rabat-Salé-Kénitra et Fès-Meknès. A l'origine de cette montée en cadence, des remontées internes signalant des irrégularités récurrentes, avec des contrats attribués à des entreprises liées, directement ou par interposition, à des élus locaux disposant d'un pouvoir décisionnel. Il s'est avéré qu'il s'agit d'un mode opératoire structuré profitant du recours croissant à la location pour réduire les engagements d'investissement. Les premiers constats révèlent la constitution de sociétés de location enregistrées au nom de proches de présidents de conseils ou d'élus influents, permettant de sécuriser l'accès aux marchés communaux. Ces structures auraient ensuite pris l'ascendant sur le segment, raflant des contrats dont les montants excèdent les capacités budgétaires de certaines collectivités, déjà contraintes par une capacité d'autofinancement limitée. Les équipes de contrôle ont également relevé des cahiers des charges rédigés sur mesure, excluant de fait tout opérateur concurrent, ou des marchés artificiellement fractionnés sur plusieurs exercices afin d'éviter les procédures formelles et de recourir à la négociation directe. Selon nos informations, la valeur cumulée des marchés actuellement vérifiés dépasse 75 millions de dirhams, répartis sur près d'une trentaine de communes. L'audit couvre quatre exercices budgétaires et devrait être élargi au premier trimestre de l'année prochaine à d'autres territoires. Si ce segment échappe souvent à un contrôle serré, c'est en partie parce que la location est perçue comme un outil de désengagement financier : entretien, assurance et maintenance étant pris en charge par le prestataire. Toutefois, les enquêteurs ont identifié des écarts d'usage, à savoir des véhicules affectés à des agents en dehors des heures de service, des déplacements personnels durant les congés, ainsi que des trajets non déclarés. Pour recouper les données, les services ont croisé les ordres de mission avec les relevés du système de télépéage Jawaz, présent dans une partie de la flotte, dont les coûts apparaissent en nette progression dans les documents budgétaires transmis. Cette situation intervient alors que la Cour des comptes a déjà alerté sur l'absence d'un cadre institutionnel clair régissant l'affectation, la typologie et les modalités d'exploitation des véhicules communaux. Son rapport annuel 2023-2024 rappelle que les collectivités disposent aujourd'hui d'un parc de 48.485 unités, en hausse de 46% depuis 2016, sans stratégie d'optimisation réellement opérationnelle. Plusieurs communes n'auraient pas mis en œuvre les recommandations visant à normaliser les critères d'attribution, sécuriser les processus et rationaliser les besoins sur la base de priorités fonctionnelles. Selon nos sources, les conclusions finales pourraient déboucher sur des mesures disciplinaires, voire sur une transmission à d'autres instances de contrôle si des éléments infractionnels sont établis.