Entamant cette semaine un nouveau cycle dédié aux questions linguistiques, le centre de recherche Tafra s'est intéressé au poids que représenterait un « vote Tachelhit » dans la carte électorale marocaine. Il a constitué une base de données qui rend compte du nombre de locuteurs de ce dialecte sur l'ensemble du territoire marocain, et se demande notamment s'il existe un comportement électoral chleuh ? 4,7 millions de locuteurs, soit 14% de la population du Maroc. Voilà ce que représente numériquement, selon les chiffres de Tafra, le Tachelhit, dialecte Amazigh le plus parlé du royaume. Certains spécialistes parlent également de Tassoussit (en référence à la vallée du Souss), mais l'air de répartition du Tachelhit s'étend en vérité jusqu'en Haut-Atlas occidental au nord du Souss, et jusqu'aux confins de l'Anti-Atlas au sud. En cours d'urbanisation Le dialecte Tachelhit a ceci de particulier qu'il la plus grande extension géographique dans le pays, comme en témoigne cette cartographie du centre de recherche. Des locuteurs présents dans 1512 des 1538 communes marocaines. Une donne s'expliquant, pour l'essentiel, par l'importante diaspora de petits commerçants, auxquels s'ajoutent plusieurs catégories d'ouvriers et d'artisans établis en milieu urbain à la recherche d'opportunités d'emploi. Tafra donne l'exemple de « la forte concentration » de locuteurs du Tachelhit à Dakhla, et dans des communes hors de la zone dont la langue est historiquement originaire. Car aujourd'hui, 49% de ces locuteurs sont des citadins. Casablanca, poumon économique du pays, recense plus de 334 000 personnes, soit 10% des habitant d'après les recherches de Tafra. Elle se place donc comme la première ville tachelhit du Maroc, loin devant Agadir et ses 222 000 locuteurs. Idem pour la capitale, Rabat, et ses 9,2% de la population (52 000 personnes) qui parlent le Tachelhit. A Tanger et à Oujda, cela représente un taux de 4%. Non abstentionnistes Autre caractéristique relevée par Tafra : le taux de participation aux élections dans les communes s'exprimant majoritairement en Tachelhit, ou attestant d'un monopole linguistique, n'a pas d'égal sur le reste du territoire. Un taux significativement supérieur à la moyenne (de 53,67% durant les récentes élections communales de 2015, selon le ministère de l'Intérieur) est attesté. Photo Dans cette zone électorale non répartie selon des critères linguistiques, Tafra observe un plébiscite « quasi-exclusif » pour lePAM lors du scrutin de 2015 dans 72 communes, suivi par le RNI (64), l'Isrtiqlal (52), l'USFP (36), le PJD (26), le MP (24), le PPS et l'UC (13). Des fiefs partisans propres ne sont pourtant pas à sous-estimer. Le cas des provinces de Sidi Ifni et de Guelmim où l'USFP peut compter sur ses notabilités, la province de Tiznit et la préfecture d'Agadir dominés par le RNI d'Aziz Akhenouch, ou encore la province de Taroudant votant majoritairement par l'Istiqlal qui y dispose d'un homme influent, Abdessamad Kayouh, confirment cette démonstration. Le PJD, conquérant des villes Premier parti et grand vainqueur des élections législatives de 2016, le PJD domine principalement les communes urbaines, neuf en tout. En illustration, Agadir, Dcheira El Jahadia, Inezgane, ou Aït Melloul, où le parti a réussi à totaliser plus de 50% des suffrages. Sur les 303 communes mises sous la loupe de Tafra, c'est le PJD qui remporte le plus grand nombre de suffrages, 203 138 sur les 967 944 inscrits, soit 22% des votants, suivi par le PAM (20%), le RNI (15,5%), le PI (15,2%), l'USFP (9,5%), le PPS (7%) et le MP (6,7%). « Le vote tachelhit ne pénalise aucunement le PJD qui enregistre des résultats légèrement supérieurs à sa moyenne nationale, tout comme le PAM ou le PI. Les partis qui sous-performent sont deux partis administratifs : l'UC et le MP, au profit du RNI (+3,5 points) et de l'USFP (+1,9 point) et dans une moindre mesure du PPS (+1,3 point) » analysent les experts de Tafra. La diaspora, un acteur non négligeable Une différence d'un hypothétique « vote Tachelhit » du vote national est ainsi notée. Il pourrait être réparti entre un vote urbain massivement en faveur du PJD, et un vote rural revêtant plusieurs couleurs partisanes, constamment réuni autour de grandes figures de notables. Tafra ne néglige pas le rôle de la diaspora de ces régions dans les grandes agglomérations urbaines dans le processus électorale. En ce sens, un homme politique comme Mohamed Sajid pourrait représenter un exemple vivant. Maire UC de Casablanca de 2003 à 2015, c'était également un député de Taroudant dont il est originaire de 2002 à 2011. Et ce ne serait pas une exclusivité des partis dits de l'administration. Conseillère municipale PJD de Tiznit, Amina Maelaïnine s'est également hissée députée du parti sur la liste nationale en 2011, avant de décrocher un siège pour la circonscription Hay Hassani (Casablanca) en 2016. Tafra rappelle également la trajectoire du Chef du gouvernement Saâd-Eddine El Othmani. Député d'Inezgane, sa ville natale, de 1997 à 2011, il s'est présenté et a remporté un siège à Mohammedia durant les récentes élections législatives.