Le Bureau central de l'Association marocaine des droits humains (AMDH) a mis en exergue, ce vendredi 5 juillet, les évolutions de la situation des droits de l'Homme au Maroc durant l'année 2018. Un ensemble d'observations relevées aussi bien au niveau central que par les sections de l'association, recensés dans rapport annuel rendu public à cette occasion. L'AMDH y mentionne des cas de « violations ayant touché dans leur globalité tous les domaines et les générations des droits humains universellement reconnues. Les détails. Intervenant au cours de cette conférence pour rendre public les axes centraux du rapport annuel de l'AMDH, le fraîchement élu président de l'association, Aziz Ghali, précise que cette année coïncide avec trois anniversaires marquants. Il s'agit du 40ème anniversaire de la création de l'AMDH ainsi que de la ratification par le Maroc du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. « Il y a eu une dégradation dans tous les domaines de la vie quotidienne des défenseurs de droits de l'Homme et du peuple marocain« , considère Aziz Ghali. « Si nous parlions dans les années précédentes de fragilité des acquis et de la crainte de leur perdition, aujourd'hui nous vivons une apostasie dans ce qui est lié aux droits politiques et civiques, à commencer par les procès du Hirak du Rif, la liberté d'expression où de nombreux citoyens sont poursuivis pour des publications sur les réseaux sociaux, sans parler des conditions de détention et des droits économiques sociaux et culturels où l'on a enregistré des reculs dangereux caractérisés par le licenciement de salariés et l'atteinte à plusieurs acquis sociaux et aux droits culturels à travers le débat qui a accompagné l'adoption de la loi organique appliquant le caractère officiel de la langue Amazighe« , a-t-il dit. Photos Mounir Mehimdate Tableau non exhaustif La situation des droits de l'Homme au Maroc, telle que présentée dans le rapport de l'AMDH est fondée sur les affaires et informations collectées sur les violations observées soit de façon directe par ses sections dans les différentes villes et régions, soit selon les publications des médias nationaux. « L'association ne prétend pas couvrir toutes les violations exercées à l'encontre des droits humains dans notre pays, mais nous estimons que ces données nous permettent de dégager une image générale du comportement de l'Etat dans ce domaine, et dans quelle mesure il respecte ses engagements vis-à-vis des droits et des libertés qu'il reconnait aux niveaux national et international« , explique le président.. Concernant le volet relatif aux droits civils et politiques, et notamment le droit suprême du droit à la vie, l'AMDH a recensé plus de 125 morts sur l'ensemble du territoire national en 2018. Une année également marquée par 10 condamnations à la peine capitale, ce qui porte le nombre des personnes condamnées à mort à 72 (dont deux femmes) contre 73 en 2017 (dont trois femmes). Un bilan dominé par les Hiraks Suivant les questions relatives à « la détention politique et arbitraire » en 2018, le rapport de l'AMDH enregistre que « le nombre de personnes (hommes et femmes) poursuivies, dont celles qui ont été relaxées, de détenus politiques, de la liberté d'opinion et d'expression, des protestations pacifiques, s'élève à 525 cas« . Les activistes du Hirak du Rif arrivent en tête avec 317 détenus, comptant les déplacés à la prison d'Oukacha à Casablanca (55, dont le journaliste Hamid El Mahdaoui), les détenus suite aux événements de juin 2017 dans la province d'Al Hoceima (177 activistes) ainsi que 9 mineurs détenus dans le même cadre. A Jerada, le rapport de l'AMDH note la détention de 95 activistes, 12 à Tendrara (province de Figuig) et 12 autres dans le cadre des manifestations ayant eu lieu au niveau du barrage de Toudgha (province de Tinghir). Le rapport couvre d'autres événements connus dans différentes autres régions du royaume et évoque ainsi les 11 détenus d'Ikhourba (province de Beni Mellal), les 7 conseillers communaux poursuivis en état de liberté dans la cadre du Hirak de la santé d'Outat El Haj (province de Missour), les 3 activistes poursuivis dans le cadre du mouvement La Santé Pour Tous à Bouizakarne (province de Guelmim), ou encore les 7 journalistes poursuivis dans le cadre de ce qui est communément appelé l'Affaire Maâti Mounjib. Et dans le domaine de la torture, l'AMDH dit avoir observé « plus de 27 cas de torture ou de traitements cruels ou inhumains ou dégradants (individuels et collectifs) ». Photos Mounir Mehimdate Ennuis médiatiques Le même rapport consacre un axe à la liberté d'information, de la presse et d'internet. « 2018 a connu une nette régression. C'est ce qui se reflète dans les procès de journalistes, de blogueurs et de directeurs de certains sites électroniques », souligne Aziz Ghali. Le rapport énumère en ce sens l'arrestation et le jugement du directeur du site Badil.info, Hamid El Mahdaoui, du correspondant du site à Al Hoceïma Rabiï Lablaq, du correspondant du journal Milaffat Tadla Adil Baddahi , du directeur du site AraghiTV Abdelali Haddou, des journalistes de Rif24 Jaouad Sabri et Mohamed Asrihi ainsi que le directeur de RassdMaroc Abdelkabir Elhor. Sur ce volet médiatique, le rapport ajoute que « les autorités ont continué à poursuivre les journalistes Abdellah El Bakkali, Maâti Mounjib et ses 6 camarades pendant des audiences formelles et marathoniennes et un ensemble de journalistes et d'activistes digitaux avec de graves accusations à l'instar de l'atteinte à la sûreté de l'Etat, le financement étranger illégal, la déstabilisation de l'ordre ou l'apologie du terrorisme« .