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Le groupe de Casablanca : Jamaât Assirat Al Moustakim (La juste voie)
Publié dans La Gazette du Maroc le 31 - 07 - 2002

Bon nombre d'analystes ont tendance à confondre les genres en ce qui concerne les courants radicaux islamistes. Or, il y a des distinctions nécessaires à faire pour mieux connaître et appréhender ce phénomène. Dans cette analyse, notre approche se base sur les fondements historiques qui ont présidé à la naissance de ces groupes, à leur ancrage idéologique et à leur action.
On a commencé à parler du groupe Assirat Al Moustakim, pour la première fois, lors de l'arrestation d'un certain nombre de jeunes intégristes impliqués dans le meurtre du dénommé Youssef Kerdoudi survenu le 24 février 2002. Les médias avaient, alors, affirmé que ces jeunes appartenaient au groupe Salafia Al Jihadia ( Salafisme combattant). Cependant, ni leur position sociale ni leur référentiel idéologique et culturel ou le crime commis ne peuvent corroborer la thèse de leur appartenance à ce groupe. La même appartenance est encore une fois avancée lors de la récente arrestation d'un groupe d'intégristes poursuivis pour divers crimes dont le meurtre d'un certain nombre de citoyens et dissimulation de leurs cadavres. Et encore une fois, les médias ont confondu les genres en parlant tantôt de Salafia Jihadia, tantôt d'Attakfir Wal Hijra ( Excommunication et retranchement). Or, d'après nos observations, nous pouvons affirmer que le groupe nommé Assirat Al Moustakim n'entretient aucun lien avec le courant de Salafia Al Jihadia et que son référentiel idéologique est plus proche de celui d'Attakfir Wal Hijra, même si ces similitudes demeurent approximatives, comme nous allons l'expliquer ultérieurement. Quel est donc le référentiel du groupe Assirat Al Moustakim ? Quels sont les principaux traits de comportement du courant Attakfir Wal Hijra ? Pourquoi la similitude du référentiel entre les deux courants est-elle approximative ?
Le référentiel : Mustapha Choukri et son ouvrage
“ Attaoussoumat ”
Mustapha Choukri est né le 1er juin 1942 au village Abou Khrous situé dans la province égyptienne d'Assiout. Après le baccalauréat, Choukri s'inscrit à la faculté d'agronomie où il intégra le groupe des frères musulmans. Il fut arrêté, la première fois, en 1965 dans le sillage de la vague d'arrestations qui a visé ce groupe. Il fut incarcéré à la prison Liman Tar avant d'être transféré à la prison Abou Zaâbal. Et c'est au sein de cette prison que fut créé le premier noyau du groupe Attakfir Wal Hijra qui a rassemblé des jeunes appelant à excommunier le pouvoir et la société ainsi qu'à se retrancher (émigrer). Ce groupe a été chapeauté par le Cheikh Ali Abdou Ismaïl, qui fut lauréat de l'université Al Azhar. Mais cette position a vite fait de scinder les détenus islamistes en deux groupes distincts. C'est alors que le guide suprême des frères musulmans, Hassan Ismaïl Al Hadibi, qui était lui-même détenu dans la même prison, s'est attelé à dissuader Ali Abdou Ismaïl. Après d'intenses débats, ce dernier a été convaincu de la nécessité de rejeter sa thèse et c'est ainsi qu'il a rédigé un ouvrage intitulé “ Douâat La Koudat ” (Prêcheurs et non juges) dans lequel il énonçait une idée centrale qui s'articule sur le fait que les islamistes sont des prêcheurs qui appellent les croyants à s'attacher à l'Islam et non des juges qui prononcent des jugements excommuniant leurs opposants. Ali Abdou Ismaïl a commencé logiquement à démanteler son groupe à partir de 1969. Mais Mustapha Choukri est demeuré fidèle à l'idée de se retrancher ( émigrer – Hijra) de la société impie et a commencé à restructurer le groupe après avoir été libéré de prison le 16 octobre 1971. Cinq ans plus tard, et malgré les restrictions imposées à l'adhésion, ce groupe allait compter plus de cinq mille militants. Bien que Mustapha Choukri fut convaincu de n'affronter la société impie qu'après retranchement, il fut contraint de donner l'ordre d'assassiner le ministre des affaires islamiques Mohamed Dahbi dont le cadavre a été découvert le 7 juillet 1977 après avoir été kidnappé quatre jours plus tôt. Après ce meurtre, les autorités égyptiennes ont mené une vaste campagne d'arrestations qui a conduit à mettre derrière les barreaux toute la direction du groupe. Tous les détenus ont, alors, comparu devant une cour martiale les 6-7 et 8 novembre 1977, qui a prononcé la peine de mort à l'encontre de cinq accusés dont l'émir du groupe Mustapha Choukri.
Ce dernier a été considéré, à juste titre, comme l'idéologue principal du groupe “ Attakfir Wal Hijra ” et qui, dans son ouvrage précédemment cité et qui porte un deuxième intitulé “ La Khilafa ”, voulait répondre essentiellement à une question large, en l'occurrence comment faire pour rompre avec la Jahiliya ( période anté-islamique).
Dans cet ouvrage, on peut lire précisément comment il faut déterminer la méthodologie de l'édification de l'Etat islamique. Selon Mustapha Choukri, l'Islam reviendra, encore une fois sur le scène, comme il avait émergé au début, en passant par les mêmes étapes parcourues et selon les mêmes moyens utilisés par l'ancienne génération ( le Salaf ). A ce propos, Mustapha Choukri écrit : “ La déduction pratique concernant l'édification de l'Etat islamique est basée sur deux points essentiels : premièrement, il faut anéantir les impies et deuxièmement, il faut léguer la terre et tout ce qu'elle renferme aux Musulmans. Ce legs est un droit inaliénable et une Sunna (précepte du prophète) immuable. C'est une promesse de Dieu ”.
Quelles sont, donc, les conditions de ce legs ?
Mustapha Choukri dit : “ La condition sine qua non pour que les Musulmans héritent de la terre, de ses ressources, de l'édification de leur Etat islamique et la promotion de leur religion, réside dans leur foi et leur bienfaisance. Cette condition ne peut faire l'objet d'un quelconque changement que ce soit dans le temps ou dans l'espace”.
“La résurrection de l'Etat islamique est conditionnée par un comportement assidu et digne des préceptes du prophète et de ses compagnons, car Dieu a créé l'homme et le ressuscite sous une autre forme qui ne fait l'objet d'aucun changement, c'est à dire que l'Islam reviendra tel qu'il apparut au début. De même que, puisque l'idéal est global, tous ceux qui implorent la bénédiction de Dieu doivent trouver reconnaissance auprès de son prophète. Ceci est une vérité incontestable qui induit que le groupe du droit, en ces moments pénibles, doit suivre à la lettre les consignes du prophète comme au temps où la religion de Dieu apparut. Mais le prophète n'a édifié l'Etat islamique qu'après la Hijra (retranchement ou émigration). Devrions-nous nous retrancher (émigrer) pour édifier de notre part l'Etat islamique ? La réponse est positive. Le retranchement est nécessaire et il n'y a d'Islam ni d'Etat islamique qu'après la Hijra”.
Par conséquent, la Hijra est un concept central de l'idéologie de Choukri puisque “ il n'y a de prophète que celui qui s'est retranché ( émigré) ”. Or, cette Hijra est intimement liée à l'idée du Jihad ( le combat ). En effet, “ l'objectif suprême de l'existence humaine est la prière de Dieu pour recevoir sa bénédiction ”. Cette prière, si elle devait être analysée, se composerait des éléments suivants :
1- Que l'homme puisse être sauvé de la Fitna
(désordre). C'est à dire qu'il puisse éviter de verser dans l'hérésie et, partant, faire l'objet de la punition ou de l'admonestation de la part des impies
2- Instaurer l'universalité de l'Islam,
3- Combattre au nom de Dieu pour édifier l'Etat islamique,
Le Jihad n'a été imposé aux Musulmans qu'après la Hijra et l'ordre de combattre n'est survenu qu'après la Hijra à Médine. Donc, l'anéantissement des impies et leur Etat ne surviendra jamais alors que des croyants continueront à se trouver à leur côté. La Sunna indique que les Musulmans doivent déserter la terre des impies qui seront, alors, exposés à la loi de Dieu. Il ne saurait y avoir de Jihad sans Hijra, puisque celle-ci est une Sunna ( précepte du prophète) et une condition sine qua non pour la résurrection de l'Islam et pour l'anéantissement des impies et le triomphe des croyants.
L'Etat islamique doit, donc, voir le jour après la Hijra. Mais il y a une condition objective à cela. C'est que la société doit être aux mœurs dépravés puisque “ Dieu envoie son prophète après dépravation des préceptes religieux. Dieu n'envoie la lumière qu'après l'obscurité et n'apporte le triomphe qu'après le désespoir. Le droit n'apparaît que lorsque la terre est victime d'injustice. Or, cette condition objective est maintenant remplie puisque la dépravation des mœurs s'étend aux océans et à la terre entière et les hommes méritent le châtiment de Dieu. L'être humain a dépassé toutes les limites du mal, c'est pourquoi Dieu a ordonné au groupe du droit, comme l'a enseigné la Chariaâ, d'apparaître, de se former pour la victoire. Mais cette Jamaâ n'édifiera sa cité que sur les ruines de l'Etat des impies ”.
Quelles sont donc les caractéristiques de cette Jamaâ ( groupe) islamique qui est appelée à édifier l'Etat islamique ?
Mustapha Choukri les résume en deux points :
1- Le strict attachement au livre (Coran) et à la Sunna ( préceptes du prophète), car la Jamaâ de Mohammed s'inspirait directement de la parole de Dieu et de celle de son prophète. L'actuelle Jamaâ doit faire de même,
2- Refuser l'éducation pour l'éducation. La Jamaâ de Mohammed ne s'est jamais concentrée uniquement sur le savoir. L'éducation n'est pas faite pour ici-bas mais pour servir à prier Dieu. Le savoir est un moyen de prière et tout savoir acquis pouvant servir autrement est une hérésie.
Les traits du comportement des adeptes de Attakfir Wal Hijra
Les idées de Mustapha Choukri ont trouvé écho dans beaucoup de pays arabes notamment en Algérie. Mais le Maroc ne fait pas exception. Les adeptes du courant d'Attakfir Wal Hijra construisent leur comportement sur deux niveaux :
1- L'excommunication du pouvoir et de la société. Cette excommunication est totale puisqu'elle dicte de refuser toute fonction dans les établissements de l'Etat,
2- Le retranchement ( émigration). Mais tant qu'il y a des entraves objectives à l'émigration du pays des impies, il faut se contenter d'un retranchement sentimental vis-à-vis de la société et de l'Etat impie. Dans ces conditions ce comportement peut être assimilé à l'émigration. Toutefois, l'autorisation de se retrancher sentimentalement n'est accordée qu'à ceux qui ne peuvent pas réellement émigrer. Mais ceux qui le peuvent, doivent obligatoirement se retrancher (émigrer) totalement de la société des impies.
Ce retranchement se caractérise comme suit :
- Refus de toute fonction publique,
- Refus de scolariser les enfants dans les écoles publiques ,
- Refus de faire la prière du vendredi tant que l'Etat islamique n'est pas édifié,
- Refus de faire la prière dans toutes les mosquées sauf quatre d'entre elles et qui sont Al Masjid Al Haram ( La Mecque), Al Masjid Al Aksa ( Al Qods) Masjid Kobaâ ( Médine) et Al Masjid Annabaoui ( Médine).
Les défauts de l'adhésion au courant Attakfir Wal Hijra
Peut-on parler d'un courant Attakfir Wal Hijra organisé au Maroc ? Tous les indices démontrent le contraire. Ce courant n'existe que sous son expression politique incarnée par des groupuscules qui n'ont aucune coordination entre eux. En général, les militants de ce courant se caractérisent par leur faible niveau éducationnel et culturel. Dans la plupart des cas, ces personnes ont quitté l'école de façon précoce, s'adonnent à des activités commerciales informelles et marginales et expriment leurs tendances au sein de leurs petites familles. Ils n'essaient pas de propager leurs idées puisqu'ils considèrent la société impie.
Ces militants considèrent le Maroc comme un Etat impie dont il faut se retrancher (émigrer). Dans ce cadre, certains éléments ont effectivement émigré vers l'Afghanistan considéré comme Dar Al Islam (Chef lieu de l'Islam). C'est pour cela qu'il faut considérer que certains militants du courant des Afghans marocains, sont en fait des éléments d'Attakfir Wal Hijra.
Cependant, faut-il considérer la découverte de Jamaât Assirat Al Mostakim dans ses deux versions, celles de Miloudi ou celle de Youssef Fikri, comme un indice d'une structure organisée ?
Si l'on se libère de la pression exercée par les médias et des calculs sécuritaires, nous pouvons arriver à la conclusion selon laquelle il n'y a que des groupuscules qui n'ont aucun penchant organisationnel ni projet politique. Mais il faut dire que leur comportement et les crimes dont ils sont accusés contredisent totalement les idées de Mohamed Choukri. Ce dernier n'a jamais appelé à kidnapper de simples citoyens ou à assassiner des personnes accusées d'impiéte. Il avait foi en la confrontation mais après la Hijra totale. Et même quand il fut obligé d'affronter l'Etat, il a ciblé un symbole, c'est à dire un ministre des affaires islamiques. Donc, pour lui, l'assassinat de Mohamed Dahbi comportait un message politique.
Par conséquent, les éléments du groupe d'Assirat Al Moustakim, appartiennent à une structure primaire même s'ils se disent appartenir à Attakfir Wal Hijra. En tout cas, leur comportement n'incarne pas le contenu de ce courant. En fait, ils s'adonnent à l'excommunication sans retranchement (Attakfir Bidoun Hijra).


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