Il y a quelques semaines, l'Ouest, sous la direction des Etats-Unis, a «commémoré» le cinquantenaire de l'invasion de la Hongrie par les chars de l'Armée rouge. Depuis longtemps, on n'attend plus rien de l'Administration américaine, sinon de savoir quel pays sera agressé par les «Marines». Mais que l'Europe de l'Ouest, surtout la France, se laisse prendre à cette mascarade, on ne peut qu'être pour le moins surpris. Pourquoi la France ? Une raison simple. Pris entre les chars soviétiques, un grand reporter photographe français a payé de sa vie les clichés publiés par le magazine qui l'employait, photos qui avaient fait le tour du monde. La vie professionnelle de Pédrazzini était un match permanent. Ce triste épisode qui avait ému toute la France est rappelé non parce que le magazine appartenait à un Français du Maroc féru de jazz, tout comme son partenaire, mais parce que la liberté d'expression fait «tendance» de nos jours, alors qu'elle est un droit. Certes, Reporters sans Frontières est de création récente, mais la mémoire est de toujours. Un hommage rendu par RSF n'aurait rien de déshonorant, pas plus que la republication des photos en question. En fait, cette commémoration est indécente car elle occulte un camouflage. Durant la Guerre froide, une radio américaine dotée de puissants émetteurs dirigés vers les pays de l'Est, excitait les populations et les exhortait à se révolter, avec la promesse que le jour de la révolte, l'Amérique serait là pour les soutenir. Les Hongrois s'étaient révoltés en 1956 et avaient été lâchement abandonnés par les Etats-Unis qui n'interviennent que lorsque leurs intérêts sont menacés. Peu de temps auparavant, une grève dure des mineurs de Poznan, en Pologne, avait été noyée dans le sang sans que les Américains bougent le petit doigt, mais continuent leur propagande par l'intermédiaire de la «Voix de l'Amérique». Quand la Tchécoslovaquie vivait le printemps de Prague avec l'arrivée au pouvoir d'Alexandre Dubcek, brave homme mais ignorant tout des enjeux, les chars soviétiques étaient aussi intervenus et avaient «normalisé» la situation, après plusieurs péripéties dramatiques. Cela n'a pas empêché l'Ouest de se gargariser avec la réussite en Pologne du syndicat ouvrier « Solidarnosc » de Lech Walesa. Il faut tout d'abord noter que celui-ci est un Catholique fanatique au sein d'une Pologne profondément croyante et catholique. Avec un Pape polonais, on peut dire que le puissant Vatican n'était pas loin. Mais les Soviétiques n'en avaient cure et étaient à deux doigts d'intervenir. Jusqu'à aujourd'hui, l'Histoire a établi que la Pologne avait été sauvée par l'armée polonaise, avec l'institution de l'état d'urgence par le général Jaruzelski, qui est d'ailleurs toujours en liberté. Plus tard, l'URSS a commis l'erreur grave d'envahir l'Afghanistan et de s'y installer, comme aujourd'hui, les Américains en Irak. L'épuisement de l'URSS et de son armée, l'arrivée de Gorbatchev ont abouti à la chute du mur de Berlin. On peut donc affirmer que les peuples de l'Est se sont libérés par leurs propres moyens et que la «Voix de l'Amérique» leur a coûté de nombreux morts. Il n'y a que les naïfs ou ceux qui ont des intérêts particuliers pour croire à la « Pax américana » qui a d'ailleurs toujours été une formule péjorative. Par ailleurs, il n'y a nulle part de nouvelle donne de la part des Américains. La donne est toujours la même, c'est l'impérialisme. La preuve en est que la «Voix de l'Amérique» a cédé la place à un complexe audio-visuel, «Sawa», lancé par l'ancienne ambassadrice américaine à Rabat. On ne peut être plus clair. «Sawa» s'adresse aux pays arabes avec pour objectif de bourrer les crânes et chanter les louanges de l'Amérique. L'information est de la désinformation et les évènements du Moyen-Orient sont travestis. C'est tout juste si cette station n'affirme pas qu'au Moyen-Orient, c'est la kermesse tous les jours et le bonheur dans chaque foyer. «La Voix de l'Amérique» est un précédent dangereux. «Sawa» prend la suite alors que nous sommes très vulnérables. Entre les émissions qui distillent leur poison, il y a toujours des chansonnettes qui flattent et font oublier le reste.