Pour la première fois depuis sa création, l'Etat d'Israël est aujourd'hui confronté à une sérieuse épreuve à tous les niveaux. Si son armada a détruit presque toutes les infrastructures libanaises, ses villes n'ont pas été épargnées. Si cette guerre se prolongera plus qu'une semaine encore, c'est la stabilité de toute la région qui sera remise en cause. C'est ce que craignent les régimes arabes, notamment l'Egypte, l'Arabie Saoudite et la Jordanie. Le gouvernement français qui a demandé à tous ses ressortissants de quitter le Liban sait apparemment que le gouvernement d'Ehud Olmert ne peut arrêter son agression avant qu'il enregistre des points significatifs, plus particulièrement dans le camp du Hezbollah. De plus, l'état-major de l'armée israélienne a, samedi dernier, précisé dans son ordre du jour adressé aux soldats, qu'il faut donner le temps nécessaire à ces vastes opérations afin qu'elles atteignent les objectifs définis. A savoir briser le dos du Hezbollah, une fois pour toute. Car si cette organisation arrive à sortir indemne, même pas victorieuse, c'est l'avenir de l'Etat hébreu qui sera incertain. Après quatre jours de raids qui ont visé toutes les régions du Liban, la direction militaire et politique israélienne tente de dessiner des objectifs plus modestes que ceux annoncés depuis le déclenchement de cette guerre baptisée la «punition adéquate». Au lieu de parler de l'écrasement total du Hezbollah et de renvoyer le Liban 20 ans ou 150 ans en arrière, le Premier ministre israélien et son ministre de la Défense ainsi que le chef d'état-major ont posé des conditions différentes pour faire cesser le feu. Ehud Olmert a considéré que le principal objectif consiste à obliger le gouvernement libanais à exécuter la résolution du Conseil de sécurité de l'ONU n° 155 portant sur le désarmement du Hezbollah. De ce fait, il a indiqué au secrétaire général de l'ONU, Koffi Annan qu'il était prêt à recevoir la délégation qu'il a dépêchée dans la région pour aider à contenir les agressivités. Néanmoins, il fait savoir qu'il était prêt seulement à discuter les moyens de rendre immédiatement les soldats enlevés sans aucune condition. La perturbation constatée au sein de l'institution militaire israélienne confirme que l'establishment de l'Etat juif n'est pas en mesure, au moins pour l'instant, de faire marche arrière. Pour preuve, la sortie médiatique du chef de l'Etat-major pour affirmer que l'armée ira jusqu'au bout de ses objectifs au Liban quel que soit le prix. Une réponse à certains anciens hauts responsables militaires qui craignent un nouvel enlisement militaire dans le « bourbier libanais ». Dans ce contexte, force est de souligner que l'ancien chef du front nord et l'ancien vice-président du Mossad, le général Amiram Livine, a déclaré qu'il faut qu'Israël se contente de la punition infligée jusqu'ici ; et de poursuivre qu'il serait difficile de désarmer le Hezbollah dans une campagne militaire de ce genre. De ce fait, il vaut mieux considérer cette opération comme importante, punitive, tout en fixant une date pour sa fin. Et, d'opter pour des pressions politiques par la suite. Alors que les analystes politiques et militaires israéliens sont rentrés en compétition pour fixer le délai d'après lequel le gouvernement pourrait exploiter la tension contre le Liban sans provoquer l'opinion publique internationale, le commandement militaire demande à la population de patienter, le temps de terminer cette opération de règlement de comptes. On parle déjà de trois à cinq semaines pour terminer la « mission ». C'est ce que des membres du gouvernement Olmert ont fait savoir à certains responsables français qui, en fonction, de ces informations ont décidé de demander à leurs ressortissants de quitter le pays du cèdre. En revanche, une minorité en Israël estime que cette « guerre ouverte » pourrait s'étaler des mois. En dépit des menaces multiples des hauts responsables israéliens, le chef de l'état-major israélien a reconnu que le Hezbollah possède des missiles qui peuvent atteindre Tel-Aviv. C'est pour cette raison, que l'armée a rapidement étalé les batteries anti-missiles de type «Patriot » autour des grandes villes. Si le Hezbollah a utilisé jusqu'ici des missiles dont la portée est de 30 km, il a aussi d'autres qui peuvent aller jusqu'à 70 km. La chute des missiles, samedi après-midi, sur la ville touristique de Tabaraya, à 40 km des frontières avec le Liban est un test que les militaires israéliens ont pris en compte. Menaces tous Azimuts Les responsables israéliens n'excluent pas la possibilité de l'élargissement de l'éventail de cette guerre afin d'atteindre la Syrie. Ils considèrent que le régime en place dans ce pays est responsable et associé aux agressions menées par le Hezbollah. En frappant les infrastructures et tenter d'assiéger le Liban, il semble que les responsables israéliens ont l'intention de répéter l'aventure de 1982. Ce qui est loin de toute réalité sauf que l'Etat hébreu veut imposer un changement au niveau de la position prise par le gouvernement libanais et semer la zizanie avec le Hezbollah et ses partisans. En 1982, Israël avait voulu mettre fin à la présence militaire palestinienne. Mais aujourd'hui, son porte-parole affirme que la machine militaire veut briser les reins du Hezbollah. Cependant, la bataille est différente, également la nature de la confrontation avec le Hezbollah et les éventualités de son évolution comme l'avait déclaré son secrétaire général, Cheikh Hassan Nasrallah. Ce dernier qui a affirmé que cette guerre est désormais « ouverte ». Cela veut dire qu'elle pourra s'étendre pour toucher d'autres pays que le Liban. Ce risque existe en raison des nuances essentielles, entre les circonstances de 1982 et aujourd'hui. Une dualité régionale formée de la Syrie et de l'Iran auxquels se rallient le Hezbollah et le Hamas, a remplacé la dualité internationale composée à l'époque des Etats-Unis et de l'ex-URSS. D'autre part, il y a la position prise par le trio arabe formé de l'Arabie Saoudite, l'Egypte et la Jordanie qui s'est désengagé du Hezbollah. Pis, il a considéré que son opération contre l'armée israélienne est une « aventure mal calculée ». En tout état de cause, faut-il rappeler que la partie impliquée dans la confrontation est libanaise et qu'il est impossible de l'obliger à quitter son pays comma il a été le cas avec l'OLP, il y a 24 ans. En plus, cette organisation est largement représentative d'une importante catégorie de la population libanaise sans parler du fait qu'elle possède le tiers du Parlement et participe au gouvernement actuel. D'autant plus de sa légitimité en raison de sa libération du Sud-Liban. Les deux portées, israélienne et syro-iranienne, de la confrontation en cours rendent la situation de plus en plus complexe. Ce qui rend la possibilité d'une solution militaire des armes du Hezbollah chose inconcevable. Cela dit, il n'y a pas de solution de ce volet sans discuter l'avenir de cette organisation au Liban. Et, il n'y a pas aussi une solution du cas Hezbollah sans l'Iran et la Syrie. Changement des règles du jeu ? L'expert dans les affaires libano-syriennes, le professeur israélien, Eitmar Rabinovitch, estime qu'il est temps de changer les règles du jeu qui perdure depuis 1993 au Liban. Car si les échéances seront reportées, le prix à payer sera beaucoup plus cher pour Israël. L'expert reconnaît par ailleurs, que la capacité de son pays à dissuader s'est beaucoup affaiblie. Ce que Cheikh Nasrallah a ressenti et a ainsi agi en conséquence. Notamment, face à un nouveau leadership israélien inexpérimenté. De ce fait, Israël devrait poser des lignes rouges qu'il ne faut plus jamais franchir. Dans ce même ordre d'analyse, d'autres experts pensent que la nouvelle guerre déclenchée par Israël devrait avoir quatre objectifs : le Hezbollah, la Syrie, le Liban et l'Iran. Si Tel-Aviv n'a pas les moyens de s'attaquer à l'Iran, non sur le plan nucléaire, elle possède par contre une marge de manœuvre vis-à-vis des trois autres. Dans ce contexte, le gouvernement libanais reste le maillon le plus faible. C'est pourquoi, il faut riposter dans ce pays d'une manière féroce et opérationnelle, toujours avec un sang froid. La donne régionale est sur le point de changer. En d'autres termes, l'Iran est devenu un principal acteur, notamment après son alliance stratégique avec la Syrie, d'une part, et, de l'autre, après sa résistance réussie jusqu'ici au niveau de la crise du nucléaire. C'est ce qui a fait très peur aux régimes arabes qui sont allés jusqu'à « condamner » l'opération du Hezbollah. Car, ces derniers estiment que si ce parti fait un match égal avec la puissance militaire régionale, ses alliés imposeront de facto leurs lois. En ce moment, les Etats-Unis et ses alliés occidentaux seront contraints à reconnaître son rôle régional. La conséquence : la marginalisation de leurs anciens alliés traditionnels. La partie est donc trop serrée et les enjeux sont énormes. C'est pourquoi la «bataille ouverte » risque de durer.