Tel un train, un mouvement peut en cacher un autre. C'est particulièrement le cas fort intéressant du Parti justice et développement (PJD) et du Mouvement unification et réforme (MUR). Jusqu'au week-end du 14 et 15 décembre, j'ai toujours cru que Saâdeddine Othmani et ses amis avaient soldé les comptes de toute autre forme d'organisation. Qu'ils lui ont substitué une autre articulation en squattant “à jamais” la structure de Abdelkrim Khattib, dont le nom a changé au profit de Justice et Développement. Je ne voyais dans Attawhid wal Islah qu'une survivance nostalgique d'une appellation. Jusqu'à la dernière assemblée générale du MUR, pour moi -dont l'ignorance ne se justifie que par l'incurie et la myopie- l'occasion de me rendre compte qu'en fait, ils n'ont rien squatté du tout puisque en tout et pour tout, le docteur Khattib ne leur avait prêté qu'un nom qui, désormais, n'existe plus pour remplacer une structure qui existe toujours. Au total, un joli tour de passe-passe puisque en définitive les islamistes du PJD n'ont rien abandonné du tout : leur ancienne structure existe toujours aux côtés de la nouvelle. Aux côtés ? C'est trop dire. Lorsqu'on examine les structures du PJD en comparaison avec celles du MUR, on se retrouve devant mieux qu'un clone, la même chose : la même plate-forme, les mêmes finalités, les mêmes cadres, une même pensée et les mêmes maîtres-penseurs. Ce n'est même pas une superposition ou une juxtaposition, ni même une fusion, puisque pour fusionner il faut être deux. Peut-être les deux faces d'une même médaille, et encore. Bonjour les artistes ! Du grand art. Une prestidigitation de bonne facture. Naturellement, les islamistes s'en défendent d'autant plus que la prestidigitation s'apparente à de la magie qui a des gènes communs avec la sorcellerie, mais cette “coexistence” permet une première lecture : l'existence du PJD est une concession pour prendre place et pied dans le travail politique institutionnel, une attitude tactique en attendant le jour d'agir sous un nom aux franches connotations religieuses tel “Attawhid Wal Islah”. Une autre interprétation est possible. Les islamistes du MUR emprunteraient en quelque sorte leur articulation à l'Iran qui met en œuvre une structure séparant le spirituel du temporel tout en subordonnant le premier au second. Dans ce schéma, Rissouni serait, toute proportion gardée, une sorte d'Ahmed Khaméneï et Othmani, Rafsanjani. Sans rapport, évidemment, à leurs yeux. Même s'ils admettent que le MUR est la mère polyvalente et omnisciente tandis que le PJD est le fils, un outil spécialisé dans la politique comme d'autres instruments du MUR sont spécialisés dans l'éducation, la culture ou encore le social. La mère et le fils, c'est précisément la preuve qu'ils administrent pour affirmer que le MUR et le PJD ne sont pas pareils : dans la nature, la mère et le fils, même si le second prend beaucoup de la première, sont des entités bien distinctes, assure l'un des leurs. Soit, mais si le MUR est la mère, le PJD le fils, qui serait donc le père ? Les mauvaises langues d'une certaine presse hebdomadaire en arabe persifleraient : le Makhzen.