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PHILOSOPHES A LA PAGE : «Le vrai miroir de nos discours
Publié dans La Gazette du Maroc le 28 - 03 - 2008

L'humanisme n'est pas une philosophie de la pitié; il ne s'agit pas de pleurer sur le sort de gens, chose facile. L'humanisme est un état d'esprit d'abord : tendre la main et respecter tout le monde, et d'abord ceux qui ne sont pas de mon opinion, qui ne sont pas de ma religion, pas de mon bord politique. Retour sur un maître de tolérance, Montaigne, à l'heure où les pays arabes ont boycotté le Salon du livre de Paris sous prétexte qu'Israël en était l'invité d'honneur…
Nombre de lecteurs connaissent probablement la collection de livres qui s'intitule «Que sais-je ?»; il s'agit de petits manuels destinés à éclairer le public sur un thème précis. Ce que l'on sait moins c'est que cette formule «Que sais-je ?» provient du philosophe Montaigne. Figure emblématique de la Renaissance, cet «honnête homme», comme il aimait à se définir, a véritablement posé les jalons de l'humanisme, ce qui n'était pas tâche facile. Posons le contexte. Nous sommes au XVIème siècle, deux événements dominent l'époque : la récente découverte de l'Amérique d'une part, les guerres de religions de l'autre. Sur ces deux faits majeurs, la position de Montaigne est originale, voire marginale.
Gentillesse naïve
Concernant la découverte du «Nouveau monde», cela a surtout été l'occasion pour le continent européen (les flottes maritimes espagnoles et portugaises, entre autres) d'exploiter des populations dites «sauvages» et qui vivaient dans cette partie du monde depuis belle lurette déjà. Considérés comme des espèces de sous-hommes, les indigènes d'Amérique étaient à la merci des explorateurs qui en faisaient leurs esclaves et tentaient de leur imposer leur mode de vie. Montaigne saisit l'occasion pour exprimer sa pensée : «Je trouve qu'il n'y a rien de sauvage et de barbare en cette nation, à ce qu'on m'en a rapporté : sinon que chacun appelle barbarie ce qui n'est pas de son usage. Comme de vrai nous n'avons d'autre visage de la vérité et de la raison, que l'exemple des opinions et usages du pays où nous sommes». Belle leçon de relativisme moral et culturel. Et pourtant notre philosophe avait sa religion, catholique, à laquelle il croyait dur comme fer, il avait son mode de vie, c'était un «Seigneur De Montaigne» avec un château et un domaine à son nom, il était aussi maire de la ville de Bordeaux, tout cela ne fait donc pas de notre philosophe un affreux nanti; seulement voilà, Montaigne philosophait pour tout le monde, pour l'humanité entière, ceux qui étaient de son avis, mais aussi les autres, peut-être même surtout les autres. L'humanisme c'est cela : non pas une espèce de gentillesse naïve, mais une volonté de considérer et de respecter l'humain pour une seule et bonne raison  : c'est qu'il est humain, qu'il est donc, malgré toutes les différences, notre semblable : «Qui se connaît, connaît aussi les autres, car chaque homme porte la forme entière de l'humaine condition». Second fait  : les guerres de religions : catholiques et protestants se combattaient à mort à l'époque de Montaigne, l'Europe était déchirée, chacune des religions voulant imposer son culte à l'autre, voulant imposer «sa» vérité. Là est le fanatisme : non pas dans la certitude d'avoir raison (chacun d'entre nous a ses certitudes et c'est tant mieux), mais dans la volonté, voire la rage de vouloir imposer sa vérité aux autres. Face à cela, notre philosophe choisit le retrait sceptique; ici nous retrouvons la formule «Que sais-je ?», formule beaucoup plus radicale qu'il n'y paraît puisqu'il ne s'agit pas d'une affirmation (dire «je ne sais pas» c'est déjà affirmer quelque chose), mais d'une interrogation sur soi qui laisse en suspens. La position sceptique de Montaigne n'est pas un aveu de faiblesse, elle est une prévention contre toute tentative fanatique. A peu près à la même époque que notre auteur, l'un des plus grands savants de l'humanité, l'astronome italien Giordano Bruno, a été brûlé vif par l'église pour avoir osé soutenir qu'il existait d'autres planètes que la terre…
Pratique religieuse
Aujourd'hui la Renaissance est loin, le continent européen s'en est plus ou moins remis de ses déroutes, mais des leçons peuvent être tirées. Pour notre continent, pour nos sociétés arabes. L'on entend ici et là, des discours sur une civilisation qui serait meilleure qu'une autre, une morale qui serait supérieure à l'autre, une pratique religieuse plus saine qu'une autre… Libre à chacun de le penser, cela s'appelle la liberté de conscience, mais à partir du moment où l'on veut que tout le monde pense et croie comme nous, sous prétexte que ma vérité est plus vraie que la tienne, là commence le fanatisme. Ce type de discours passe d'autant mieux qu'il est enrobé d'une espèce de sagesse qui se veut bienveillante; écoutons Montaigne : «La plus subtile folie se fait de la plus subtile sagesse». Il est en effet astucieux de récolter des choses qui font partie du patrimoine spirituel commun, pour ensuite les utiliser au compte de sa propre visée idéologique, c'est une technique connue… Les frontières idéologiques sont parfois transparentes. L'Europe a tué des millions de ses enfants avec ses guerres de religion (on l'appelait la guerre de cent ans tant elle a duré), aujourd'hui le fanatisme religieux a changé de continent, pas besoin de faire un dessin. La particularité de notre société marocaine est d'avoir toujours fait cohabiter des populations diverses : juifs, catholiques, protestants et musulmans ont vécu et vivent encore en parfaite harmonie; cela c'est une chance extraordinaire pour le Maroc, il faut la préserver. Le repli sur soi n'est jamais une solution. Alors, pourquoi boycotter le Salon du livre qui s'est tenu récemment à Paris, sous prétexte qu'Israël était l'invité d'honneur ? S'il est un domaine qui est censé dépasser les frontières c'est précisément celui de la culture. Si même les intellectuels se font la guerre, n'est-ce pas d'une certaine façon nier l'universalisme de la pensée humaine ? Shimon Pérès était invité à ce Salon du livre, oui. Mais il n'était pas le seul. La quasi majorité des écrivains israéliens invités à ce salon, était contre la politique de leur gouvernement et pour la création d'un Etat palestinien, et certains d'entre eux se battent pour cela! Alors en quoi cela fait-il avancer les choses que de refuser de leur parler? Geste symbolique  ? Geste de solidarité? N'est-ce pas s'en tirer à bon compte ? Car tout cela paraît si convenu. Et la solidarité avec les écrivains israéliens ? Et le symbole d'une entente intellectuelle entre juifs et arabes ? La solidarité n'est pas à sens unique. Difficile à croire et pourtant vrai : Montaigne, de religion catholique, maire de Bordeaux pendant les guerres entre catholiques et protestants, il n'a jamais pris position ni pour l'un ni pour l'autre camp, et il déclarait n'avoir aucune aversion ni haine particulière pour ceux qui étaient du culte opposé au sien… N'est-ce pas de cet état d'esprit dont nous avons besoin aujourd'hui ? Et la violence ne commence-t-elle pas avec le refus de la parole et de l'échange ?
Abdou Benyacine


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