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à la mémoire de Zohra Elfassia
Publié dans La Gazette du Maroc le 06 - 06 - 2008

Récit. Il y a quelques jours, Zohra Elfassia nous a quittés. Depuis qu'il s'est exilé à Paris, Shlomo collectionne et sauvegarde jalousement, des reliques, des photos et des disques de la diva de Fès
En fin connaisseur de mes goûts, David m'invite dans un convivial bistrot niché dans une sombre et vétuste ruelle adjacente au grand boulevard de Belleville. Au comptoir, on déguste les petites assiettes de Kemia, une infinité de curiosités. Les clients, des hommes dans leur majorité, jouent aux cartes sur des nappes vertes malmenées par les brûlures de cigarettes et tapent tasse sur tasse de l'anisette de marque Phénix. Une douce voix embaume le café. Elle célèbre les lieux et leurs propriétaires, Moualin lamkan, les chevaux et leurs chevauchées, les amours impossibles et inassouvis. Je l'écoute entonner, après l'éloge du saint Moulay Brahim, « galou m'rrakech jani baid/fih nkhal oufih j'rid » (ils disent que Marrakech est loin/on y trouve le palmier/on y trouve ses branches). Chant de terroir, blues du Haouz et des plaines atlantiques, la Ayta dont les soupirs rappellent ceux du Gospel, de la Morna, du Fado et du Flamenco. La forme que je déguste ce soir est citadine. Elle empreinte au Chaâbi urbanisé, au Melhoun et à la musique andalouse. J'essaie de reconnaître la cantatrice dont la voix m'est d'une connivence complice. Une voix qui me transporte dans des paysages, des univers et des ambiances ô combien familières. A travers un nuage de fumée de cigarettes, de senteurs de fritures, d'odeurs de tabac et d'alcool, la tête d'un petit vieux me sourit. Accompagnant sa Kemia d'un morceau de pain qu'il a du ramener avec lui, il me demande si j'apprécie les lieux.
- C'est chaleureux, il y a une bonne ambiance.
- Et la musique, elle vous plait ?
- Ah oui, c'est qui ?
- A Paris, vous ne pouvez la trouver que chez moi.
D'une poche enfouie de son imperméable usé, il retire un sac en plastique noir, en saisit une cassette qu'il m'offre et commence à me narrer la vie de la diva. « C'est à Fès, ville aux mille et un tombeaux, mosquées et synagogues qu'elle a vu le jour. Bercée par les appels des Muezzins, les prières des rabbins, les chants des adeptes des confréries et les coups, saccadés et rythmés, que les artisans portent au bois, au cuir et au cuivre, la petite brunette aux cheveux frisés, aux yeux noirs et aux pommettes roses, été comme hiver, courait les ruelles de la sainte cité en chantonnant. Et Dieu sait qu'elle avait la plus belle des voix… A l'école de l'Alliance que nous fréquentions, elle ne ratait aucune occasion pour pousser la chansonnette. Sarah, notre maîtresse, ne cessait de lui dire : Toi tu vas devenir une artiste. Zohra ne rêvait qu'à ça, une fois grande, devenir une grande cantatrice… Dans la ville, les importants moments de la vie sont célébrés en chants et musiques, les naissances, les circoncisions, les communions, les Barmitsva, les fiançailles, les mariages… Invitée ou pas, Zohra se pointait à la porte de toute maison où une fête est organisée. En s'installant à proximité de l'orchestre, on finit toujours par l'inviter pour un tour de chant. C'est ainsi qu'elle apprit toutes les chansons en vogue à l'époque… Et à chaque printemps, on allait aux Nezahas, pique-niques des berges de l'oued Fès, le fleuve des perles, et des jardins de Jnan Sbil. Après la dégustation des différents et succulents Tagines, arrosés de thé à la menthe et de tasses de Mahia, les après-midi sont consacrés à l'écoute de la musique andalouse, du Melhoun, des Arrûbiat, des classiques égyptiens et des chansons légères algériennes et tunisiennes. Les premiers gramophones avaient fait leur apparition, et les disques 78 tours, s'échangeaient entre mains et mélomanes… ». La sublime voix continue d'ensorceler les lieux. Après Marrakech, elle célèbre Fès avec « mazal mansit l'galsa di fass/l'khlaâ ou jariaâ l'kass ou al ain al kahla ijarhou lakbida ya nass/koulchi bilkaida». (Je n'ai pas encore oublié la fête de Fès/l'amour, le verre et les yeux noirs blessent les cœurs messieurs/ le tout avec douceur). Les paroles sont reprises en chœur, avec théâtralité, par la clientèle. Interprétée par Nessim Anakkab, Reinette l'Oranaise, Lili Labbassi, Muijo Attia, Blond-Blond, Botbol…, Al galsa di fass reste l'un des refrains les plus emblématiques du répertoire judéo-maghrébin. Nostalgique, dans l'exil il ressuscite le pays des origines, le paradis perdu. « Un matin, Zohra quitte Fès pour Rabat où elle est accueillie par une grande et noble famille musulmane de la capitale. Le patriarche, mélomane notoire et fêtard invétéré, avait quatre épouses, dont trois musiciennes, chacune d'entre elles excellait dans un genre musical et jouait d'un instrument, à merveille. Elles initièrent l'invitée de Dieu aux différentes formes de chants classiques et populaires marocains, algériens et tunisiens. Après
Rabat, elle s'installe à Casablanca rue des Anglais. Quand elle traversait les rues du quartier Verdun ou celles de l'ancienne Médina, musulmans et juifs s'écartaient, par estime et respect, pour lui libérer le passage… Première marocaine auteur-compositeur et interprète à créer sa propre troupe, elle était de toutes les fêtes familiales et nationales. Comment peut-on concevoir un mariage sans l'orchestre de Zohra ? Il fallait la voir animer la soirée en jouant du Tarr, instrument par excellence du chef, en dansant et en interprétant L'Aârossa (la mariée), devenue l'hymne des noces marocaines. «Ya nass, ya nass goulou bravo/âla laârouss ou âla shabou/fettech âla zin hatta sabou/farhou lou jamiâ hbabou » (messieurs, messieurs dites bravo/au marié et à ses amis/il a cherché la beauté qu'il finit par trouver/tous ses copains sont fiers de lui). Au moment de laghrama, offrandes d'argent aux musiciens, elle interpelle les convives par leurs noms de famille et leur distribue louanges et remerciements. On venait de loin pour assister à ses prestations, mais aussi pour sa beauté. Quelles tenues ! Quelle chevelure ! Et ce grain de beauté ! Et ce sourire ravageur ! Je vous avoue qu'on était tous amoureux d'elle… Star populaire, Radio Maroc d'alors, passait ses disques qu'elle a commencé à enregistrer à partir de la fin des années vingt chez Columbia, Gramophone, Pathé Marconi, Philips et autre Polyphone… Au cours des festivités de l'indépendance, Zohra participait à une soirée avec Samy Elmaghribi. Je me souviens, elle avait interprété El malik ben youssef. Le morceau sur Mohammed V a enchanté un public en délire et fait vibrer les murs du cinéma Royal de Rabat. C'est dans les années soixante qu'elle s'est expatriée en Israël. Elle s'installa à Ashkelon dans une maison décorée à la marocaine. Bien coiffée, couronnée, maquillée et habillée de ses plus beaux Caftans, elle passait ses journées à cuver ses souvenirs. Entourée de poupées et de bibelots, à chaque fois que son regard croisait celui du roi Mohammed V, dont le portrait trône au salon, elle chantonnait l'un des éloges qu'elle lui avait consacrés. L'image et le souvenir de ce grand roi sont les liens qui l'attachent à son pays… En concluant son récit, de chaudes larmes coulent sur les joues ridées de Shlomo. Il y a quelques jours, Zohra nous a quittés. Il me promit d'autres cassettes. Depuis qu'il s'est exilé à Paris, Shlomo collectionne et sauvegarde jalousement, telles des reliques, les photos et les disques de Zohra Elfassia. Sa manière a lui d'entretenir un lien avec son pays d'origine, le Maroc, la terre de ses ancêtres…


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