Je serais “un videur du Makhzen”. Pas seul mais en bonne compagnie : journalistes, ministres, agents d'autorité et le reste à l'avenant. C'est du moins ce que laisse entendre, sans nommer personne évidemment, un éditorial de l'hebdomadaire “Assahifa”. “Videur”, censé être une insulte, juste pour avoir dénoncé, de temps à autre, les dérives journalistiques comme celles qu'a “commises”, le terme est du cru du Journal-Hebdomadaire, précisément “Assahifa” en publiant une enquête sur ce que l'on appelle aujourd'hui abusivement “la secte satanique”. De quoi s'agit-il ? De l'exemple même de ce que les “videurs” clouent au pilori et de ce que tout journaliste respectueux de son métier ne devrait pas faire. Récit. “Juillet 2002, l'hebdomadaire “Assahifa” - nous apprend son frère aîné, le Journal-Hebdomadaire - commet une enquête claudicante qui mettra la puce à l'oreille à une police secrète embourbée dans sa chasse aux salafistes islamistes”. Suite à cette délation, “quatorze jeunes rockers sont arrêtés et accusés de pratiquer des rites sataniques au Maroc”. Février 2003, l'affaire émeut le Journal-Hebdomadaire qui en fait sa “une” pour dénoncer “la dérive puritaine” du pouvoir. Il conclut que “le régime joue un jeu dangereux. Un jeu qu'il risque de payer cher un jour”. Un jeu dangereux. Parlons-en. Le Journal-Hebdo et “Assahifa” appartiennent à un même groupe et sont dirigés par un même directeur. C'est la seconde qui a guidé les policiers sur les traces du jeune groupe de rockers en faisant sa une de ces “Marocains qui idolâtrent Satan”. C'est le premier qui titre scandalisé : “Satanés gosses, puritains de flics”. Enlevez le “ri” à puritains, qu'est-ce qu'il en reste : putain d'embrouille ! Il y a deux façons de la lire. La première à charge consistera à voir dans les deux hebdomadaires une paire d'enfoirés qui nous appliquent un adage très marocain : “monte manger les figues, descends ! Qui te l'a dit ?”. L'un allume le feu, l'autre crie à l'incendie, ou comme au volley, le serveur lève la balle, l'attaquant smatch. Résultat : en l'intervalle de quelques mois, le beurre et l'argent du beurre. Faudrait-il saluer les artistes ? La deuxième lecture jugera à décharge que “Assahifa” a commis un impair, un énorme impair. Le frère aîné tente de réparer, autant que faire se peut. Avec beaucoup de maladresses et un rien d'impudence, il fait son mea-culpa. C'est cette explication que je retiens. Ce faisant, je me paye à moindres frais l'occasion de ne pas jouer “au videur du Makhzen”. Ainsi affranchi, je dirai tout de même qu'il n'y a pas de sot métier. Videur n'est-il pas précisément ce mal nécessaire au bien-être des autres, celui justement qui, dans les temples de l'hédonisme, remet les énergumènes à leur place lorsqu'ils dépassent la dose presse-crite ?